Juillet 1912, aujourd'hui, il y avait la fête au village. Quelle joie! Accompagnées de mes amies, nous allions pouvoir danser, rire. Père faisait le tour des cultures afin de vérifier que tout se trouvait en ordre, ses champs étaient sa vie, quelquefois mère lui faisait quelques reproches à ce sujet.
—Tu finiras par y mourir là-bas, on a besoin de toi, ici aussi ! Disait-elle les jours de fatigue.
Nous avions une ferme dans le nord de la France, père l'avait construite de ses mains avant leurs noces. Isolée à trois kilomètres du village, la propriété s'étendait de plusieurs hectares. La maison était bâtie au centre d'un pâturage principal, deux granges installées à côté. Nous avions des vaches et des bœufs dans la première puis à l'intérieur de la deuxième le matériel agricole nécessaire à la culture. Sur le côté du bâtiment, se situaient des clapiers à lapins et un imposant poulailler. Père s'occupait seul avec deux ouvriers des bêtes et des champs. Nous, on entretenait les lapins, les poules et le coq. Mère faisait le maximum afin de s'occuper de nous, j'aidais à la maison comme je pouvais. Mes deux petites sœurs Marie et Lucie lui donnaient beaucoup de travail. Moi, j'avais dix-huit ans, elle pensait qu'il serait temps d'envisager un mariage comme les autres filles, père ne pensait pas la même chose ! Je me trouvais dans ma chambre, enfin un coin qui m'appartenait. Je partageais la même pièce avec Marie et Lucie, père, avait bien voulu l'installation d'un rideau afin d'avoir une séparation et de ce fait un petit endroit à moi. Je disposais près de mon lit d'un guéridon nappé d'une broderie beige claire où je déposais mon nécessaire de coiffure et d'un petit miroir doré. Une très belle brosse venant de ma grand-mère, grise avec des roses dessinées dessus constituer mon trésor. Assise sur un petit tabouret, je brossais mes longs cheveux, j'avais mise ma belle robe du dimanche, toute blanche accompagnée de dentelle recouvrant le haut du buste. Une ceinture de satin placée au bas de celui-ci et un long jupon bordé d'une fine bande de couleur crème que mère avait rajouté.
— Louise, viens, je vais te coiffer maintenant, ton père va revenir! Se mit à crier mère.
Je me levais et me dirigeais vers la salle à manger, elle était aménagée de meubles en bois massifs, une grande table placée au milieu de la pièce, accompagnée de six chaises sculptées avec de petits dessins qui représentaient des petits fermiers. Une cheminée sur le côté et à l'opposé un vaisselier remplis de vaisselles et un service en porcelaine qu'ils avaient reçu en cadeau de mariage. Je prenais place puis mère me coiffait, elle faisait un chignon, digne des jeunes filles bien élevées. Tout était relevé au-dessus, juste quelques mèches ici et là volaient au vent. D'un seul coup, Lucie et Marie entraient, courant à l'intérieur de la maison, elles essayaient d'attraper le chiot que père leur rapportait, il y a une semaine. Leurs rires éclataient dans la pièce. Loupio, lui, courait vers le dessous de la table. Allongé sur le tapis, il tirait la langue, essoufflé par l'effort qu'il venait de faire pour échapper aux deux diablesses.
— Ho arrêtez donc toutes les deux, vous allez être sales! Criait mère essayant de les rattraper.
Lorsque je levais les yeux, je découvrais père, posté sur le pas de la porte, il me regardait, j'entrevoyais dans ses yeux la fierté qu'il me portait. Lorsqu'elles s'apercevaient de sa présence, tout à coup, elles s'immobilisaient. Habillé de son pantalon gris du dimanche, tenu par des bretelles noires et de sa chemise blanche pour les grandes occasions, il rentrait.
— Vous êtes prêtes ? Dit il.
— Oui, tiens Lucien débarbouille-toi donc le temps que nous finissions de ranger. Lui répondit mère, plaçant une bassine d'eau au centre de la table.
— T'as vu comme elle est belle, papa, notre Louise, quand est ce qu'elle va se marier? Demandait Marie la plus petite, se postant près de père en montrant un grand sourire.
— Ho ! Mais elle a le temps, elle n'est pas dehors à ce que je sache, elle aide votre mère pour l'instant et puis le premier qui approche ma fille aura affaire à moi, les gars d'ici ne sont pas assez sérieux dans le coin et je pense à autre chose pour l'avenir de notre grande Louise répondait-il me lançant un regard et son petit sourire sur le coin de ses lèvres.
Il savait que je n'étais pas pressée de sauter le pas, personne ne m'intéressait vraiment et j'étais bien près d'eux. Je n'osais pas penser qu'un jour, il faudrait partir et les quitter.
— Il faudra bien un jour, qu'elle se marie pourtant, les gens du village commencent à jaser, on dit qu'elle n'a pas de cœur à n'éprouver aucune envie pour un garçon! Se mettait à répliquer mère. Père se fichait de ce que racontaient les gens. On avait une des plus importantes fermes de la région, il allait aux délibérations de la ville afin de clamer ses idées et défendre les problèmes rencontrés par certains.
— Allez ! On y va! Dit père, prenant sa pipe posée au-dessus de la cheminée.
Tout le monde se dirigeait vers la charrette, mon père aidait à monter notre mère, puis portait les deux petites qu'il installait à l'arrière. Je m'étais assise à côté de mes sœurs, il passait près de moi et m'offrait son petit clin d'œil complice. Nous prenions la route vers le village, la journée était si belle, la chaleur du début juillet nous réchauffait la peau après un printemps pluvieux. Nous croisions les voisins, ils partaient eux aussi. Joséphine, derrière nous, fit un petit signe, enfin surtout à Lucie. Elles ne pouvaient s'empêcher de rire toutes les deux échangeant un regard. Sûrement l'excitation de cette folle journée.
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Ton visage d'amour
Storie d'amoreUne romance qui débute en 1912 et qui traversera la première guerre mondiale . Un couple qui devra faire façe aux conséquences de cette séparation .