Phoenix Rising

Chapitre 2

Brad ouvrit la porte à la volée, attendant patiemment que Tessa daigne enfin se montrer.

- Enfin. Je ne savais plus quoi faire alors j'ai appelé la police.

Oh non... Ils allaient forcément lui mettre des bâtons dans les roues et l'empêcher d'avancer seule de son coté. Prétextant une obstruction à la justice ou une autre connerie dans ce genre.

- Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

- Ils sont venus ici.

Elle monta rapidement dans la chambre du couple espérant que rien n'avait été déplacé ou emmené. Auquel cas elle perdrait un temps précieux à comprendre ce qui avait pu arriver à sa soeur. En poussant la porte, elle retint un hurlement d'hystérie. Elle détestait les flics. Les placards entrouverts avaient été vidés de leurs vêtements, le lit avait été défait et tout le parquet avait été passé au peigne fin à la recherche d'une trace de pas. Il ne lui restait plus que l'ancienne méthode : remonter la piste jusqu'à la dernière personne qui l'ait vu.

- A quelle heure est arrivé son avion ?

- Euh... je ne sais plus. Qu'est-ce que ça peut faire ? La police est déjà sur le coup.

- Ce sont des incompétents ! Je vais la retrouver moi-même.

- Qu'est-ce que tu comptes faire ? Demanda-t-il en la suivant difficilement jusqu'au rez-de-chaussée.

- Il me faut une photo récente d'elle.

Il disparut en direction du salon, fouillant dans les derniers albums photos.

Cela faisait maintenant seize ans que les deux jeunes femmes ne s'étaient pas reparlé. La plus jeune ne pardonnant pas à son ainé de l'avoir abandonné. Pourtant si elle avait connu les vraies raisons de son départ, elle aurait compris la nécessité de s'éloigner de sa famille. Aussi loin qu'elle s'en souvienne elle avait toujours vécu avec les fantômes. Ils faisaient partie de son quotidien depuis son enfance. Elle pouvait les voir et communiquer avec eux. Bien sur personne ne l'avait cru quand elle avait enfin décidé d'en parler à ses parents. Tout ce qu'ils pouvaient faire c'était la trainer d'un médecin à un autre qui la diagnostiquait à chaque fois folle dingue. Son premier jour au lycée fut consacré à l'exploration de la bibliothèque, elle avait cherché une explication à toutes ses apparitions floues qui allaient et venaient devant ses yeux et qu'elle seule pouvait voir. Elle avait même cru être définitivement folle avant de rencontrer une autre médium qui lui avait expliqué que son don pouvait être exploité au-delà de la connaissance des Hommes. Alors elle était partie de chez elle, trouvant plus de réconfort auprès de cette femme que dans sa propre famille.

Brad la tira de ses souvenirs en lui tendant une photo de sa petite soeur lors de son voyage de noces à Tahiti. Elle était vraiment magnifique. Ses yeux bleus rayonnaient de bonheur.

- Merci.

- Je ne sais pas ce que tu veux faire mais c'est une mauvaise idée.

- Tu me remercieras quand je l'aurai retrouvé.

Sans rien ajouter, elle sortit de la maison et prit un moment pour respirer à plein poumons et s'empêcher de paniquer à l'idée de ne pas la retrouver avant que quelque chose de mal ne lui arrive. Elle s'employa à remettre de l'ordre dans sa tête, les mains appuyées contre ses hanches à regarder le ciel sans nuage du Kansas.

Le ronronnement d'une voiture lui fit redresser la tête. Elle observa ses courbes pour en déduire la marque et le modèle : une Chevrolet Impala de 1967. Elle avait été bercée dans le monde des anciennes Américaines par son père. Il en était tellement dingue... et le petit côté garçon manqué de Tessa leur avait donné une passion commune.

Deux hommes en costume-cravate en descendirent avec assurance, s'avançant dans sa direction. Le plus petit - mais tout de même charmant - commença par la dévisager avant de sourire niaisement et de lui présenter sa plaque d'agent.

- Agents Andersen et Fox, dit-il en désignant son partenaire à ses côtés.

- Le FBI ?

Elle était sûr de les avoir déjà vus quelque part mais impossible de se souvenir où.

- Vous vivez ici ? Demanda-t-il sans prendre le temps de relever sa question.

- Non, je suis la soeur de Joy. Vous êtes là pour la retrouver ?

- On s'y emploie.

Elle tourna le regard sur le plus grand qui venait de prendre la parole d'une voix rassurante.

- Nous aurions quelques questions à vous poser si vous le permettez madame...

- Mademoiselle. Ravenwood.

- Mademoiselle Ravenwood, quand avez-vous parlé à votre soeur pour la dernière fois ?

- Il y a plusieurs années.

- Ils parurent d'abord surpris mais masquèrent rapidement leurs émotions.

Le plus vieux fronça les sourcils.

- Vous n'étiez pas en bon terme ?

- Non, pas vraiment.

Ils la dévisagèrent alors un long moment semblant analyser la situation.

- Je présume que ça fait de moi, la suspecte idéale. Mais croyez-moi, j'aime ma soeur et jamais, JAMAIS, je ne pourrais même penser à lui faire du mal.

- J'en suis sûr, souris l'agent Fox.

Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi mais elle lui renvoya son sourire sous le regard désabusé de son partenaire. Ce dernier mit fin au silence qui finit par devenir gênant :

- Restez dans le coin. On pourrait avoir d'autres questions à vous poser.

- Bien sur.

Elle avait répondu sur le ton de la lassitude, retenant un soupir désappointé. Poser des questions c'est tout ce qu'ils savaient faire. Alors elle allait agir à leur place. Ils passèrent de chaque côté d'elle pour monter les quelques marches et frapper à la porte de la maison.

Tessa baissa instinctivement les yeux vers ses pieds. Un ongle ensanglanté était caché au milieu des brins d'herbe. Elle le saisit du bout des doigts et un long lambeau de peau humide et aussi fin qu'une feuille de riz le suivit. Réprimant un haut-le-coeur elle se laissa guider par son instinct de chasseuse. Comme un robot elle marcha jusqu'au jardin que sa soeur prenait tant de soin à entretenir. Parmi les tulipes et les roses blanches, reposait un amas de peau tout aussi répugnant que sa trouvaille précédente. Elle n'osa pas s'approcher plus, l'odeur qui s'en dégageait suffit à lui faire retrousser le nez. Elle n'eut pas besoin de plus de temps pour comprendre à quoi elle avait à faire. Cependant dans l'immédiat cela ne présageait rien de bon pour sa cadette.