CHAPITRE 1 : Je m'appelle William

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       Je ne m'arrête pas, je ne me retourne pas

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       Je ne m'arrête pas, je ne me retourne pas. Je me contente d'avancer. Aucune erreur ne m'est permise, pas même une seule. Ma démarche se veut sûre d'elle, mes pieds me guident vers un monde que je pensais ne plus revoir. Jamais. Et si mon corps me hurle de continuer, mon esprit, lui, me prie de reculer. Simplement, ce n'est plus une question de choix.

Mes résolutions me reviennent, se répètent, cogitent jusqu'à me déstabiliser.

Pas de faux pas.

J'approche encore.

Ne les regarde pas.

Paré de l'expression la plus indifférente possible, je lève la tête. Aussitôt, mon cœur crisse dans ma poitrine, et ses battements si réguliers chancèlent avec mon souffle devenu dément. Cette scène, des plus banales, murmure à mon oreille comme une nouvelle torture, une raison supplémentaire pour m'arrêter. Si seulement je le pouvais...

Concentre-toi.

Combien sont-ils ? Cent ? Deux-cents ? Oui, environ. Alors pourquoi est-ce des milliers qui m'apparaissent ?

La musique crie un peu plus fort, couvre ces voix aux sons multiples. Je porte mon regard sur le sol mouillé par la bruine de novembre, sans ralentir cette allure que j'espère banale.

Loin, bien plus loin, je peux m'adosser à un mur et m'autoriser à respirer. Ma gorge brûle avec le froid, gonfle contre ma peau à mesure que les larmes montent à mes yeux, indésirables, incontrôlables.

Du revers de la main, je les chasse et empoigne dans mon sac un carnet rouge, gribouillé sur chaque centimètre de sa couverture. La mine de mon critérium frappe le papier, si fort qu'elle se brise. Un juron passe mes lèvres. La colère naît. Et mon dessin reprend. Avec lui, mon évasion commence son chemin à travers mes traits et suit les mouvements presque désinvoltes de mon poignet. Les bruits deviennent secondaires. À vrai dire, tout devient secondaire. Seule la mélopée compte encore, chante avec mon inspiration. Les ratures s'unissent toutes, forment à plusieurs détails près le croquis que j'avais imaginé.

Alors que je m'apprête à terminer les hachurages de l'ombre, le flou s'agite autour de moi, me forçant à relever la tête. Le portail est ouvert, et déjà les élèves pénètrent dans l'enceinte du lycée. Ils se fraient un chemin entre les grilles surveillées, celles que je refuse de passer.

— Isaac..., me souffle une voix dans mon dos.

Je sursaute lorsque le timbre de mon cousin, faussement suave, m'extirpe de mes pensées. Je me tourne vers lui, et mon regard paraît l'amuser. Ses lèvres s'étirent un peu plus, tandis que ses yeux bleus me dévisagent avec malice.

— Tu ressembles à un mort, lâche-t-il en penchant la tête sur le côté, tu vas pas mourir tout de suite, dis ?

En guise de réponse, je soupire pour masquer un sourire.

Cœurs écarlates [Paru le 𝟎𝟕 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 chez Mix éditions]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant