New-Islands, Secteur Blanc.
EMERSON
Ce doit être la troisième couche de poudre que la maquilleuse me met, ignorant mes plaintes. Je ne me maquille jamais, je ne vois pas pourquoi aujourd'hui ferait exception. D'après ma mère, il faut que je sois parfaite car l'Hélice entière sera pendue aux photographies consacrées à la princesse – c'est-à-dire moi – dans les articles du journaliste présent spécialement pour l'évènement. Ce n'est pas ma perception de la perfection, mais je dois composer avec.
— Emerson, tes deux robes viennent d'arriver ! annonce ma mère en entrant dans la salle de préparation.
Elle est élégante, comme toujours. Perchée sur ses escarpins dont les talons dépassent probablement les dix centimètres et moulée dans une robe fourreau d'un violet avoisinant le noir, elle a tout d'une femme désirable. Ses cheveux montés en un chignon blond la grandissent encore un peu.
Elle accroche les deux blouses qu'elle tenait dans les mains au grand miroir de la pièce : elle me tanne avec cette histoire de robes depuis maintenant deux semaines. Je n'ai pas eu le droit de les voir et je n'aurai d'ailleurs pas le droit de refuser les deux. Alors je prie pour qu'elles ne soient pas trop trop. Elle ouvre la première, découvrant une longue robe en mousseline rose pâle. Elle me fait penser à une robe de déesse comme celles que j'ai pu voir dans tous ces livres que j'ai dévorés. Ma mère voit probablement ma grimace puisqu'elle lève les yeux au ciel.
— Celle-ci est pourtant la plus soft, râle-t-elle.
Alors ça ne sera pas une partie de plaisir. Je passe le plus clair de ma vie en pantalon cargo ou en tenue d'entraînement. J'aspirais plus à une vie militaire qu'à une vie de princesse, mais puisqu'apparemment je n'ai pas mon mot à dire dans cette affaire, je crois que je vais devoir m'habituer à porter des robes de déesses grecques.
Ma mère ouvre la deuxième blouse et ma mâchoire s'en décroche :
— Putain !
— Emerson, pour la millième fois, surveille ton langage ! Tu dois arrêter de te comporter comme une adolescente capricieuse. Tu vas devenir une femme. Tu comprends l'enjeu, j'espère.
— Saperlipopette, me corrigé-je avec un air insolent.
Elle souffle et sort la robe de sa blouse. Celle-ci est rouge, toute de dentelle et a l'air ultra moulante. Aucune de ces deux robes ne m'attire. J'ai l'impression qu'en les portant pour l'inauguration de cette compétition, c'est comme si mes parents essayaient simplement de vendre mon corps.
— Pourquoi est-ce que ces deux robes sont sacrément sexy ? Dans tous les bouquins que j'ai lus, jamais je n'ai vu une princesse porter un truc du genre. Il y a fort longtemps, dans les contes destinés aux enfants, les princesses portaient des robes bouffantes qui couvraient entièrement leur corps. Peu avant la Catastrophe, il existait encore des princesses. Mais elles étaient modernes ! Elles se contentaient de porter une robe fourreau du même type que la tienne, se coiffaient d'un bibi mignon et saluaient niaisement la foule. Là, c'est une offense envers ma personne, tes deux bouts de tissus.
Elle lève encore les yeux au ciel, on dirait qu'elle a été programmée pour ça aujourd'hui. Elle claque des doigts et l'humanoïde serviteur accourt jusqu'à elle avec un verre d'eau qu'elle lui arrache littéralement des mains. Elle avale son contenu d'une traite.
— Bon sang Emerson, tu me fatigues. Veux-tu cesser les caprices ? Tu viens d'avoir dix-huit ans. Il n'est plus temps de t'amuser. Tu vas travailler auprès de ton père, avoir des responsabilités et diriger une armée.
Un sourire se dessine sur mes lèvres. C'est bien la seule chose qui me ravit.
— Je ne suis pas sûre d'avoir assez de crédibilité pour diriger une armée avec tes robes aguicheuses.
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ALCYON (Sous contrat d'édition)
Science FictionLe monde que nous avions connu n'existe plus. Tout à été submergé. Les plages de Santa Monica, rayées de la carte. La Statue de la Liberté, écroulée. Les continents, engloutis. Il y a soixante ans, de violents cataclysmes ont tout ravagé. En 2078, p...