Les repas dans la maison des Marklas se passaient relativement toujours de la même manière. C'était une danse bien organisée que chaque membre effectuait sans même en avoir réellement conscience. La maîtresse de maison n'y participait, habitude qui n'avait pour exception que l'arrivée d'invités. Cependant, pour le chef des lieux, Frederick, même cette exception en lui suffisait pas. Il ne se montrait que très rarement et jamais, il n'avait partagé le moindre repas avec sa famille. Pour l'aîné, Karl, son rythme de vie décalé le coupait ne les prenait jamais aux bonnes heures et Michael se pressait de les prendre pour partir. Organiser comme du papier à musique, les soins que prenaient chacun pour éviter les autres faisaient presque penser à une pièce de théâtre minutieusement préparée. Les employers de maison devaient faire preuve de beaucoup de flexibilité pour satisfaire chacun des habitants de la propriété. La famille était complexe mais pas seulement par leurs envies ou horaires divergents. Aucun n'avait le même caractère que l'autre et l'entente était difficile, à tous les niveaux. Un seul point concordait pour toute la famille ; l'héritier de l'empire Marklas allait revenir au cadet. Karl était frivole, désintéressé et peu fiable à l'inverse de son petit frère qui se montrait très assidu dans ses études et vouait des ambitions similaires aux idées d'expansion de l'entreprise. Chacun en avait conscience et menait leur vie en convenance avec cette idée là. Michael avait rapidement appris à ne pas avoir confiance en son frère. Il ne savait pas exactement ce qui, chez lui, le mettait en alerte mais pas un jour ne passait sans que Karl ait un comportement douteux. Peu souvent à la maison, les moments où il y était, il s'enterrait dans sa chambre pendant des heures ou passait son temps dans le garage à bricoler sur une vieille voiture. Il ne parlait pratiquement pas mais critiquait tout et tout le monde à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Il avait un caractère condescendant, arrogant et égocentrique. Tout ce qui pouvait insupporter le jeune Marklas. Il possédait toutes les caractéristiques que Karl n'avait pas. La bienveillance, la volonté et la motivation emplissaient sa vie. Malgré son tempérament compétitif et son air supérieur, il connaissait assez ses adversaires pour ne pas se juger meilleur que les autres. S'il se disait remarquable face à autrui, cela voulait dire qu'il l'était réellement, ce n'était pas du narcissisme mais de la réalité. Michael Marklas était une personne hors du commun, avec des capacités en dessus de la moyenne. Sa seule grande faiblesse était Mia. Elle était son talon d'Achille, son mystère, la seule chose qu'il ne comprenait ni ne maîtrisait dans sa vie. Pourtant, elle n'était même pas censé en faire partie. Comment pouvait-il lui faire face alors qu'elle échappait totalement à sa raison. Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce lien qui l'unissait à elle. Tout son être se déréglait auprès d'elle. Cela faisait sept ans qu'il se perdait à trouver une explication. A ses crises, au mutisme de Mia. Il cherchait, cherchait et s'enfonçait. Si seulement il pouvait voir ce que personne n'était encore prêt à accepter, ce que personne ne doutait sur l'état et la raiosn du mutisme de Mia Hallen. Son esprit avait peut être oublié sa conscience mais son coeur ne pouvait le faire. Ses tourments en étaient le résultat. La preuve de son lien à elle. La fille Hallen était la clé de son état psychique ; il en était certain. Mais son amnésie avait raison de lui. Il se devait de retrouver la mémoire. Il se devit de savoir ce qui le tourmentait tant avec Mia Hallen.
Et ce soir là, il réfléchissait. Tourmenté par son ignorance, Michael n'arrivait pas à se concentrer sur son devoir. Sept ans, c'était relativement long. Trop long pour garder un secret, encore plus au sein de Saint-Harne. La « mini-société » que formaient les colporteurs de la ville, ou plutôt, les vieilles veuves de la ville veillaient à ce que chaque mystère soit révélé aussitôt soupçonné. Mais elles avaient échoué avec celui de Mia. Qui aurait bien pu imaginer la vérité ? Personne n'y était encore parvenu pourtant il rongeait bien plus de personnes que celles présomptement connues. Détruisant non seulement la famille des Hallen mais aussi le fils des Marklas. Emportant tout sur son passage, toutes personnes ayant été, de près ou de loin, en contact avec ce qui s'était passé lors de ce quatorzième anniversaire, avaient été marquées au fer rouge à jamais. Alors que pouvait bien signifier ce devoir face à l'inconsciente perturbation de l'oubli de Michael ? L'économie ne faisait pas toujours le poids en rivalisant contre la réalité cachée. Comme ce soir là. Durant cette soirée, Michael ne put travailler. Il ne réussit pas à terminer ses obligations et reçut la visite de maux de tête persistants. Avant d'aller se coucher, il regarda par la fenêtre la maison de ses voisins. Les Hallen avaient depuis toujours vécu en face de lui. Lorsque les enfants étaient plus petits, il y avait eu beaucoup de fêtes dans le jardin. A présent, le silence et l'inertie totale régnaient autours du bâtiment. Il faisait noir et rien ne semblait bouger de l'autre côté de la route. Cela paraissait comme si la vie elle-même avait quitté les lieux. Le Néant avait pris possession de la propriété sans y avoir été invité alors que tout le monde attendait la venue de la Création.
Il n'y avait plus rien à voir.
Il ne restait alors plus qu'une chose à faire pour l'héritier des Marklas : aller se coucher. Il rappela à ses employés l'heure à laquelle il devait se réveiller pour le lendemain puis se mit au lit. En éteignant les lumières, il repensa à ce que Rayan lui avait dit : «Tu penses que tu vas pouvoir, un jour, te défaire de cette habitude ?». Cette question semblait difficile mais elle ne l'était pas vraiment. Il n'y arriverait pas, c'était limpide. La seule chose qui lui restait à faire était de trouver un autre moyen de contrer le problème. Il allait gardé cette habitude, la traînant avec lui pour le reste de sa vie. S'il ne voulait plus qu'elle piétine sur son existence, il allait devoir se mettre sérieusement à la recherche d'une autre approche. Trouver un moyen qui lui permettrait d'avancer malgré les difficultés au lieu d'essayer de les contourner. Cependant, il ne le savait pas. Il n'avait pas encore réalisé l'importance de Mia Hallen dans son futur. Cette inconscience ne le priva heureusement pas du sommeil, et il rejoignit Morphée accompagné de ces céphalées. De leur côté, les employés de maison continuaient leurs tâches. S'assurant que les résidents puissent vivre une agréable journée pour le lendemain, ils s'affairaient souvent jusqu'à très tard avant de pouvoir à leur tour se coucher. Ils se levaient bien évidemment plus tôt que leurs employeurs mais aucun ne s'en était jusqu'alors plaint. Les salaires étaient tout à fait honorables pour compenser le manque d'attention et de gentillesse des Marklas. Ils étaient même heureux de leur emploi pour la plupart. Tout en connaissant les particularités de chacun, ils ne se doutaient pas une seconde de l'ampleur de leur pouvoir au sein de cette habitation. Aucun d'eux ne savaient encore qu'ils allaient jouer une partie décisive dans l'avenir de leurs maître.
A Saint-Harne il était connu qu'un secret né au sein de cette ville ne restait jamais inconnu bien longtemps. Mais dans le quartier de Mauline, il y avait le côté Sud qui taisait ses ténèbres et le côté Nord qui ignorait son implication.
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Insondable
Misterio / SuspensoSaint-Harne était une petite ville sans grands problèmes. Les mystères n'y avaient pas leur place avant son arrivée. Mia Hallen était connue de tous mais personne ne savait qui elle était réellement. Les petits méfaits de la vie quotidienne, aussi n...