Rapprochement

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Le moment de la coupure arrive enfin, les samedis sont réellement les pires services ; dire qu'il va falloir recommencer ça ce soir. Je suis sur la terrasse avec Jérémy assis à côté de moi. Je suis épuisée de m'être autant défoncée ce midi. Mon collègue le voit, il entreprend de me détendre avec un petit massage des épaules. Très franchement, je ne dis pas non, ça me détend vraiment, il sait y faire. On continue en même temps de discuter de mangas et autres quand la porte s'ouvre sur Cyrielle. Elle marque un temps d'arrêt d'une demi-seconde, et reprend sa marche vers nous. Elle s'assoit en face de moi. Qu'est-ce qu'elle est belle... « Tu as l'air détendu » fait-elle remarquer. J'avoue que les mains de Jérémy sont magiques. Le massage se termine, je le remercie sincèrement. Je me sens beaucoup mieux, et je relance la conversation sur le service de ce midi, auquel nous avons tous les trois souffert.
« -Tu sembles aussi fatiguée Cyrielle, dis-je, tu veux que je te fasse un café ?
-Oh oui merci, c'est gentil ! »
Tout pour te satisfaire, pensai-je sans le dire néanmoins. Peut-être est-ce mon imagination mais j'ai l'impression de sentir le poids de son regard sur mon dos. Quand je revins, Cyrielle était assise à côté de Jérémy, ils regardaient une vidéo. Je saisi cette occasion pour prendre une chaise et de m'installer près de celle qui trouble mon cœur. « J'ai les mains gelées, se plaint-elle, mais je ne veux pas rentrer. J'ai trop besoin de m'aérer après ce midi. ». Je la comprends, mais je ne me démonte pas et lui prends une de ses mains entre les miennes. « Mais t'es brûlante ! » s'exclama-t-elle. Je lui explique que j'ai rarement froid. Mais je ne lui précise pas que sa proximité et notre contact me donne encore plus chaud que d'habitude. Elle semble apprécier et me donne sa deuxième main, glacée elle aussi. Quelques minutes plus tard, je me rends compte que je caressais ses mains de mon pouce, inconsciemment. Je me stop net, elle me regarde sans rien dire et me sourit. C'est l'heure de reprendre. Le service se passe tant bien que mal, je jette des coups d'œil à Cyrielle, et elle fait de même. Quelques minutes avant de finir, elle vient vers moi et me chuchote : « Tu ne m'as pas oubliée pour ce soir j'espère ? », je lui dis que non. Elle me fait un clin d'œil et s'éloigne. Bon sang, mon cœur va lâcher !

Après s'être changée, je ramène Jérémy avec Cyrielle à l'arrière. Une fois qu'on l'a déposé, on retourne en bas de chez Cyrielle. Je lui dis de mettre la musique qui lui plait et commence à rouler le joins. Elle regarde attentivement mes gestes. Passe alors une chanson de The weeknd, je me stop et regarde mon amie :
« -Tu écoutes ça toi ?
-Ça t'étonne ? demanda-t-elle avec un sourire malicieux.
-Un peu... Mais j'adore, ça nous fait un point commun ! »
Elle ne répond rien mais continue de sourire. Une fois que j'ai terminé mon affaire, je lui tends la cigarette en lui expliquant de ne pas tirer trop fort la première fois. Elle acquiesce, prend une bouffée et s'étouffe. Je rigole sans retenu devant ses yeux larmoyants, et elle rit avec moi. « Je t'avais prévenue ! » dis-je sans pitié. Au bout de quelques fois, elle semble mieux gérer, et on fume entièrement le joins à nous deux. Son regard a changé.
« -Tu te sens bien ? demandai-je
- Au toooop... Merci Fanny !
-Avec plaisir, c'est toujours mieux que de se défoncer seule !
-Ah ouais, là c'est bien... »
Elle avait un sourire béat et les pupilles dilatées. Je pense que c'est plutôt réussi pour une première fois ! Et elle se met à parler et parler, comme jamais elle ne le fait. Elle me raconte des choses qui n'ont pas forcément de rapport les unes avec les autres, reste bloquée parfois sur certains mots... Elle me fait tellement rire ! Sa voix mêlée au son de la musique, c'est juste parfait.
« -Je te saoule pas trop ? s'inquiéta-t-elle
-Pas du tout, au contraire !
-Ah... J'aime trop être là avec toi...
-Moi aussi, c'est énorme. »


Elle me regarde sans plus parler. Etant plus alerte qu'elle, la situation me donne un coup de chaud, mais je soutien son regard. Elle finit par dire :
« -Fanny ? Ta mauvaise histoire d'amour là... Il faut que tu l'oublies d'accord ?
-Euh oui oui...
-Non mais, vraiment. Je te regarde beaucoup tu sais. T'es merveilleuse comme fille, tu vaux bien mieux que cette personne. D'ailleurs c'est quoi son prénom ? »
J'hésite. Je ne veux pas lui dire, elle ne sait pas que c'est une fille. Elle ne sait rien de moi et personne ne doit savoir. « Ce n'est pas important » fini-je par dire. Mais ses yeux me fixent toujours. On dirait qu'elle essaye de lire en moi. Je me tends malgré moi, je ne veux pas parler de ça, ni de moi. Elle le sent. « Je suis désolée... » me dit-elle alors. Non, je ne voulais pas la faire culpabiliser, et lui dis aussitôt. Elle fixe ma bouche quand je lui explique que le souci vient de moi.
La buée sur les vitres cache l'extérieur. Cyrielle pose une main sur ma jambe ; j'essaye de garder contenance et continue de parler sur mon manque de confiance en moi etc, l'herbe me fait trop parler aussi... Mais son regard fait des allers-retours entre mes yeux et mes lèvres. Je ne suis même pas sûre qu'elle m'écoute réellement. Soudain elle pose son autre main sur mon bras. J'arrête de parler et reste interdite. Ses pupilles sont noires comme la nuit. Tout se passe très vite. Et serre sa prise autour de mon poignet et m'attire à elle. Elle glisse rapidement ses doigts jusque dans ma nuque et colle ses lèvres sur les miennes. Je suis tant abasourdie que je n'ai pas de réaction. Elle se détache de quelques centimètres et me regarde. « Désolée.. » murmura-t-elle. Son souffle chaud me donne des frissons. Je ne réponds rien. Je sens toutes mes barrières tomber une à une. Pourquoi devrai-je m'en empêcher après tout ? Après ces interminables secondes, c'est à mon tour de passer ma main dans son cou et de l'attirer contre moi pour pouvoir l'embrasser de nouveau, avec toute mon envie refoulée. Elle me le rend profondément et mon cœur s'emballe. Je veux être encore plus près d'elle alors je passe une main sur ses hanches et la tire contre moi. Elle entoure son visage de mes mains et fait en sorte que le baiser devienne langoureux. Je sens le désir m'électriser tout le corps et je me contiens avec beaucoup de mal. Je mets fin à la passion au bout de quelques instants. Elle me regarde intensément et je rate une pulsation. Elle est magnifique.
«- Je... euh, il est tard. Tu ne devrais pas tarder. On se voit demain si tu veux ? lui dis-je
-Avec grand plaisir, répond-elle les yeux brillants. »
Je lui donne un dernier baiser avant qu'elle s'en aille, et je la regarde jusqu'à ce qu'elle atteigne sa porte d'entrée.

Tout au long de la route je me repasse cette scèneimprobable. Je sentais bien qu'elle était différente ces derniers jours, maisde là à être attirée par moi... Est-ce une bonne chose ? On était toutes lesdeux défoncées. Elle n'a peut-être pas mesuré ses actes. Et moi non plus. Je mesuis laissé aller, j'étais dans un état second. Mais je sens encore lespapillons dans mon ventre, au fond c'est ce que je voulais... Non ?
J'arrive chez moi, je m'étale dans mon lit et ferme les yeux sur cette soiréeforte en émotions. Heureusement que demain je ne travaille pas.

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