Leonidas. Le garçon ouvre les yeux instantanément. Décidément, ce système de réveil est toujours aussi efficace, il lui suffit d'entendre son nom pour se réveiller comme par magie. Une alarme avec sa voix enregistrée en serait la représentation abusive. Alors il l'a fait, évidemment. Comme à son habitude, il tourne la tête sur sa gauche pour vérifier que l'heure, formée par les segments lumineux de l'horloge digitale négligemment posée sur le parquet, et branchée à une vieille prise par un câble beaucoup trop long, est bien celle qu'il s'attend à voir. 8h, parfait. La lueur, verte et monochrome de l'appareil, attire inlassablement son regard. C'est alors qu'il se souvient, ce qui l'arrache à sa torpeur, et il se dirige alors à grand pas vers le porte-manteau, faisant craquer le parquet sous ses pieds encore nus. Il insère sa main dans la poche du manteau pour en sortir un paquet, dont le contenu semble légèrement ressortir, et un morceau métallique en dépasse. Il revient avec lenteur vers le lit, s'assied en tailleur et ouvre précautionneusement le paquet encore mouillé sur ses genoux. Une pointe de déception emplit son regard. Le sachet ne contient qu'un pendentif en argent, représentant l'oeil d'Horus, et joli certes, mais ne semblant pas avoir quelconque utilité. L'intérieur de l'oeil cependant, attira son attention. Une pierre, dont la couleur oscillait entre jade et opale, était soigneusement taillée de façon à former un cadran d'horloge complet, mais avec 4 aiguilles, pointant respectivement les emplacements du 3, du 4, du 8 et du 11. Un minutieux travail d'orfèvre, si bien qu'il doutait même qu'un humain ou une machine en soit capable. Il l'observe ardemment pendant plusieurs minutes, se demandant ce qu'il pourrait en faire. Tant de recherches pour si peu de résultats... En soupirant, il l'accroche autour de son cou, s'attendant peut être à ce que quelque chose se passe. Rien, nada. Il s'allonge sur le lit, éprouvé, tout en tapotant le bord de son lit à la manière d'un métronome. Il regarde à nouveau l'heure, le temps est passé sans qu'il s'en aperçoive. Il allume le radiateur pour faire sécher sa veste, prend une douche rapide en prenant soin de ne pas garder le pendentif, choisit des nouveaux habits hasardeusement dans un tiroir et les enfile. Il attrape l'oeil au passage et le tend à bout de bras par la chaîne, pensivement. Sans y faire vraiment attention, il le remet sur lui et le glisse sous ses vêtements. Tout ça pour ça... Est-ce que ça vallait vraiment la peine d'en faire autant pour un simple pendentif ? Depuis plus de deux ans maintenant, il a sillonné la ville à la recherche d'indices. Cette ville, c'est son terrain de jeu. Il en connaît chaque recoin, chaque ruelle, rien ne lui échappe. Celà fait maintenant 12 ans qu'il vit seul, ayant survécu tant bien que mal en se faisant une place à tout les endroits qui en donnaient: des trafics clandestins aux contrats à court terme, en passant par les aides à domicile, tout les moyens étaient bons pour survivre, et se procurer cette denrée maintenant devenue rare qu'est l'argent. Un enfant forgé par les difficultés de la vie, devenu adulte bien trop tôt... Sans s'en rendre compte, il s'était mit a serrer le pendentif contre son cœur, pendant que les pensées défilaient dans son esprit. Sans qu'il puisse expliquer pourquoi, ce dernier lui évoquait une image réconfortante, presque maternelle, lui qui n'avait pourtant jamais connu de mère. Quel sentiment étrange... Puis il se ressaisit; après tout ce temps seul, il ne pouvait guère espérer ressentir un jour ce sentiment. Se décidant enfin à sortir, il ouvre la fenêtre et s'agrippe sur le rebord supérieur pour se hisser sur le toit. Le soleil, encore légèrement rosé par cette heure matinale, embaume sa vision panoramique de cette ville qu'il a tant arpentée, reflétant des traînées arc-en-ciel dans les endroits où la pluie de la veille avait survécu. Une légère brise fouettait son visage, faisant onduler sur son passage les cheveux noir de jais du garçon, devenus relativement longs avec l'âge. Tout les matins, il sortait à l'heure précise à laquelle le soleil se trouvait à cet endroit, repaissant alors ses yeux de cet instant. Mettant fin à sa contemplation routinière, il saute agilement du toit et descend sans trop se presser les escaliers de la veille. Tout en descendant, il se rend compte qu'il a oublié son casque, mais se dit qu'il n'en aura pas besoin pour ce qu'il doit faire aujourd'hui, même s'il préfère l'avoir sur lui, aussi bien pour le plaisir que la musique lui procure que pour éviter de se faire aborder par les gens dans la rue. Pour cette dernière raison, c'est donc sur un pas plus rapide qu'il s'engouffre dans les ruelles étroites qui l'amèneront à l'endroit où il doit se rendre aujourd'hui.
