Comment on sent qu'on est différent ?

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Le jour où j'étais arrivée dans ma nouvelle classe de primaire, mon premier réflexe fut de trouver du réconfort auprès d'un arbre isolé. Depuis on me pointait du doigt car voulant se mettre à l'écart, craignant le jugement des autres et leur mépris. On me mit alors à l'écart, telle une pestiférée, et le soutien des profs que je quémandais n'étais que superficiel. Ce qui plus tard me motiva à me méfier de tout contact social. Les gens cachent leurs réels intentions et trouvent matière à rire de nos moindres faiblesses. Il suffit qu'une fille un peu trop pleurnicharde pique un scandale parce qu'on ne lui a pas rendu à la fin du cours son tube de colle, qu'on le lui rende sans bouchon ou qu'on le passe à un camarade qui n'a pas demandé l'autorisation de la propriétaire pour l'utiliser. Il y avait toujours une raison pour que je vive ces trahisons comme un deuil. Si on ne peut faire confiance aux gens pour qu'ils nous rendent en main propre, en temps voulu, un tube de colle dans le même état qu'on le leur a prêté, comment être sûr qu'ils en feront de même avec mon amitié ? Les gens ne sont pas digne de confiance

Sinon je vivais mal toute expérience m'empêchant de suivre correctement les cours. Je tenais absolument à les écouter assidûment, sans quoi j'étais incapable d'obtenir la moyenne. Je devais trimer tous les jours, réviser une heure la même leçon s'il le fallait pour l'intégrer, quand d'autres avaient le même résultat en donnant le minimum de leurs capacités. Et même en donnant le meilleur de moi-même je dépassais rarement le quatorze donc je n'hésitais pas à gratter un maximum de points. Malheureusement dans ce système scolaire les professeurs débordés ne prennent pas forcément le temps de s'intéresser à ceux qui ont des difficultés et préfèrent les abandonner dans leurs incompréhensions. Tant que j'étais assidue ils étaient content pour moi et ça leur suffisait. On admit cependant que j'avais des raisonnements qui n'étaient pas communs, empruntant des voies détournées pour résoudre un problème ou poser un constat et donner une réponse censée. Malheureusement prouver que j'ai un fonctionnement particulier de raisonnement ne m'a pas toujours aidé, les professeurs se fiant à des attentes précises et écartant du lot les élèves originaux. J'étais alors très nulle en interprétation puisque la mienne n'était jamais celle voulue. Heureusement qu'il arrivait qu'on admette mes efforts et ma créativité


Il paraît alors que je suis une intellectuelle, que mes raisonnements même erronés sont dus à un laborieux travail des neurones. Si je ne répond pas aux attentes c'est que j'ai un motif pas forcément idiot. Si je suis maladroite c'est parce que j'ai oublié des données dans mes calculs ou que je me base sur des informations inexactes. En fait si je m'exprime spontanément mes propos seront forcément ponctués d'erreurs et si je prend le temps de les préparer ils risquent aussi d'en avoir. C'est blessant de savoir que malgré mes efforts pour donner le meilleur de moi-même et entrer dans les cases je continue de gaffer et que l'on interprète mes bêtises comme de l'idiotie ou de la provocation intentionnelle. Pourtant j'aime faire plaisir aux autres, m'intéresser à leur bien-être et veiller à ne pas les blesser. Ce n'est pas évident de deviner les sujets à éviter et malgré quelques montées de ton je ne suis pas rancunière. Ca serait triste de s'arrêter à des banalités et de gâcher des relations constructives

Depuis toute petite je n'aspirais qu'à me faire des amis mais quand des gens m'approchaient je craignais que leurs bonnes intentions cachent un fond malsain ou qu'elles soient fausses. Il est facile d'approcher une fille esseulée et de croire savoir comment lui redonner le sourire. Il est prétentieux de croire qu'en la transformant elle se sentira mieux dans sa peau. Or, il m'arrive d'apprécier la solitude à petite dose quand je sais à quoi m'attendre de la bêtise humaine. Il n'est pas malsain de savoir admettre qu'être seul et apaisé peut être bénéfique. Mais pour pouvoir approcher des gens j'ai du accepter de m'ouvrir à leurs jugements et de les accepter, même les plus blessants car pouvant avoir un fond de vérité. J'ai alors trié dans le tas les gens pour savoir ceux qui me seraient bénéfiques, ceux qui s'inquiétaient réellement de mon bien-être et qui me prouvaient que je pouvais leur accorder ma confiance. Ca m'a prit du temps, j'ai parfois souffert mais ça en valait la peine pour ne pas recommencer les mêmes erreurs


En fait...


Je suis la fille qui ne suit pas la voie habituelle. Celle qui n'est pas montée dans le train comme tout le monde et donc longe son interminable chemin de fer. Celle qui comprend les choses à retardement, celle qui ne percute pas sa propre bêtise, celle qui peut parfois être trop honnête, donc celle qui n'a aucune barrière pour dicter sa conduite. Une fille libre comme l'air qui suit au mieux les exigences sociales pour entrer au mieux dans le moule

Ce qui est inné aux autres ne l'est pas pour moi, j'ai le recul pour les remettre en question et parfois faire reconnaître aux autres qu'il m'arrive d'avoir de la jugeote. Je suis ainsi celle à la traîne, un peu gauche mais voulant toujours bien faire


Et des gens m'aiment pour ce que je suis


Et des gens m'apprécient malgré mes gaucheries


Et des gens reconnaissent des qualités dans ma particularité


Et des gens me considèrent tout à fait normale


Et au final...


Je m'en suis bien sortie jusque là


Mon aspi et moiWhere stories live. Discover now