Adieu

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Il faisait froid. Mais ce n'était pas une nouveauté. Même en plein été, son cachot était toujours glacial. Et son coeur glacé.

Le vieil homme ramena sa couverture miteuse sur ses jambes frêles en soupirant. Il saisit en tâtonnant un bris de verre et fit une énième entaille sur le mur. Depuis combien de temps était-il ici ? Trop longtemps, ces marques le prouvaient. Il n'aurait pas dû pouvoir les graver. Ses gardiens avaient l'interdiction formelle de lui fournir quoi que ce soit pouvant devenir une arme. Au début, de crainte qu'il ne l'utilise contre eux, puis... pour lui éviter la tentation de s'en servir pour s'ôter la vie. Mais avec le temps, la méfiance de ses geôliers s'était émoussée. Lorsqu'il avait -accidentellement, bien sûr- fait tomber son bol, il avait réussi à en récupérer un morceau. Et il avait ainsi pu commencer son calendrier. Un trait après l'autre, les jours et les nuits s'écoulant inexorablement.

Il effleura distraitement les entailles. Elles étaient nombreuses, si nombreuses... Et un peu plus haut, sa touche personnelle. SA marque. Un rond dans un triangle, et un trait. La pierre, la cape, et la baguette. Et encore au dessus... Non. Il ne fallait pas y penser. Mais il faisait si sombre... Et il se sentait si seul... Une devise. Pas en allemand, non, bien qu'il en connaisse la traduction. Mais en anglais. Évidemment, sur le crâne qu'il utilisait jadis pour montrer ses visions à ses adeptes, elle y était inscrite dans sa langue natale. Mais au fond, il l'avait toujours préférée en anglais. Ne pas y penser, non, ne surtout pas y penser... Pas sa devise. La leur.

Quand il se laissait entraîner malgré lui sur ces chemins glissants, il caressait doucement son éclat de verre en se demandant pourquoi il ne mettait pas fin à ses jours. Mais la réponse était justement dans ce qu'il faisait tout pour oublier. Oh oui, bien sûr, le pacte avait été rompu mais rien ne pouvait entièrement détruire le lien. Qui savait si, en se tuant, il ne prenait pas le risque de le tuer, lui. Et puis, tant qu'il était vivant, le vieillard avait encore une raison de vivre. Mais... Se le rappeler était trop douloureux. Ne pas y penser. Ne. Pas. Y. Penser. Il était ici depuis le 8 mai 1945. Des années. Des années toutes semblables les unes aux autres. Qu'était ce jour, à tout prendre ? Juste un jour de plus. Le 30 juin 1997. Un autre jour, une autre nuit. Identique aux précédents et identique aux suiv...

Il sentit sa main le picoter. Il sentit à la lisière de son esprit...LE LIEN. Impossible. Il se faisait des idées. C'était parce qu'il y avait pensé qu'il croyait entendre sa voix. Qu'il croyait le voir. Mais au point où il en était... Alors, il appuya sur la fine cicatrice au creux de sa paume. Et il activa le lien.

"Le vieil homme à la chevelure argentée se tenait avachi contre le mur, une main brûlée, en mauvaise posture. De quand datait cette blessure? Cela ressemblait à un maléfice. De la magie noire. Extrêmement puissante. Un jeune homme aux cheveux pâles et au visage de fouine lui faisait face, baguette à moitié levée. Il semblait à la fois effrayé et dégoûté.

- Je comprends, dit Dumbledore à voix basse. Tu as peur d'agir tant qu'ils ne t'auront pas rejoint.

ILS ? Il y en avait d'autres et lui discutait calmement, comme si la menace n'était pas flagrante, la mort imminente. Le jeune homme reprit la parole mais ses mots étaient noyés dans le brouillard. FUIS, DÉFENDS-TOI,AGIS ! MAIS FAIS QUELQUE CHOSE !! Le prisonnier essaya de se reconcentrer sur la conversation. Le lieu ? Poudlard sans aucun doute. Mais que se passait-il ? Il y avait une bataille, d'après les cris. Et ce garçon avait pour mission de tuer Dumbledore. NON NON NON NON NON. Mais il n'y arrivait pas. Ce n'était pas un tueur. Un pincement d'espoir jaillit dans sa poitrine lorsqu'il abaissa légèrement sa baguette.

La porte s'ouvrit à la volée et quatre personnes firent irruption au sommet de la tour. Ce fut seulement à ce moment qu'il comprit. Des mangemorts. Voldemort avait enfin trouvé un moyen de se débarrasser de celui qu'il craignait plus que tout: Albus Dumbledore. Son Al. NON NON FUIS, FAIS QUELQUE CHOSE. TU PEUX PEUT-ÊTRE INFLUENCER UN ENFANT MAIS TU NE PARVIENDRAS PAS À FAIRE RENONCER DES FANATIQUES. Il en savait quelque chose.

Juste trois motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant