Un amant infidèle

1. C'était comme une première fois

Assise dans le train, rentrant chez moi après une dure journée de travail, mes pensées divaguent, loin, dans le passé. Pourtant, je suis heureuse, fiancée, bientôt mariée, deux enfants, je n’ai rien à envier à quiconque… mais parfois, je pense à lui.

Lui, c’est Gabriel, amour perdu. Amour difficile et malheureux. J’avais 20 ans quand je l’ai rencontré, il était drôle, beau, et diablement sexy. C’est une amie qui nous a présenté. Quelle mauvaise idée ! J’ai toujours répété que j’aurai mieux fait de me couper le bras plutôt que de le prendre au téléphone ce jour-là. Quoi qu’il en soit, nous nous sommes vus et ça a été, pour moi, le coup de foudre immédiat mais pour d’autres aussi hélas. Gabriel était de ceux qui changent de partenaire comme de chemise. Il avait ce je-ne-sais-quoi qui faisait fondre les dames, un charme tout naturel et il s’en servait à volonté. Mais moi, je l’aimais, et même plus. Il m’a rendu folle au sens littéral du terme. Jusqu’à ce jour où il a décidé de se séparer de moi. On ne quitte pas Gabriel, c’est lui qui vous quitte et pas de la plus belle des manières…

J’ai une vie bien remplie, un fiancé, un petit garçon de 2 ans et une petite fille de 9 mois donc autant dire trois enfants. Je suis Directrice des ressources humaines dans une grosse boîte de prod’, je travaille comme une dingue et j’aime ça. Carl, mon fiancé, me dit souvent que je devrais lever le pied pour les enfants mais j’ai du mal. Néanmoins, je dégage quand même des moments pour m’occuper de mes petits monstres.

J’ai quelques amis, Justine que je connais depuis le lycée et Erwan mon cousin, je préfère la qualité que la quantité va-t-on dire. On se voit souvent le samedi, Justine ayant également une petite fille de 6 mois. On en profite pour faire des trucs de maman, genre aller au parc ou à la médiathèque. Les enfants adorent ça. Erwann c’est plutôt le soir pour décompresser, petite bière à la main.

Au boulot, j’ai Hermi, mon assistante, en vrai c’est Emilie mais elle est fana d’Harry Potter donc je l’appelle Hermi en référence à Hermione Granger. Nous sommes souvent ensemble même à la pause dej’ et on se raconte quelques anecdotes sur notre vie. Rien ne laissait présager que j’allais revoir Gabriel.

J’avais rencontré Carl quatre ans plus tôt, au boulot, il venait pour un entretien, bon je ne l’ai pas pris mais par contre, sa cour assidue m’avait touché, je m’étais laissé tenter et ça avait collé, non sans mal.

Il m’avait demandé en fiançailles à la naissance de Clara notre fille, et j’avais accepté. Il me l’avait déjà demandé à la naissance de Maxime et j’avais dit non. Quelque chose ou plutôt des souvenirs m’empêchaient de m’engager puis finalement, j’avais cédé. Le mariage était prévu au mois de juin c’est-à-dire, dans six mois et je n’avais rien préparé encore. Je l’aime mais… il y a toujours un « mais ».

Un jour comme les autres, je partais bosser, le train en retard comme pour pas changer, tenue d’hiver alors que le soleil est au plus haut, je crève de chaud sur le quai. Le train arrive enfin, je monte, me trouve une place pour une fois, écouteurs vissés dans les oreilles, je lève mon nez d’un énième SMS de Carl qui me parle encore d’un sujet où nous sommes en désaccord, et je le vois, assis à trois sièges de moi. Gabriel, même moue tentatrice sur les lèvres qu’autrefois, il est au téléphone et ne semble pas m’avoir vue. Je suis tétanisée, je transpire encore plus et mon cœur bat à mille à l’heure. Gabriel ! Rien que son prénom me met dans tous mes états. Il est encore plus beau que dans mes souvenirs, sa peau est légèrement plus halée, ses cheveux bruns sont un peu plus longs et ses yeux noisette ont la même lueur espiègle. Il ne m’a toujours pas vue. Je le fixe du regard, incapable de détourner les yeux et là, bim ! Il lève légèrement la tête et nos yeux se rencontrent, je rougis et me replonge dans mes SMS. La musique que j’écoute me vrille toujours les tympans. Quelques minutes plus tard, je sens une tape sur mon épaule, je sais que c’est lui. Je retire un écouteur péniblement et relève la tête. Gabriel me regarde et me sourit.

« Comment vas-tu, Johanna ? »

« Oh salut Gabriel ! »,  je suis encore plus rouge « pour une surprise, c’est une surprise, je ne m’attendais pas à te revoir ici. »

« Eh bien surprise partagée » me répond-t-il. « Je suis dans le coin pour affaires. »

J’entends par là, pour une femme…

« Que deviens-tu ? » reprend-t-il.

« Oh c’est long mais je vais bien. Je vais descendre, ma station c’est la prochaine. Je suis ravie de t’avoir vu. » Mais nous savons tous les deux que je mens. « A une prochaine peut-être ! »

Je me lève précipitamment et me dirige vers la porte du train afin de descendre au plus vite lorsqu’il sera à l’arrêt mais Gabriel me rattrape et me tend un papier.

« Tiens, je te donne mon numéro. Si tu as envie qu’on se revoit, pour discuter, appelle-moi. » Il me sourit encore et disparait.