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2. Le gremlins

Le regard tourné vers la chaise désespérément vide de Mattéo située juste à côté de la sienne, Aurore mâchouillait son stylo, pensive.

Le bad boy n'était pas réapparu au lycée depuis la mort de Tricia ; il lui faudrait probablement un peu de temps avant de faire son deuil.

C'était ainsi chaque fois qu'il tuait une de ses petites-amie ; sans compter qu'on ne pouvait pas attendre d'un bad boy d'être assidu en classe, après tout.

Pendant que notre héroïne se perdait ainsi dans ses pensées en songeant à son futur assassin charmant, M. Le Jeune, le professeur de mathématiques, faisait l'appel.

— Sarah ?

— Présente ! répondit une grande fille noire bodybuildée dont les muscles saillants transparaissaient à travers les vêtements.

— Adam ?

— Chuis là, marmonna un mec plutôt sportif aux cheveux longs et blonds, dont le brushing impeccable rappelait celui des surfeurs — look qui était ridicule car, en dépit de son nom, Lille n'était pas une île.

— M. Devos, je vous ai déjà demandé de ne pas mâcher de chewing-gum en classe, le gronda aussitôt l'enseignant.

Le chevelu haussa les épaules avant de cracher l'objet du délit dans les cheveux de Sarah, juste devant lui. La classe retint aussitôt son souffle, car Adam n'aurait pas pu choisir pire poubelle ; fervente adepte de mixed martial arts, la bodybuildée ne laissait personne lui manquer de respect.

Quand l'adolescente réalisa l'affront dont elle venait d'être victime, sa réaction ne se fit pas attendre : sans préavis, elle se leva lentement de sa chaise avant d'attraper le bureau du surfeur pour lui fracasser sur le crâne.

— Mademoiselle Lafleur, s'il vous plaît, gémit aussitôt le professeur. Je vous rappelle que le quota de meurtres hebdomadaires a déjà été atteint par votre camarade, pas plus tard qu'avant-hier, au réfectoire.

— Hum, si je puis me permettre, monsieur, intervint aussitôt Marjorie, techniquement, ce n'est pas Mattéo qui a tué Tricia. Elle était encore en vie au moment où notre proviseure l'a achevée.

— Oui, mais M. Belcore a bien assassiné deux autres camarades juste avant, non ? remarqua M. Le Jeune.

Interloqués, les élèves échangèrent des regards dubitatifs, demandant d'une même voix :

— Ah bon ? Qui ça ?

— Mais... Anaïs et Marina, voyons !

— Aaaaah, elles !

— Mais on s'en fout aussi, c'était juste des faire-valoir, objecta Adam, dont la voix était étouffée par les débris de table sous lesquels il était enseveli.

— Donc, je peux le buter ou pas, monsieur ? s'impatienta Sarah.

— Définitivement, non.

Considérant le sujet clos, le professeur poursuivit son appel et la bodybuildée se rassit, la mine boudeuse, tandis que le chevelu émergeait difficilement des décombres, avant de ramper en direction de la seule chaise libre qui restait : celle de Mattéo.

Aurore tressaillit quand Adam lui adressa un sourire édenté.

— Hey, ça va Aurore ? la salua-t-il.

— Tu peux pas t'asseoir là, lui rétorqua-t-elle sèchement. C'est la place de Mattéo !

— Balecouilles.

— Tu diras pas ça quand il reviendra au lycée !

— Tu ferais mieux d'arrêter de baver sur ce psychopathe et de sortir avec moi, beauté. Tu sais, contrairement à lui, mes ex à moi sont toujours vivantes.