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Quand aujourd'hui je repense à ma rencontre avec Elijah, je ne peux que me dire que ce fut la chose la plus adorable au monde. J'ai vraiment pas été sympa avec lui, mais j'étais timide et renfermée. Je haïssais tout le monde.

J'ai été enlevé à ma mère à quatre ans. C'était une alcoolique toxicomane. Il n'y avait pas un jour sans alcool ou drogue présent dans son corps. Je n'ai jamais connu mon père qui se serait apparemment tiré quand il a appris la grossesse de ma mère...

Aujourd'hui je ne le vis pas trop mal, ça ne me dérange plus d'en parler. Quand j'étais petite c'était plus compliqué. Les gamins peuvent être vraiment méchant si on a pas eu une enfance comme tout le monde.

J'ai été placé dans une première famille d'accueil. C'était pas la joie. Quelques années plus tard, à sept ans, j'ai atterri chez Karol et Mark, qui sont encore aujourd'hui ma famille.
La première fois qu'ils m'ont amené chez eux, je n'étais pas du tout à l'aise, je ne parlais pas et leur gentillesse était beaucoup trop parfaite pour qu'elle soit honnête. Ça a toujours été merdique côté famille alors qu'avec eux, c'était différent. Je ne savais pas comment ça marchait, les « familles normales »; Karol et Mark m'ont joyeusement appris ça.

Elijah lui, il est arrivé innocemment dans ma vie. Les immeubles où on habite sont mal fichus et tous collés les uns aux autres. La fenêtre dans ma chambre donne sur le mur d'un des autres immeubles, et au même niveau que la mienne, il y a la fenêtre de mon voisin, Elijah. Au départ, il a tenté de me parler depuis sa fenêtre, on était encore tout petit et il n'y avait que notre tête qui dépassait, c'est drôle en y repensant. Le jour où il a voulu me parler, j'ai paniqué et je lui ai fermé les rideaux au nez, sans lui répondre.

Quelques jours plus tard, faisant mon entrée dans ma nouvelle école, il a fallu que je retrouve Elijah. J'étais dans sa classe. L'ignorer aurait pu être la plus simple des choses à faire, mais Elijah est connu pour être un moulin à paroles. Il ne me lâchait plus, me suivait partout, même pour rentrer chez nous. Il était vraiment agaçant mais à force j'ai fini par apprécier sa petite tête brune. Il n'aimait pas me voir triste, et me faisait rire quand ça n'allait pas. On est rapidement devenus meilleurs amis. Il était d'ailleurs mon seul ami et encore aujourd'hui. On a pourtant bien grandi mais rien n'a changé entre nous. Il me connaît mieux que personne et je connais chaque petits détails de sa personnalité.

– A quoi tu penses, tu fais flipper à regarder dans le vide.

Je me tourne vers Elijah, confortablement installé dans mon lit. Il a levé les yeux de son écran et me regarde, les sourcils froncés.

– Je pense à quel point tu étais detestable quand on s'est rencontrés.
– Tu rigoles ! J'étais adorable et déjà plein de charme.

Je lève les yeux au ciel. Quel prétentieux.
Je n'ai pas le temps de réagir que je reçois un objet moelleux en pleine tronche. J'entends son gros rire se foutre de moi, tandis qu'il est fière de son lancer de coussin. Je me lève de ma chaise et n'attend pas une seconde pour l'attaquer. On peut pas dire que ma corpulence le dérange tant que ça. Il me maitrise rapidement, me tire le poignet et me retourne sur mon lit. Mon dos frappe le matelas et il me maintient par les poignets, coincés de part et d'autre de mon visage, à moitié à califourchon sur moi.

Mon coeur se met à battre rapidement et je sens mes joues chauffer.

– T'es toute rouge, je te fais tant d'effet que cela ?

Je dégage mes poignets de sa prise et pousse son torse pour l'éloigner. Je me relève et lisse mes fringues tout froissés.

– Ne prends pas tes rêves pour la réalité.

Je l'entends ricaner derrière moi et je reprends:

– Je vais boire, tu veux un truc ?
– Ouep, un coca s'il te plaît.

Il garde ses yeux rivés sur son téléphone, en pianotant dessus.

Elijah est mon meilleur ami depuis presque dix ans et je ne souhaite perdre cela pour rien au monde. Je n'arrive juste pas à comprendre pourquoi, dès lors qu'il est un peu trop proche de moi ou rien qu'en souriant, mon cœur s'emballe et je deviens cramoisie, ces derniers temps.

Elijah est beau, apprécié de tout le monde, encore plus des filles. Il est gentil et drôle. Il arrive à sociabiliser ultra facilement avec n'importe qui et je ne compte même plus le nombre de potes qu'il doit avoir. Il est tout mon contraire là-dessus. Je n'ai que lui, il a été le premier depuis toujours. Je n'arrive pas à sympathiser aussi facilement que lui et je dois faire preuve d'un gros travail personnel pour ne pas rejeter les personnes qui m'approchent.

J'aurais beau essayer de le détester, comme quand on était enfants, je ne tiendrais pas une minute. Il est beaucoup trop présent et joue un rôle important dans ma vie. Il a changé tant de choses en moi que son absence me tuerait probablement. J'aime Elijah du plus profond de mon coeur.

un baiser en amène un autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant