J'arrive au travail, peu enjouée, mais déjà son bonjour me parvient et me réchauffe le cœur. Elle est tellement sincère... Je ne peux que lui rendre la pareille, et elle semble satisfaite. Ce soir je dois la former sur le service en plancha. Elle semble stressée mais également ravie d'apprendre un nouveau poste. Je suis partagée moi aussi entre deux émotions : la joie d'être un peu plus proche d'elle et la peur de l'apprécier encore un peu plus.
Evidemment, ce fut inévitable. Cette fille déborde de gentillesse et de spontanéité. Cela me touche d'une manière que je ne peux expliquer. Son sourire fait le mien, et à nous deux nous faisons naître le sourire des clients, ravis de notre duo. Je la taquine, elle fait de même, je l'aide et la conseille avec humour. Tout se passe pour le mieux, en cet instant je ne pense plus à rien. Je me sens légère, je ris avec elle et profite du moment. Malheureusement, elle doit repartir en salle. Le reste du service se passe bien, elle revient me parler de temps à autre et moi j'essaye de ne pas trop la regarder.
Je suis la dernière à dépointer après cette longue soirée. J'entre dans les vestiaires ; Cyrielle était encore là, en train de se changer. Je me force à détourner les yeux, et pourtant Dieu sait à quelle point elle est belle.
« Merci de m'avoir formée », me dit-elle avec un grand sourire. Ses yeux scrutent les miens si bien qu'elle me déstabilise le temps d'une seconde
« Oh de rien ça m'a fait plaisir, tu as géré en tout cas, bravo »On échange encore un peu sur la soirée, puis nous nous dirigeons vers la sortie. Il pleut des cordes. J'aime la pluie, je sors donc sans hésitations. Mais après quelques pas, j'aperçois que Cyrielle ne me suis pas. Elle est toujours à la porte et je n'arrive pas à déchiffrer son expression. Et d'un coup ça me revient : elle est tout le temps à pied étant donné qu'elle habite près d'ici. Sauf que là, c'est le déluge. D'ailleurs je suis trempée, je fais demi-tour et cours vers elle. Comme toujours, elle sourit.
« Tu veux que je te ramène ? » lui demandai-je
« Oh non, non, t'inquiète pas je v... »
« Sûrement pas ! la coupai-je, je ne vais pas te laisser rentrer à pied par ce temps, c'est trop risqué. Viens avec moi, c'est sur ma route ! »
« C'est vraiment gentil, merci Fanny » dit-elle l'air gêné.Elle ne veut pas être un poids pour les autres, elle ne demande jamais rien, je vois bien qu'elle n'est pas très à l'aise. J'essaye de la détendre en lui demandant quelle musique elle aimerait écouter, et je lui mets. C'est bon, elle semble contente ; et je le suis aussi. Mais à peine la chanson se termine que nous sommes déjà devant chez elle. Cyrielle me remercie encore 4 ou 5 fois, j'attends qu'elle rentre bien dans son immeuble, et je repars. Je me sens ailleurs, heureuse et en même temps troublée. J'ai fermé mon cœur depuis si longtemps, mais elle me touche sans que je ne puisse l'arrêter. Tout le reste du trajet je me remémore le service passé. Une fois chez moi, je prends une douche brûlante et me glisse dans mes draps, épuisée. Je vais pour régler mon réveil quand je vois un message de Cyrielle. Mon cœur rate un battement. Je me dispute moi-même pour voir eu cette réaction et ouvre le sms : « Merci encore pour tout! »
Je ne lui réponds pas, sûrement par peur de ne pas être assez distante, et je m'endors avec l'image de son sourire en tête...
Réveil difficile. Nuit agitée. En aurai-je un jour l'habitude ? Mes cernes semblent encore plus marqués que les autres jours. Je tente un peu de maquillage pour camoufler, sans grand succès. Il pleut encore et décidément je n'arrive pas à sortir de ma morosité. Chaque jour qui passe est un peu plus pesant. J'aimerais tellement partir, m'évader de cette vie qui m'étouffe. Je voudrais prendre mon sac sur les épaules et marcher droit devant moi sans plus me retourner. Qui sait, peut-être que de cette façon j'oublierai tout ce qui m'a fait souffrir.
Je pense que ma nonchalance doit se lire sur mon visage car personne ne m'adresse vraiment la parole ce matin. Le service se passe sans encombre, c'est routinier... A la fin, nous nous asseyons tous comme à notre habitude pour prendre notre café bien mérité. Cyrielle s'installe à côté de moi, mais je ne m'en réjouis pas pour autant. Aujourd'hui mon cœur appartient au passé. Les discussions vont bon train, j'écoute sans participer. Jusqu'à un moment où Adeline et Guillaume parlent d'infidélité.
« -Je n'ai jamais été trompée, dit Adeline, mais je crois que je n'aimerais pas le savoir.
-Tu penses pas que c'est encore pire de vivre dans le mensonge ? rétorque Guillaume
- Je ne sais pas... dans tous les cas ça ne doit pas être facile... »
Je laisse échapper un petit rire mélancolique malgré moi. Et les regards se tournent vers moi, je me maudits.
« Pourquoi tu rigoles ? s'étonne Guillaume
- Tu as déjà été trompée ? comprend Adeline
- Ouais. Mon cœur se serre mais je reste impassible.
- Il te l'a dit de lui-même ?
- Oh non, ce serait trop courageux. Je l'ai découvert par moi-même. Franchement c'est horrible. Ça te fait perdre toute confiance en toi et en les autres aussi. Tu tombes de très haut, en fait ça te détruit moralement, surtout quand tu éprouvais un amour sincère. J'ai cru qu'on m'avait arraché le cœur... Je souris tristement en disant ces mots. Mais bon, après ça te forge ! »
J'essaye de finir sur une note positive parce que j'en ai trop dit et que ce n'est pas de moi. Personne ne sait que j'ai été trompée par une fille et non un garçon. En fait, personne ne sait rien de moi, c'est la première fois que j'évoque un évènement de ma vie. Est-ce que c'est pour ça que tout le monde reste silencieux ?
Guillaume parle après ce qui m'a paru être une éternité : « Eh bien, on apprend quelque chose sur toi. Je suis désolé en tout cas, pour te faire ça à toi, ça devait être un sacré connard ! »
Je souris, sincèrement cette fois. Il a toujours les mots qui réchauffent, il me rappelle que je suis appréciée ici et ça me fait du bien. Cyrielle pose sa main sur la mienne, je trésaille, mais elle ne bouge pas et me dit : « C'est clair, c'était sûrement pas la bonne personne. ». Nos regards se croisent furtivement, je me rends compte que depuis mon récit, mes poings sont restés serrés ; je relâche la tension et Cyrielle retire sa main, comme si c'était ce qu'elle attendait.
J'aurais aimé garder ce contact encore. Cela fait si longtemps que je n'ai plus de contact humain, que je m'y refuse systématiquement. J'en avais presque oublié à quel point cela pouvait être une source de réconfort...
« Merci, en attendant j'ai l'amour de mon chien, et celui-là je sais qu'il est inépuisable » dis-je en riant. Tout le monde confirme et la conversation repart. Mais cette fois-ci je suis perdue dans mes pensées qui se bousculent... Je finis par rentrer chez moi, comme d'habitude je prends une douche brûlante. Je m'installe sur mon canapé devant des épisodes de Rick et Morty tout en buvant une soupe chinoise. Mon téléphone vibre : c'est Cyrielle.C: Tu avais l'air vraiment fatigué aujourd'hui. Ça va ?
Elle est si mignonne... Comment tant de gentillesse peut abonder en cette fille ?
F :Je ne dors pas beaucoup, mais rien de grave ne t'inquiète pas ;) !
C: Tu as des insomnies ?
F: Oui on peut dire ça, ou alors je me bats contre mes cauchemars lol
C: Oooh :( essaye de mieux dormir cette nuit, je t'envoie des bonnes ondes :D
F: Mdr, merci t'es gentille.
La discussion se termine ainsi, je retourne à ma série mais ne parviens pas à me concentrer dessus. Mon esprit vagabonde vers Cyrielle : elle était si discrète jusqu'à maintenant, est-ce que la formation en plancha l'a incité à s'approcher de moi ? Je ne vais pas m'en plaindre, je l'apprécie plus de que raison. Mais c'est justement ça qui me rebute. J'ai fermé mon cœur et je m'interdis de l'ouvrir pour une situation aussi incertaine.
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A coeur ouvert
RomansSe fermer à toute relation après avoir autant souffert ? C'était mon choix de vie... Mais malheureusement le coeur est beaucoup plus fort que la raison.