CHAPITRE UN : LES POULPES D'ANDROMÈDE, PLANÈTE OCTOPUS

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« Dis, quelle est ta couleur préférée ? »

Le regard de Bulle se perd dans les bulles de savon en posant cette question. Un petit radio cassette joue un morceau de piano plutôt doux et les notes s'entremêlent au parfum de lavande qui se dégage de l'eau du bain. Les longs cheveux roses de Bulle valsent ensemble dans l'eau violette et Hellébore observe ce spectacle comme on contemple une œuvre d'art.

« Tu sais très bien que c'est le violet. Le violet pâle. Comme le lilas. »

D'un coup de baguette, Bulle diffuse un ciel étoilé au plafond et les coquillages qui y sont gravés en cristal transparent s'illuminent portés par son geste élégant et fin. Dehors, un vent léger tape contre les vitres. Autour de son cou, elle porte un pendentif en or noir duquel elle ne sépare jamais. C'est un cadeau de son père quand elle a été diplômée de l'académie des sorcières de la région ouest, une terre de cendres et de feu sur laquelle rien ne pousse. Bulle est la première à y avoir établit une forêt et son propre écosystème, entièrement fabriquée par magie. Ce collier est le symbole de son génie qu'elle ne mesure pas. Son père lui avait raconté qu'il avait été forgé dans la peau et le cœur d'un monstre légendaire qui ne porte jamais le même nom selon les régions et les clans de sorciers, un être spectral qui ne prend forme que lorsque l'on réussit à l'achever. Bulle ne croit pas vraiment à ces légendes. Elle sait qu'il vient d'une bijouterie luxueuse des terres du sud et qu'il est issu d'un cristal magique apportant protection et régénération. Le ciel étoilé tourne autour de sa tête comme une couronne, une auréole interstellaire qui la sacralise. Il se reflète sur sa peau blanche tachetée de morceaux de diamants bruts, signe distinctif du clan des Berwen, les sorciers guérisseurs, chaque constellation comme si elles s'observaient elles-mêmes dans la pureté de cette peau. Toujours dans une transparence, la peau de Bulle est telle un métal translucide, ce qui fait qu'elle apparaît toujours comme malade, ou comme une machine en panne, une lumière mourante qui clignote dans un long couloir sans issu, une figure brumeuse, mystique et fantasmagorique qui perdrait ses pouvoirs. Les yeux gris et les cheveux longs et roses, la taille fine et toujours dans des armures teintées de rose pâle et de paillettes brillantes, un tatouage d'ailes gigantesques dans son dos, les oreilles pointues, Bulle scintille. Le clan des Berwen a toujours été bien plus proche des fées que des sorciers avec qui ils sont souvent en conflit pour des raisons obscures qui remontent à bien plus de dix mille ans. Son amour pour Hellébore avait d'ailleurs causé bien des problèmes. Elles se sont rencontrées dans la même académie des terres de l'ouest. Bulle avait été attirée instantanément par cette sorcière du clan des Cersin, réputé pour la magie noire et la chasse de démons, et surtout, il fut un temps, du massacre des humains. Les Cersin ont toujours été les plus grands fabricants d'armes, les faiseurs d'armées les plus puissantes. Ce regard de force, de courage, de ténacité dans les yeux rouges d'Hellébore avait fait vaciller le cœur de Bulle. Elle mettait en lumière des aspects du monde insoupçonnés, plus avancés, plus mécaniques. La magie et la technologie formaient un couple formidable qu'elle incarnait de manière plus que sublime. Sa baguette est une épée très fine toujours rangée à côté d'un pistolet noir serti de rubis et d'améthystes projetant des balles magiques surpuissantes qui peuvent paralyser, arrêter le système nerveux ou encore manipuler psychologiquement l'ennemi. Ses cheveux noirs coupés courts et sa peau sombre qui varie entre l'ambre et la noirceur de la nuit, les bracelets en or découpés dans sa peau avaient surpris Bulle dans tout ce qu'elle pensait savoir des sorciers. Elle était la tradition quand Hellébore incarnait le progrès. Fille ainée du chef des Cersin, elle était destinée à diriger une armée. Au lieu de cela, la voilà dans un bain de lavande avec une fille d'humaine et d'un sorcier antiquaire sans grand mérite ni savoir des Berwen, un clan que ses ancêtres ont combattu lors de la seconde guerre magique. Elle n'a jamais été aussi heureuse qu'à cet instant. Le bruit de la fureur de son cœur s'est arrêté depuis l'instant où elle l'a embrassée pour la première fois.

LA DANSE DES BULLES DE SAVONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant