Chapitre 13

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Ce jour-là, une petite neige parsemait les ruelles de Snowdin Town. Des flocons fins agréables, pas assez nombreux pour être dérangeant ni trop peu pour être ignorés, ce genre de flocons qui rendent n'importe quel endroit charmant, qui dansent dans l'air et se laisse faire. Les plus chanceux se déposent sur les toits, on ne viendra pas les ennuyer car on ne peut pas vraiment les atteindre. Les autres se posent sur les trottoirs ou la chaussée pour mourir, car foulés par des pieds pressés ou des pneus réguliers. Les derniers terminent dans les caniveaux sales, se mêlent à l'eau usée et stagnante, boueuse, pour former une masse maronnasse à la texture étrange, elle hésitait entre fondre et rester solide et faisait du coup les deux en même temps, comme si incertaine, elle voulait partir mais aussi rester, dans un état avancé de décomposition, sûrement d'abord tenté par la mort pour se raviser ensuite et tenter piteusement de maintenir ce qu'il reste en vie.

Tout comme le tas Edge fondait et pourtant quelque chose maintenait bancalement sa pauvre carcasse et ce qu'il restait de son esprit, qui n'avait rien de différent à la substance miséreuse du caniveau. Assis au sommet d'un petit tas de débris une bouteille à la main, le squelette essayait, presque d'un désespoir pitoyable, de se noyer dans l'alcool pour dissoudre les derniers lambeaux de lucidité qui persistaient. Ce n'était pas son rôle d'être le héros formidable qui sauve le monde sans jamais flancher.

La tête lourde et les sens altérés, souvenirs et émotions s'entrechoquaient, se mélangeaient, et parfois se brisaient. Seuls quelques-uns étaient clairs et intacts, il avait essayé de les éliminer, en vain. En voyant qu'il ne pouvait plus, ne voulait plus lutter, il avait laissé faire les choses. Toute sa volonté était partie. Il l'avait chassée lui-même, il n'en voulait plus. Lorsqu'il s'était réveillé au milieu du chaos, de sa maison autant que de son âme, plus rien n'avait de sens. Il se fichait de tout ce qui l'entourait. Il se fichait de la discorde qui régnait dans cette maison presque en ruine. À quoi bon se mettre en colère ? Crier sa peine ?

Il l'avait fait maintes fois. Beaucoup trop.

À son réveil, confus, s'étant rendu compte qu'il avait somnolé sur une des marches de l'escalier, ses souvenirs étaient revenus à la vitesse d'un éclair à l'intérieur de sa tête d'os.

Blueberry.

Le désespoir avait envahi son Âme. Rien que regarder la liqueur forte dans son verre lui donnait une réponse quant à son envie d'ivresse désespérée. Edge n'avait pas, n'avait plus du tout envie de jouer aux héros.

La neige tombait toujours, comme une pluie blanche d'une douceur innocente. Un manteau blanc magnifique, malgré les persistants malheurs à chaque coins de rue, ignorant la cruauté de ce monde. Les larmes d'Edge ressemblaient aussi à une pluie, mais elles n'étaient que désespoir, douleur et regret. Edge prit cul sec sa gorgée de whisky. Il s'adossa contre le mur et ferma les yeux.


Une lueur d'excitation brille dans ses yeux d'enfants.

C'est une grande maison, pas celle petite en bois à l'allure délabrée avec une des fenêtres cassées et la porte d'entrée qui ne tenait plus.

Il a les orbites remplis d'étoiles et frétille d'impatience de rentrer à l'intérieur.

Une main se pose avec une tendresse fraternelle sur le sommet de son crâne. Il regard Sans qui lui sourit avec affection.

Lui aussi est ému.

- c'est not' maison, Pap's, tu veux qu'on rentre pour voir ta chambre ?

Il neige. Mais cette neige est différente. C'est la neige de la nouvelle vie. Une neige à aimer de l'intérieur d'une vraie maison. Une neige à aimer de dehors dans de vrais vêtements chauds.

It's my Honey! I'm his Mustard!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant