Regardez, ce petit garçon au crâne rasé qui, chaque soir, joue au ballon dans la cour de votre immeuble c’est Hector.
Hector est un jeune garçon heureux, toujours avec la joie de vivre. Débordant d’énergie. Mais jusqu’à quand ? Car Hector a une maladie. Une maladie du sang. Il y a quelques mois, après un séjour à l’hôpital, un monsieur en blanc lui a annoncé qu’il avait une leucémie. Un cancer du sang.
Le petit garçon avait frissonné au mot “cancer”. Il ne savait pas vraiment ce que ça signifiait, mais il avait vu son grand-père s’effondrer jour après jour l’année dernière, avant de mourir. Mourir de ce cancer. Quand il pense à cette maladie, Hector ne peut pas s’empêcher d’imaginer un monstre, comme celui qu’on voit dans les dessins animés. Un monstre qui grignote peu à peu la vie de sa victime. Et son monstre à lui, il est rouge. Rouge comme le sang. Rouge comme la mort. Hector, lui, il est vert. Vert comme l’espoir. Vert comme la nature. Vert comme le printemps. Vert comme la vie. Vert comme Hulk.
“Une part d’hérédité”, avait dit le médecin. Hector ne sait pas ce que ce mot veut dire, mais il a compris que dans son cas, ce n’était pas bon.
Le petit garçon a vite compris que ses jours étaient comptés. Quand son maître lui a demandé ce qu’il voulait faire quand il sera grand, il a répondu “vivre”. Pour la première fois de sa vie, Hector a vu des larmes perler au coin des yeux de son instituteur.
Alors pour ne pas penser, Hector se réfugie dans la musique. C’est là, devant son piano qu’il est heureux. Lorsqu’il interprète du Bach, du Mozart, ou du Schubert, il s’imagine sur la scène d’un grand théâtre, adulte. Il s’imagine dans un monde où il n’existera plus. Pendant les répétitions de l’orchestre dont il fait partie, il se donne à fond dans la musique. Sa plus grande joie, c’est de voir le regard fier d’Elena, sa violoncelliste préférée, quand il a fini de jouer.
C’est la première personne qu’il a vu en rentrant dans cette école de musique. Elle l’a toujours encouragé, toujours soutenu. C’est pour elle aussi qu’il se bat contre ce monstre. Pour qu’elle puisse le regarder encore avec ce sourire, ce sourire fier. Fils unique, il la considère comme sa grande soeur.
Et puis, il y a Eliot aussi. Hector adore jouer à quatre mains avec lui. Il ne vient que très rarement à l’orchestre, mais quand il est là, c’est magnifique. Et puis un jour, Eliot n’est pas revenu. Plus jamais. Il a vu les yeux d’Elena perdre leur joie de vivre, leur éclat. Il n’a pas osé poser de questions mais il sait qu’il s’est passé quelque chose de grave.
Elena est la seule à ne pas le regarder avec pitié. Avec ce regard qu’on adresse aux “enfants cancéreux”. Il y a le droit en permanence maintenant, depuis qu’il a perdu ses cheveux. Les autres enfants ne veulent plus jouer avec lui parce qu’il est “bizarre”.
La fierté dans le regarde de son amie, il ne la voit plus dans les yeux de ses parents. Pour eux, il a l’impression qu’il est déjà mort. A chaque fois qu’il les regarde, les larmes leur montent aux yeux.
Pourtant, Hector aime faire comme si de rien n’était. Comme s'il était un enfant ordinaire, comme les autres. Alors tous les soirs, il prend son ballon et il va jouer dans la cour de son immeuble, comme un enfant “normal”, si la normalité signifie encore quelque chose.
Mais vous, vous qui rentrez le soir chez vous, vous êtes pire que ceux qui le regardent avec pitié. Vous faites partie de la catégorie des gens qui font exprès de ne pas les regarder, de peur de croiser leur regard, de voir des choses que vous n’avez pas envie de voir, de peur de faire éclater votre bulle de déni. Épuisés par votre journée de travail, pressés de rejoindre votre canapé et vos pantoufles, vous passez devant lui, sans un regard.
Parce que c’est comme ça que vivent les gens maintenant. Sans un regard.
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Sans un regard
RandomIls s'appellent Marie, Hubert, Victor, Lola, Adam, Jasmine. Vous les croisez tous les jours dans la rue, et pourtant vous ne savez rien d'eux. Comme le dit l'adage, il ne faut pas se fier aux apparences ... [Toute ressemblance avec une personne exi...