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Assis sur les grandes marches de l'université et bien entouré, comme d'habitude, je ne pus m'empêcher de remarquer son arrivée. Je n'avais pas réellement de besoin de la connaître ni n'en avait envie mais quoi que j'y puisse, mon subconscient arrivait toujours à la regarder. Mia Hallen avait pour manie de toujours se déplacer à vélo. Depuis sept ans maintenant, je l'observais arriver en cours, enfermée dans son mutisme. J'avais fait une bonne partie de mon école à ses côtés. Nous nous connaissions depuis la petite enfance mais n'étions pas proches. Chose pas très extraordinaire puisqu'elle n'était proche de personne. Son comportement l'avait totalement changée. Je ne l'appréciais pas, mais lorsqu'un mystère apparaissait autours de moi, je me devais de le résoudre. Avec elle cependant, je n'y arrivais pas. Chaque matin, en l'épiant, je me demandais si ça allait être le jour où elle allait recommencer à parler. Et chaque soir, quand elle reprenait son vélo, je l'espionnais s'en aller sans un mot.
Une fois son deux roues cadenassé, elle se rendit au bâtiment des lettres tout en passant à côté de mon groupe d'amis. Elle gardait la tête baissée, enfouie sous son capuchon. On ne pouvait même pas distinguer d'expressions sur son visage, elle restait dans l'ombre. Habillée de son vieux sweat noir et d'un de ses jeans foncé délavé, elle ne représentait plus l'être égayé qui me restait en souvenir. Elle s'éloignait, pas à pas, certaine du chemin qu'elle empruntait en se mêlant à la foule de corps à moitié avachis d'étudiants pas assez matinaux. A mesure que mes yeux la suivaient, des petites tâches noires vinrent obscurcir ma vision. Je me détournai alors d'elle, revenant à la conversation qui faisait rage en face de moi sans pour autant y être concentré. Il était question, je croyais, de la fête des universitaires qui se tenait chaque année aux alentours de mi-mai. Je n'étais pas fasciné par cet événement mais des choses intéressantes pouvaient survenir lors de ce genre de soirée. Et de toute évidence, tout le campus serait présent. J'y serai pour sûr. Je me demandais si Mia allait une fois se mélanger aux autres. Et si une fois, elle sortait de sa bulle et venait à une des fêtes étudiantes. Que ferait-elle? Avec un resterait-Elle? Mais j'imaginais qu' en ne parlant à personne, elle ne voudrait probablement pas se rendre dans les endroits où se passaient les plus grandes interactions sociales. A ce stade, ma vision était devenue de plus en plus brouillée et mon cœur s'emballait. Je ne me sentais pas bien. Et puis, je sentis que l'on me regardait. Je tournai la tête et croisa entre deux brouillards, le regarde de mon meilleur ami, Rayan Martin. Il était impassible, comme à son habitude. Mais je savais ce qu'il voulait dire. Il me remit sur terre. Il s'approcha de moi et me chuchota afin que personne ne puisse l'entendre :

- Reviens parmi nous Michael, elle est partie.

Rayan était au courant de tout. Il me connaissait par cœur et parvenait toujours à m'aider. Il ne me jugeait pas mais devait sans doute en avoir marre. C'était comme un automatisme pour moi de la surveiller. Je n'avais absolument aucune idée de la raison pour laquelle je le faisais. C'était juste... Plus fort que moi. Alors je me perdais dans mes pensées quelques minutes. C'était un petit instant pendant lequel je me déconnectais des gens autours de moi. Des épisodes entiers de ma vie avaient alors été entrecoupé dans mes souvenirs parce que je n'avais, à un moment ou un autre, pas été attentifs à ce qui se passait autours de moi. Pourtant je continuais. Cela n'allait jamais rien m'apporter, bien au contraire, et j'en étais conscient. Je devais sans doute aimer me prendre la tête pour des causes perdues. Seulement, mon attraction pour le cas de Mia Hallen ne s'arrêtait pas à mon obsession de l'observer. Si ce n'avait été que cela, ma patience aurait pris fin bien plus vite. Mais ma curiosité s'animait chaque jour un peu plus par mes réactions face à elle. Lorsque je tentais de réfléchir à elle, je ne me sentais tout à coup pas bien. Mes idées s'embrouillaient, des souvenirs partagés avec elle se mêlaient à des images inconnues et l'oxygène que je respirais semblait devenir plus compact et difficile à inhaler. Des vagues de sentiments étranges m'assaillaient. La réalité et l'imaginaire se confondaient, je ne savais plus où je me trouvais et perdais momentanément la vue. J'étais mal. Très mal en général. Actuellement, je sentais déjà quelques signes monter en moi. En plus de ma vue troublée, j'avais vraiment du mal à garder mon équilibre. Malgré tout, je fis face à Rayan et tentai de soutenir son regard. Il ne rajouta rien et je fus bientôt sauvé. La cloche retentit et je m'engouffrai dans les entrailles de l'établissement pour échapper à cet air qui m'oppressait. Ce sentiment de gouffre que je ressentais à l'instant me donnait presque l'impression de défaillir. Je ne sentais quasiment plus le poids de mon corps, j'avais chaud et ne distinguais plus les formes autours de moi. Un bras passa autours de ma taille et me soutint jusqu'aux toilettes. Arrivé devant le lavabo, je ne pus me retenir de vomir. Je sortis tout ce que j'avais dans l'estomac avant de m'affaler contre le mur. Je n'étais plus qu'une loque. Rayan me tendit un mouchoir pour m'essuyer et passa sa main mouillée et froide sur mon front.

InsondableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant