1. Le carnet de Meredith

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Chanson en média : Be Your Man - Rhys Lewis

Asma se retrouve confrontée à cette imposante palissade saumon qu'elle a côtoyée un grand nombre de fois durant son enfance mais aujourd'hui, le temps morose et les nuages grisonnants s'accordent à la perfection à l'humeur de la jeune-fille. La visite d'Asma n'a rien de joyeux, bien au contraire, elle est paralysée par les souvenirs et celle-ci fixe la porte bleue comme si sa grand-mère allait ouvrir et lui offrir une longue embrassade.
Non, à ce moment même, c'est Isa, l'aide à domicile qui se trouve devant elle, le teint meurtri par ces atroces événements.
Elle ne peut s'empêcher, en voyant les yeux bouffis d'Asma, ressortant alors ainsi de sa peau légèrement basanée, de lui sauter au cou.
Leur étreinte ne dure que quelques secondes, mais assez pour que les joues de la jeune-fille se remettent à ruisseler de grossières larmes.
Un noeud s'est formé au creux de sa gorge et aucun son n'arrive à sortir, on peut juste entendre ses reniflements incessants ainsi que percevoir ses tremblements.
Isa ouvre maladroitement son bras pour la laisser entrer dans cette immense demeure.
Les couleurs chaudes peintes sur les murs la rassurent au premier coup d'oeil malgré ces températures hivernales et son immense tristesse.
Elle s'avance doucement, dépose sa veste sur le porte manteau situé en bas de l'escalier, garde son sac et grimpe les marches rapidement, ne prêtant aucune attention à Isa lui proposant un thé. Seul l'idée de la revoir à travers ses affaires l'obnubile.
Asma entend brièvement avant de s'engouffrer dans la chambre de sa défunte grand-mère :

« Je n'ai pas dormi de la nuit, dès que j'ai reçu votre appel, j'ai immédiatement trié quelques babioles pouvant vous intéresser. »

La jeune-fille s'accroupit devant son lit, ses jambes ne tenant plus sous le poids de l'émotion.
Une vague de chaleur est encore présente laissant comme impression que Meredith, la grand mère d'Asma, venait d'y dormir.
C'est les larmes dégoulinantes qu'elle ouvre fougueusement le carton fraîchement préparé par Isa, contenant les affaires de sa grand-mère paternel.
Dedans, elle y trouve de nombreux bracelets, se rappelant ceux que Meredith portait souvent, son extraordinaire arnica dont elle jouait pour endormir Asma ou bien même de petits pochettes colorées contenant des babioles les plus incroyables les une que les autres.
La jeune femme dégote aussi d'innombrables photos qu'elle ne peut regarder pour l'instant, tant c'était douloureux, alors elle se contente de les ranger dans son sac en cuir et de faire front aux souvenirs se déferlant.
Au fond du carton, une lettre est déposée, le prénom de la jeune-fille est griffonné dessus avec un petit carnet, voilà ce que la grand-mère d'Asma avait légué personnellement à sa petite fille avant de succomber de son cancer.
Le papier est légèrement jaunit par l'humidité et corné ; cette lettre n'est sûrement pas récente comme si Meredhit savait que la mort de prévenait pas et que mieux fallait-il assurer ses arrières.
Asma est surprise, d'habitude sa grand mère était du genre désorganisée et s'y prenait toujours à la dernière minute, elle sait donc pertinemment que cette lettre est importante.
Le papier glisse de l'enveloppe et se retrouve coincé entre les doigts tremblotants de la jeune-femme.
Alors, elle se met à lire d'une traite ses quelques mots :

" Asma, ma tendre petite-fille.
Le jour de la mort de mon grand père en 1954, je devais avoir 19 ans, je n'étais alors qu'une jeune fille.
J'étais en larmes, mes joues croulaient sous les pleurs et mes reniflements ne cessaient pas. Ton arrière grand-père, mon père m'a alors susurré à l'oreille :
" La mort fait peur, elle nous terrorise et nous suit dans nos pires cauchemars. Mais elle n'a rien de féroce, non, la mort nous attend juste, elle nous enlève un proche et nous tord le coeur mais elle n'y peut rien.
La mort nous emporte avec le temps et nous nous éteindrons avec elle.
Quoique il en dit, la mort est à n'importe quel moment à nos côtés."
Sache ma petite-fille, que je veillerai sur toi, qu'importe où tu seras.
Tu es si gentille avec les autres mais pense à toi et ne prête plus attention aux regards des autres.
Ne pleure pas pour ma perte, rie en repensant aux souvenirs.
Un carnet accompagne cette lettre, lis le attentivement, aime le avec hargne, vis le passionnément.

Je t'aime.
Meredith "

Les gouttes se mélangent avec l'encre, quelques mots deviennent illisibles et la jeune-femme ne contrôle plus ses tremblements.
Une centaine d'émotions traversent Asma, elle reste pendant de longues minutes immobile, les yeux dans le vides.
Elle enfourne le carnet et sa lettre dans son sac, puis prend le petit carton sous ses bras.
Asma balaye la pièce des yeux vivement, sachant que c'est la dernière fois qu'elle peut admirer cette décoration si atypique mais qui rendait unique ce lieu et sa grand-mère.
Quand elle referme la porte, la jeune-fille poussa un grand soupir rempli d'amertume.

Isa l'attend là, en bas de l'escalier, les lumières de la baie vitré illuminant sa peau halée et ses yeux marrons caramels.
Les deux-femmes s'appréciaient beaucoup auparavant mais depuis que 10 mois plutôt, à l'âge de 19 ans, Asma a quitté leur petite ville de Whistable, située dans le Kent pour aller vivre dans la ville voisine, Chestfield, un fosé s'est crée et une gêne monumentale est constamment présente.
La jeune-femme ne supportait plus cette petite ville et la mauvaise ambiance qui régnait, elle a simplement voulu changer d'air.
Asma remet frénétiquement sa mèche bouclée couleur brune avant de murmurer un flot de paroles incompréhensibles à Isa puis de claquer la porte.

L'air d'hiver la frappe violemment, provoquant alors de grossières rougeurs au niveau de ses joues.
La jeune-femme court alors rapidement sur le gravier, voulant à tout pris fuir ses problèmes si douloureux.
Une fois qu'un claquement de portière se fait entendre, Asma se perd dans ses pensées : un vide immense se mélangeant à de la peine.
Elle ne détourne pas son regard de l'allée pour admirer une dernière fois ce jardin orné de fleurs des toutes sortes ou bien même, de regarder sa mère.
Asma se contente de fermer longuement les yeux et de se terrer dans la petite voiture rouge.
Catherine, sa mère, ne trouve aucun mot qui pourrait réconforter la peine immense de sa fille alors elle se tait et un lourd silence s'installe dans l'habitacle.

Quand Asma arrive, elle ne dépose aucun regard sur son ancienne maison qui renferme tous ses doux souvenirs d'enfant, elle ne dépose aucun regard sur cette cabane accrochée dans un arbre où elle passait le plus clair de son temps avec sa meilleure amie Anouk et elle ne dépose aucun regard sur son père se trouvant sur le seuil de la porte entrain de l'attendre.
Durant son enfance, la jeune femme vécue dans une maison remplie d'amour et de joie, elle partait des jours en montagne avec son père et dansait des heures avec sa mère. Ses parents avaient toujours été un modèle d'amour et de solidité.
Mais un bonheur n'est jamais sans fin et il y a un an de cela, Asma a aperçu son père entrain de tromper sa mère. Celle-ci n'est pas au courant, Asma n'arrive pas à lui dire. Mais depuis ce jour là, elle n'adresse plus un mot à son père et a décidé en partie à cause de cet événement de quitter la maison familiale. Retourner dans cette fameuse maison n'a rien de joyeux pour la jeune femme mais cela signifie une vague de tourments, de tristesse et de blessures en pleine tête.
Et Asma n'est absolument pas prête à affronter cela, pas dans ce moment si douloureux.
Alors elle se contente juste de trainer sa lourde valise et effleure son père sans la moindre attention.
Catherine, la mère de la jeune-femme, s'est demandée à de nombreuses reprises d'où venait ce long silence mais tous deux sont restés flous sur les faits et lui ont brièvement répondu qu'il se sont fâchés pour une histoire puérile de logement.
La mère a longtemps essayé d'en savoir plus et de les rabibocher mais rien n'y fait alors celle-ci a lâché l'affaire.
Voilà où en est la vie familiale compliquée d'Asma. Les souvenirs heureux et aimants de son passé et la douloureuse trahison de son père flottent encore dans l'esprit de cette dernière.

Face à tout cela, elle se se sent si confuse qu'elle a du mal à avoir les idées claires.
La jeune-femme est sûre d'une chose : cet acte lui a fait tant de mal qu'elle ne s'est sentie plus qu'une coquille vide pendant de longs mois.
Ce sentiment la tracasse encore parfois.
Lorsqu'il s'embrase dans sa poitrine, elle realise que c'est son père qui lui a mit le coup de grâce.

L'ombre et la lumière d'AsmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant