Cœurs écarlates [Paru le 𝟎𝟕 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 chez Mix éditions]

CHAPITRE 2 : Oublier l'inoubliable

       J'ai soufflé ce nom, je l'ai presque murmuré. Ça ne peut pas être lui. Non, ça ne peut pas. Je m'illusionne, me berce de beaux mensonges pour espérer respirer, rien qu'une fois. Je ne devrais pas me tenir derrière ce garçon, mais j'ai couru avant même de réfléchir.

Je serre le tissu froissé de mon manteau, geste irraisonné, seule preuve que je n'hallucine pas. Il se retourne et, lorsque mes yeux croisent les siens, je comprends mon erreur. Ma énième erreur. Ce n'est pas lui. Le William que je connaissais brûlait de joie, brillait de générosité et d'enthousiasme. La personne qui me fait face est un inconnu. Ses iris verts hurlent sa colère, dans laquelle grince l'impulsivité à peine contrôlée. Il me dévisage, les poings serrés. Puis son expression se métamorphose, et c'est avec incrédulité qu'il se met à me regarder. Enfin, j'arrive à bredouiller :

— Pardon, j-je... je me suis trompé.

Je recule de quelques pas, sans rompre notre contact visuel, effrayé à l'idée qu'il disparaisse. Je scrute l'adolescent, cherche à dénicher la moindre ressemblance avec William, mais l'image qu'il me renvoie est son exact opposé.

Je délire complètement. Ma volonté de le retrouver me fait dérailler, celle de m'excuser ne cesse de me hanter. J'aimerais tant le supplier de me pardonner, mais comment le pourrait-il après ce que je lui ai fait ? Après ça ?

Je reçois un coup derrière la tête et m'extirpe définitivement de mes songes. Mon corps se crispe, tandis que le ricanement d'Adam vrille dans mes oreilles.

— Qu'est-ce que tu fous, Cool Daddy ?

Ce surnom me fait l'effet d'une douche glacée, mais je ne réponds que par un soupir désabusé.

— Arrête de faire ça, grommelé-je, plus froidement que je ne l'aurais voulu.

— Tu n'as aucun sens de l'humour, s'amuse Adam, une pointe d'amertume dans la voix.

Ignorant ses paroles, je reporte mon attention sur le garçon, et me rends compte qu'il s'éloigne. Il s'en va sans avoir prononcé le moindre mot, sans avoir répondu à ma question. Absurde, sans doute. Sa réponse le sera sûrement tout autant. Je la veux quand même, je veux entendre ce « non » qui fera cesser cette vague d'espoir. Et, une ultime fois, comme son écume éphémère, il ne me restera qu'une douleur passagère.

J'entrouvre les lèvres, mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, Adam me tire par le bras :

— Viens, ce mec est bizarre.

Le concerné se fige, mon souffle aussi. Ses épaules se raidissent, c'est la seule chose que je parviens à voir. Il reste immobile un temps. Longtemps. Puis, il se remet à avancer, l'allure brutale, la hargne dans les jambes. Poussé par la curiosité – ou la folie, peu importe – je me défais de l'étreinte d'Adam, et je m'élance vers lui. Au même moment, un adolescent me passe sous le nez et m'arrête d'une main. Ses joues sont encore rouges de son effort, alors que ses yeux bleus me soufflent une demande silencieuse.