Il a écrit Pute sur le mur. Le T penche à droite et Narcissa ne peut penser à rien d'autre.
Elle reconnaît l'humidité noire avec laquelle les lettres ont été tracées sur le mur de la salle commune des Serpentard. Après tout, elle a inventé ce sortilège qu'elle utilise à loisir, généralement plus d'une fois par semaine. Pas un jour ne passe sans que ce mur ne se couvre des dernières insultes murmurées dans le dortoir des filles.
En revanche, l'écriture lui est inconnue. Depuis deux ans, Narcissa se lève tôt, se prépare et consulte le Mur dans le passage jusqu'à la Grande Salle pour le petit-déjeuner. Et, en deux ans, toutes les Serpentard se reconnaissent les unes des autres par la calligraphie. Que Narcissa n'ait jamais vu ce T qui penche à droite ne peut rien signifier d'autre : ce n'est pas une sorcière de son dortoir. Considérant la localisation du mur, la déduction suivante n'est pas bien difficile : le message émane d'un Serpentard. Ce qui l'est plus, en revanche, est la raison derrière l'inscription. Pourquoi un Serpentard – alors que les sorciers de leur maison ne se sont jamais amusés à ce jeu d'humiliation – utiliserait le Mur pour transmettre un message ?
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La patience n'a jamais été son point fort. Alors, quand le lendemain matin, le message marque toujours le mur, inchangé, Narcissa ajoute d'un coup de baguette : Qui, pourquoi ?
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Un autre matin, après avoir passé sa robe à col montant en dessous de l'uniforme de l'école, Narcissa jette un œil distrait au Mur. Rien. Enfin, Cornelia Bulstrode a ajouté Kimberly = Sang-de-Bourbe, mais rien sur l'intrigante insulte de l'avant-veille.
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Narcissa se verse un jus de citrouille lorsque Cornelia émerge de sa nuit de sommeil, les yeux fatigués et les cheveux tirés par une inflexible queue-de-cheval.
— Tu l'as lu ? Demande-t-elle avant même de s'asseoir.
Sirotant sa coupe à petites gorgées, Narcissa prend un moment pour répondre. Sa voisine pioche un assortiment de brioches et pâtisseries dans les plats disposés sur la table des Serpentard.
— D'où tu tiens cette information ?
— Oh, je t'en prie ! (Cornelia écrase vicieusement un croissant) Tu as vu son nez ? (Des miettes du croissant sont pulvérisés dans les airs, Narcissa recule) Impossible que Kimberly soit une Sang-Pur avec cette horreur collée au milieu du visage !
— Et le Pute ?
— Pas d'inédit. Et, puis, quel intérêt ? C'est déjà de l'histoire l'ancienne ! Ce matin, Violet m'a raconté que Kimberly refusait de quitter son lit, tu te rends compte ?
Narcissa réprime un mouvement d'humeur. Écrire jour après jour sur le Mur s'avère peut-être amusant et divertissant, mais ce n'est rien de plus qu'un moyen un peu stupide de patienter jusqu'à la fin de leur scolarité. Peut-être constitue-t-il au mieux une forme d'entraînement pour leur future vie mondaine. Or, cette insulte-là cristallise un mystère. Au fond, le Pourquoi ne l'intéresse pas réellement. Narcissa n'a jamais manqué de savourer – et colporter – les ragots, peu importe leur degré d'authenticité. Mais ce Pourquoi, elle le pressent, est intimement lié au Qui. Qui pourrait pousser un sorcier, si soucieux de leur réputation, de leur avenir, si guindés par les exigences familiales, à prendre le risque d'écrire Pute sur un mur de la salle commune ? Le risque de la gêne, de la honte, du déshonneur et, pire que les autres réunis, de la rumeur. Qui, pourquoi ?
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Nymphes [Narcissa Black]
FanfictionIl a écrit Pute sur le mur. Le T penche à droite et Narcissa ne peut penser à rien d'autre.