« Est-ce qu'on t'as déjà dit que tu sentais vaguement le thé, genre, tout le temps? »
Elle écarquilla les yeux. Sa bouche était ouverte tel un poisson. Plutôt un poisson rouge avec sa crinière ténébreuse et ses joues rougissantes.
« - Qu'est-ce... »
Elle le fixa, resta silencieuse un instant avant de simplement retourner à son livre.
« - Du thé. Pas toujours le même. Des fois j'ai l'impression qu'il est fruité, peut-être à la fraise. Le jour où je t'ai rencontrer c'était un thé à la rose. Maintenant c'est de la verveine. »
« - Tu es stupide Ignacio. »
Elle leva les yeux rapidement pour le regarder.
« - Tu es très stupide. Je ne sens pas le thé. »
Elle regarda l'horloge avec impatience. La secrétaire jeta un coup d'œil par dessus son bureau. Ils étaient calmes. Les yeux d'Ignacio ne pouvant plus quitter le visage de la dame qui sourit a la secrétaire sèchement.
« - Le professeur va-t-il bientôt nous recevoir? »
La voix s'était voulue autoritaire mais elle manquait de confiance en soi et restait tremblante.
« - Il est en rendez-vous, Alva. »
Ignacio regarda le bras impatient fouiller son sac et en extirper une boîte de médicament. Alva tapota du pied et couvait des yeux le petit contenant avant de relever la tête soudainement. Elle regarda autour d'elle avec inquiétude.
« - Quelle heure est-il? »
Elle avait les sourcils froncés et les lèvres pincées. Son regard glissa lentement sur l'homme assis devant lui. Il sourit.
« - Bientôt onze heures. »
Elle se leva.
« - Bien, merci. »
Ignacio l'observa tandis qu'elle quittait la salle. Le professeur ouvrit la porte de son bureau et une jeune femme se glissa en dehors de l'office en gloussant. Les cheveux était en bataille et elle n'avait pas d'odeur quand elle dépassa l'homme.
« - Où est Alva? »
Il secoua les épaules.
« - Médora, pourriez-vous dire à Mademoiselle Campbell de se joindre à nous quand elle reviendra? »
La femme au bureau acquiesça. Le jeune homme aspira avec son nez. Rien en passant vers la vieille, grincheuse, fatiguée Médora, Rien en passant devant l'immense, malpropre professeur.
« -Non.. »
La porte se referma sur eux.
« - Que disiez vous? »
Ignacio était surpris. Il avait parlé à voix basse. C'était mieux. Mais le professeur était le professeur et il avait entendu.
« - Rien d'important, je pensais trop fort. »
Le professeur ricana.
« - Je meurt de soif. »
L'homme zieuta la porte.
« - Vous ne devriez pas, elle était là. »
Le professeur sourit en montrant ses trente-six dents.
« - Mais c'est qu'en plus d'être un prodige c'est un homme plein d'humour. »
Il essuya le compliment. Peu importait. Il porta son attention sur les décorations du bureau. Une plaque fine avec le nom du professeur. Une pile dossiers. Une boule à neige avec des squelettes. Un verre d'eau. Un sablier gigantesque. Une photo retournée. Très basique, avec sa poche de sang et les petits bibelots à la tête dodelinante.
« - J'ai très soif. »
Le professeur porta ses yeux injectés de sang sur le cou découvert de l'homme.
« - Très soif, répéta-t-il. »
Ignacio sentit un frisson lui traverser le corps.
« - Moi aussi... »
Le professeur lui glissa le verre dans les mains.
« - Tiens mon enfant. »
Il regarda l'intérieur du verre. Après l'avoir regarder il le bu.
« - C'est bien, désaltères-toi. »
Il trembla en entendant ses mots. D'un coup son cerveau lui rappela l'odeur. Son odeur. La seule odeur. Le professeur s'assit sur son bureau.
« - Tu m'as l'air bien bon. »
Il regarda le sol.
« - Merci. »
L'odeur le hantait, c'était la moitié de sa bouche, la mouture de sa tête, la moitié de son cerveau qui répondait. La porte s'ouvrît lentement. Aucune odeur. Pourtant c'était Alva. Elle était blanche, plus encore que le professeur. Ce dernier l'invita à s'assoir à côté de lui.
« -Alors Ignacio, tu voulais en savoir plus sur la banque? »
Le jeune homme toussota pour retrouver sa voix professionnelle, il jeta un coup d'œil à la femme assisse derrière le grand bureau mais elle jouait avec un stylo d'un air désintéressé.
« - Oui, je suis tout nouveau à ce système. Je suis tout jeune, c'est surtout qu'avant cela je vivais en Amérique du Sud. »
La femme tiqua. Elle releva la tête lentement et posa son visage de porcelaine sur ses genoux qu'elle replia sur le fauteuil.
« - L'Amérique latine, c'est intéressant. La banque est un peu à sec, tu sais, avec les récents événements. »
Le professeur s'assombrit. Ses yeux était brumeux.
« - Oui. »
« - Le sérum. Ces rats. Ces scélérats. Ces abrutis. »
Alva leva les sourcils. Elle était impassible mais Ignacio semblait lire quelque chose dans sa gestuelle rapide et agacée.
« - C'est malheureux que les humains ait réussir à se protéger de nous, camoufler leur odeur... C'est ingénieux. »
Le professeur glissa sur sa chaise. Il fouilla dans son bureau et en sortit une feuille. Ignacio sentit une sueur froide s'emparer de lui.
« - J'espère que vous comprendriez que je veux pouvoir vous faire confiance. »
Le professeur la glissa vers le pauvre homme.
« - Je vais sortir, Médora va commander mon repas à la banque. »
Le professeur sortit. Ignacio se pencha sur la feuille. La raison de sa panique était avérée, il n'arrivait pas à lire quoi que ce soit.
« - Comment tu sais? »
La voix n'était pas aussi piquante que ce qu'il aurait cru. Alva voulait être gentille cette fois.
« - Je... »
Ignacio ne continua pas. Elle soupira, se leva et grippa sur le bureau. Elle se mit à quatre pattes et retourna la fiche vers elle. Elle la parcouru des yeux.
« - C'est une requête pour trouver un humain, un donneur. Je peux la remplir si tu veux. Mais il faut que u me réponde. »
Il hocha la tête mais baissa quand même la tête honteusement et elle récupéra le stylo qu'elle avait délaissé.
« - Qui es-tu? »
« - Ignacio. »
« - Juste Ignacio. »
« - Quel autre nom pourrais-je porter? »
« - Donc tu es vraiment humain? »
« - Que crois-tu? »
« - Je... Je pensais que tu étais comme moi... »
Il releva la tête. Le choc déformait son visage. Il n'en croyait pas ses yeux. C'est vrai qu'en la détaillant bien il voyait tout. Des yeux légèrement orangés. Des lèvres rouges. Des cheveux noirs. Des petites canines.
« - Que fais-tu ici? C'est dangereux! »
« - Ignacio. Tu me connais. Je ne serais pas ici si j'étais en danger. Je suis sauve. Tout va bien, tu es plus en danger que je ne le suis. »
Il fronce les sourcils et serra les lèvres pour ne pas dire des choses qu'il regretterait.
« - Est-ce... Que... Tu te nourris comme un humain? »
Elle hésita avant de répondre, sembla peser le pour et le contre dans sa tête.
« - Non. Désolée. »
Il trembla.
« - Toi, pourquoi tu es ici, tu ne comptes pas rester en ville? »
« - Je ne sais pas. Tu utilises aussi le sérum? »
« - Pas celui qui a été rendu public il y a peu, le mien est un héritage de mon père. Toi? »
« - J'utilise le sérum maintenant mais avant j'avais d'autres moyens de me cacher. »
Elle se mordit la lèvre.
« - J'ai faim. »
Il chercha dans sa veste.
« -Tiens. »
C'était une sucette. À la fraise et au lait.
« - Je ne peux pas, il va revenir, je l'entends. Parlons plus tard.»
Il hésita avant de la ranger rapidement tandis qu'elle retournait sur le fauteuil avec la feuille qu'elle regardait. Le professeur rentra. Il regarda l'homme. Personne ne dit rien. Personne ne bougeât. Tout le monde observa.
« - Professeur. J'ai relu ce qu'il a écrit. Ça devrait aller. »
Le professeur sourit. Il tapota l'épaule de l'homme qui aurait eu envie de couiner en sentant la chevalière du vampire s'enfoncer dans sa chair.
« - Bien joué mon enfant. »
« - Merci. »
Il eut à peine le temps de se relaxer qu'il vit le visage du professeur se rapprocher dangereusement de son cou. Ignacio voulu bouger, réagir, mais c'était trop tard et déjà sous le regard effaré d'Alva. Il ferma les yeux. Sa dernière vision était son visage alarmé, ses yeux prêt a pleuré, le dernier son qu'il avait entendu était son cri perçant. Et son odeur. Il se la rappela une dernière fois.