POPS

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État de Californie.

Eh merde !

Je fixe mon reflet dans la glace et distingue la goutte de sang qui perle sur ma joue. Je vieillis. Je n'arrive plus à me raser sans me couper, maintenant ! Je fais couler l'eau et attrape une serviette pour l'humidifier et effacer la preuve que ma main n'est plus aussi assurée qu'il y a quelque temps.

— Attends, laisse-moi faire.

À travers le miroir, mon regard croise deux yeux couleur chocolat. Sans rien dire, leur propriétaire me prend la serviette des mains. Du pouce et de l'index, elle saisit mon menton pour orienter mon visage comme elle le souhaite et, délicatement, elle essuie la goutte de sang.

— Merci.

— Tout va bien ? m'interroge-t-elle tout en m'observant à travers ses longs cils noirs.

— La routine.

— Des problèmes avec le club ?

— Pas plus que d'habitude.

Elle opine du chef et sort de la salle de bain. Quand elle atteint le seuil, elle se tourne de trois quarts dans ma direction.

— Quand tu auras fini de te préparer, il faudra qu'on parle, tous les deux.

— T'as des emmerdes ?

Elle secoue la tête.

— Non. Mais on s'est promis d'être honnêtes l'un envers l'autre.

— J'ai saisi.

Elle affiche un demi-sourire, puis quitte la pièce.

J'ai rencontré Emmy il y a une dizaine d'années, peu après que mon ex s'est fait la malle avec ma fille. Elle venait d'intégrer le club en tant que brebis et elle a été la seule à me supporter durant ma traversée du désert. Quand j'ai commencé à me la taper, je l'ai immédiatement prévenue qu'il ne fallait pas qu'elle compte sur moi pour que je sois son régulier, que notre relation serait fondée uniquement sur le sexe. Elle a accepté le deal en me demandant en contrepartie que je la laisse partir sans poser de questions le jour où elle trouverait quelqu'un. Je l'ai ainsi placée sous ma protection en informant les frangins qu'elle était intouchable.

J'enfile le gilet du club tout en me disant qu'hier soir était la dernière fois que je la mettais dans mon pieu.

Je la rejoins dans la chambre, elle s'est habillée et est assise sur le bord du lit. Tout autour d'elle, les draps sont froissés. Comme à son habitude, elle me regarde de manière franche et directe.

— J'ai rencontré quelqu'un. Notre relation devient sérieuse et j'ai envie de me lancer à cent pour cent dedans. Je vais quitter le club, aujourd'hui.

— J'avais deviné. C'est un type du milieu ?

— Non. C'est un banquier. Veuf, avec un enfant de onze ans.

J'esquisse un rictus narquois à l'évocation du métier du gars. Elle rit doucement.

— C'est un mec bien, Pops.

— Et avec un môme, enchaîné-je avec un air complice.

Ses joues se colorent légèrement et ses yeux se mettent à briller quand elle acquiesce.

Emmy doit avoir aux alentours de quarante ans. La seule chose que notre relation n'a jamais pu combler chez elle, c'est son envie d'avoir un gosse. Je ne voulais pas d'un gamin supplémentaire tant que je n'avais pas retrouvé Beverly. J'aurais eu l'impression de trahir ma fille. Et surtout, j'avais trop peur d'aimer un autre enfant.

Je m'approche d'elle, l'attrape par la main et l'incite à se lever. Seuls quelques centimètres nous séparent. Son regard se fait doux, car nous savons tous les deux que nous nous disons au revoir. J'encadre son visage entre mes paumes et l'embrasse une dernière fois.

— Si t'as le moindre problème, tu viens me trouver !

— Merci. Prends soin de toi, Pops. T'es un mec bien.

Je secoue la tête. Je suis tout sauf un mec bien.

— Dis ça aux types qui ont eu le malheur de croiser mon chemin.

— Tu mérites de rencontrer quelqu'un.

— On verra. Emmy, je suis sérieux. Au moindre souci, vous rappliquez, toi et ton joli petit cul.

— Promis.

Elle me décoche un clin d'œil et quitte la chambre dans un roulement de hanches qui va me manquer.

Je prends mon téléphone posé sur la table de chevet et appelle Splinter.

— Salut, Prés' !

Je ne perds pas mon temps en salutations.

— Emmy quitte le club, définitivement.

— Merde ! Vous vous êtes engueulés ?

— Non. Elle a rencontré un type et veut laisser sa chance à leur relation.

— T'arrives à gérer ?

Sa question me surprend, je hausse les épaules, indifférent à la situation.

— Bien sûr, on ne s'est rien promis tous les deux. Je ne dis pas que la baiser ne va pas me manquer, mais c'est une bonne chose pour elle.

— C'est une chouette nana.

— Ouais. Je t'appelle pour que tu te rencardes sur son mec. Assure-toi qu'il soit réglo. Je n'ai pas envie qu'elle tombe sur un type foireux. Comme tu l'as dit, c'est une fille bien, elle mérite d'avoir son lot de bonheur.

— Ça marche, Prés'.

— Il me faut l'info pour...

— ... pour hier. C'est bon, j'ai compris, me coupe-t-il.

— Bien.

Je raccroche et quitte la chambre à mon tour. La journée ne fait que commencer et mon instinct me souffle que je ne suis pas au bout de mes surprises.

Black Riders - girl crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant