Chapitre 1

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Cela faisait trente ans. Trente longues années que le vieil homme vivait à la rue. Aujourd'hui, il arpente les larges avenues de la capitale. Il déambule de quartiers en quartiers à la recherche d'une pierre, d'un caillou, d'un quelconque morceau, quelque chose avec lequel il peut continuer de dessiner. Parfois pendant des heures pour ne finir qu'avec ce genre de galet, sale, qui ne laisse à peine de trace sur le bitume. Mais il ne s'en plaindra jamais. Avec un rien, il parvient à réaliser un chef-d'œuvre. Arnaud, bien qu'usé par la vie, réussit, force de détermination, à utiliser le peu qu'il a sous la main pour épater tous ceux qui croisent son chemin. Il incarne l'opposition, toutes les personnes qui le rencontreront voient leur impression mélangée entre stupéfaction face à son indéniable talent et pitié face à son statut de sans-domicile-fixe. Véritable vagabond, il semble heureux.


Alors qu'il réalisait une œuvre de plus sur le trottoir, cette fois-ci devant l'entrée d'une banque à sa fermeture, de longues et cirées chaussures noires de costume lui marchèrent sur les doigts.

- Je vous prie de m'excuser cher Monsieur. Mais vous ne devriez pas rester ici, vous êtes dans le passage.

Arnaud regarda l'homme, examina sa tenue, puis se ravisa et continua son œuvre, sans répondre.

- Très bien, je vois que vous ne voulez pas répondre. Quoi qu'il en soit, allez-vous-en, vous dérangez ici !

A terre, le vieil homme se tapa l'oreille, caillou à la main, puis la bouche, dans le but de faire comprendre à ce riche homme qu'il n'entend rien et ne parle pas non plus.

- Alors vous êtes sourd ? Excusez-moi, au revoir, dit-il d'un air pressé.

Arnaud le regarda partir lorsqu'il se rendit compte qu'un petit carton venait de tomber au sol. Il le saisit et put lire :

« Benoît Constans

Conseiller bancaire

Contact au 06... »


Il examina précautionneusement ce qui paraissait donc être une carte de visite puis la glissa dans sa poche. Il continua son dessin. Une heure plus tard, Arnaud saisit son sac, sortit de nouveau son appareil photo et pris son œuvre en photo. Il prit ensuite la route vers le petit porche sous lequel il essaye de dormir, lorsque la police ne vient pas faire une patrouille nocturne. Arnaud s'est fait déloger plus d'une centaine de fois des différents endroits où il dormait. Les policiers commençaient même à le connaître.


Effectivement, bien qu'il s'en doutait, Arnaud a cette nuit été délogé et s'est vu changer d'endroit, loin des yeux autoritaires des policiers. Il croisa sur son chemin un homme très louche, terrifiant, au point qu'Arnaud prit peur et accéléra le pas. Manque de chance, en pleine hâte, ce dernier se retrouva nez-à-nez avec un policier, l'un de ceux qui l'ont justement délogé. Tous deux se bousculèrent et Arnaud tomba à terre. Voyant la peine avec laquelle il tentait de se relever, le policier lui tendit la main. Une fois relevé, le policier constata que la carte de visite qu'Arnaud venait de récupérer, était tombée à terre. Le policier s'en empara, la lit, puis commença à interroger Arnaud, ne sachant bien évidemment pas qu'il était sourd et muet. Il saisit le talkie-walkie attaché à sa ceinture et passa une annonce : « Besoin de renfort d'urgence, derrière le carrousel. »


Les renforts mirent moins de cinq minutes à arriver. Arnaud ne comprenait rien de ce qui était en train de se dérouler, mais il pensait qu'il allait être arrêté pour vagabondage. Les quatre hommes arrivés à la rescousse se penchèrent vers leur collègue et tous commencèrent à chuchoter.

- Monsieur Delpret, vous allez devoir nous suivre au poste, nous avons quelques questions à vous poser.


PAROXYSME ET ACCALMIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant