Chapitre 7

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Enveloppée dans une masse informe, aux couleurs sombres, mon corps semblait flotter dans les airs. Aucun son ne parvenait à mes oreilles, aucune lumière non plus. Doucement, je me recroquevillais sur moi-même, rapprochant mes genoux contre ma poitrine, tentant à tout prix de sentir les pulsations de mon coeur, mais rien. Seulement cette vaste fumée, presque aqueuse, dans un silence oppressant.

La sonnerie de mon réveil me sortit brutalement de cette torpeur, me permettant à nouveau d'entendre les sons, de bouger, de sentir mon coeur. Ma respiration était un peu haletante, soulagée d'être libérée de ce rêve étrange. 

Mon sac était prêt, je n'avais plus qu'à m'habiller et grignoter un bout avant de partir. J'avais presque envie de laisser mon téléphone chez moi, pour passer deux jours loin de tout et de tout le monde. Mon esprit pragmatique me forçait à l'emmener, ne m'empêchant pas de le mettre en mode avion.

J'avais bien une heure et demie de train, il était à peine 8h lorsque j'arrivais à la gare, je n'avais croisé personne sur le chemin, et pour sûr en plein week-end, c'était plutôt l'heure à laquelle les étudiants se couchaient.

Mon wagon était vide, me laissant à loisir le choix de ma place. Côté fenêtre, comme toujours. Quelques gouttes de pluies s'abattaient doucement, puis au fur et à mesure que le paysage changeait, la pluie devenait neige. Cela faisait quelques semaines que la neige avait disparue à Antéros, mais elle subsistait encore dans les basses campagnes. Les plaines enneigées semblaient presque magiques, le ciel était gris, et la neige virevoltaient en tout sens. Le casque sur les oreilles, je me laissais aller à quelques rêveries, je gribouillais certaines idées sur mon carnet, serrant mon appareil photo contre moi. Un léger sourire commençait à pointer le bout de son nez sur mon visage. Je sentais que c'était exactement ce qu'il me fallait, j'avais envie de revoir Lysandre, envie de m'éloigner de tout, envie d'être ailleurs.

Les quelques personnes qui avaient rejoint le voyage étaient désormais toutes descendues. L'arrivée était proche, le bout du bout. Lorsque le train s'arrêta, une sorte d'excitation pris possession de mon corps. La gare était bien plus modeste que celle d'Antéros, mais bien plus authentique. On avait presque l'impression d'être dans une autre époque. L'horloge était imposante, les pierres grossièrement taillées et l'endroit complètement vide. Le silence doux de la neige envahissait tout l'espace. M'octroyant le droit de fermer les yeux quelques secondes, je sentais le vent glisser sur mon visage. Un vent frais, doux. Mes pas se faisaient timides sur la neige fraîche. Personne ne l'avait foulée depuis qu'elle était tombée, comme si cet endroit était dénué de tout être vivant. Mais c'était faux. Si je me concentrais suffisamment, je pouvais entendre quelques moineaux, en observant les fourrés je pouvais apercevoir un chat à la recherche d'un compagnon de jeu. Des sons que je n'entendais presque plus habituellement, couverts par les sons de la ville. La neige craquait sous mes pieds, le léger vent emmêlait doucement mes cheveux. Une fois la gare dépassée, j'aperçus un banc enneigé. Dégageant un espace, je pris place, contemplant les plaines. Quelque chose dans l'air me rappelait étrangement mon premier Noël au Japon. Une féerie nouvelle, teintée de quelques regrets. Ne voyant toujours personne arriver, je jetais un coup d'œil à mon téléphone, 9h46. Il ne devrait plus tarder. La ponctualité n'avait jamais été une de ses qualités, mais il n'était pas non plus du genre à poser des lapins. Étonnamment, l'attendre ici n'était pas difficile.

Après quelques minutes, un bruit de moteur se fît entendre au loin. Je le remarquais rapidement tant il venait presque troubler l'harmonie ambiante qui s'était installée. La première voiture que j'apercevais depuis mon arrivée. Je ne distinguais pas vraiment qui était à l'intérieur, mais je devinais aisément que c'était Lysandre.

Comme le gentleman qu'il était toujours, il descendit de sa voiture, et commençait à attraper ma valise. Mais l'envie était trop forte, je me jetais à son cou, si heureuse de retrouver un ami cher. Il m'entoura à son tour de ses bras bien plus musclés qu'autrefois, laissant échapper un petit rire étouffé.

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