Lettre 1

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À cette âme de chimères et cette poitrine tourmentée, ce reflet sibyllin de ma personne endolorie,

Je les devine aux soupiraux de ta conscience égarée, j'arrive à les discerner sur tes pupilles mordorées. Tous ces nuages diluviens, l'ampleur de la pluie de ciel dans l'océan de tes yeux. Tes prunelles s'encapuchonnent et s'embrument, comme ton esprit s'enrhume d'illusions et d'opalines pensées. Tu réfléchis à t'en rendre malade et je contemple ton visage s'ankyloser à mesure de tes réminiscences. Les fauves brillances de tes regards s'estompent, ton minois ravagé par les rêves s'efface au loin, dans les alpages de ton empyrée. Tu es submergé par tes propres émotions et je suis spectateur de ta lente noyade, ou plutôt le témoin, le Noé de mon déluge à l'infini. Je suis l'onde et l'aquilon de mes flots déchaînés. Et je sombre au creux des vagues, mon être s'évanouit dans le précipice d'albâtre, la crevasse hadale de mes souvenirs élyséens.

La glace ivoirine miroite mon ombre en lambeaux sous l'abîme de mes fabulations. Je suis une lueur d'aniline, une part ténébreuse dont l'éclat scintille comme un flambeau d'ébène depuis le tréfonds des abysses. Mon existence n'est qu'une épave à la dérive, un rameau de rose au fil de l'eau, un écueil ébréché dans le gave impétueux de mes langueurs. Et le courant m'entraîne, je coule encore. C'est l'éden aux rafales d'embruns, les perles marines au gré de la brise comme des étoiles sur la coupole angélique. C'est mon cœur en crue, il déborde et souffle sa tempête en l'intégralité de mon corps. Et je me noie dans mes limbes éburnéens, envoûté, bercé sous la houle de mes passions.

Je décline et ne suis plus, la mer déferle et m'emporte au large. Mais si je ne suis plus, je luis toujours. L'aurore de ma peau chamarre l'horizon nébuleux, le satin charnel n'est plus qu'un luminaire au point du jour. L'or de mes songes bigarre un nouveau levant, l'aube olympien d'une galerne éternelle. Face à l'ouragan, mon âme s'est sabordé, mais mon cœur au bord de l'inondation a goûté l'orage, et s'est échoué sur le plus beau des rivages, l'amour.

Lettres aux étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant