Prologue - Mona

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(Photo Mona décharge)

                                                 
                                                 
— Tu n'es qu'une empotée ! Regarde-toi bordel !

Mon père me crie dessus encore une fois. Je ne sais plus quoi faire, ni où me mettre. Nous l'accompagnons ma mère et moi, chasser dans la jungle. Rares sont les fois où les hommes emmènent avec eux leurs femmes et enfants à les suivre afin de ramener de la viande fraîche.
Aujourd'hui, mon frère aîné ne pouvait pas venir aider notre père. Ce dernier devait s'atteler à pêcher. Ma mère et moi, nous y sommes donc collées à sa place. Cependant, ma maladresse m'attire sans arrêt les foudres de mon paternel. Je vois bien au regard de ma mère, qu'elle ne se mêlera pas. Elle ne prendra pas la peine de me défendre. Je le vois à son air las. Toujours cet air de lassitude.

Je bronche à nouveau. La cheville prise dans une liane qui me scie la peau. Malgré moi, je laisse échapper de mes bras, le panier tressé en feuilles de bananiers, confectionner par ma grand-mère. Les quelques plantes aromatiques et soignantes que ma mère vient de ramasser, accompagnées de baies et de champignons, s'éparpillent au sol. Les larmes me montent aux yeux, et malgré la douleur que je ressens à la cheville, je n'y prête pas attention et me dépêche de tout ramasser, la peur au ventre.

— Non mais regarde-là ! Que veux-tu qu'on en fasse ?! On en tirera rien ! Personne n'en voudra ! Fulmine-t-il en s'adressant à ma mère, tandis qu'elle secoue la tête, totalement dépitée.

Je suis une amazone, mais je n'en ai pas la grâce. Aussi, je suis la risée de mon village au grand dam de mes parents. J'ai sept ans et suis enrobée. Durant les journées, je subie les moqueries de la part des autres enfants de notre village.
D'ailleurs, ce village causera ma perte, car il se situe pile poil sur le trajet principal des cartels pour l'acheminement de leur drogue. Le trois quart des habitants travaillent pour eux, y compris mon père et mon grand frère.
C'est ainsi que j'ai connu un homme, cousin de mon père, qui venait quelques fois lui rendre visite. Il était le seul être qui posait sur moi, un regard empli de compassion et de gentillesse. Je m'étais laissée aller plus d'une fois, à imaginer que cet homme soit mon père. Comme j'aurais aimé que cela soit vrai. Mais je m'en voulais aussitôt d'avoir ce genre de pensées, car cela me faisait ressentir de la peine envers mon père. Même si ce dernier me montrait clairement qu'il ne me portait pas dans son cœur. Ce n'était pas grave. Je lui pardonnais car je devais m'estimer heureuse d'avoir un père.

Seulement, un jour, il m'a fait embarquer à bord d'une pirogue munie d'un moteur avec des hommes armés, que j'avais déjà aperçu lors de leur trafic, mais qui m'étaient inconnus. Je me souviens d'avoir vu mon père récupérer quelques billets que lui tendait l'un des hommes à bord. À ce moment-là, j'ai compris que mon père venait de se débarrasser de moi, en me vendant et par là, m'abandonnant à mon triste sort.
Durant le très long trajet, je m'efforçais de ne pas pleurer afin de ne pas attirer leur attention. J'étais morte de peur.

C'est comme ça que je me suis retrouvée à la décharge, à Rio de Janeiro, et que j'y ai connu Tessalia, Mani et Kako. D'ailleurs, Tessalia est vite devenue la sœur que je n'ai jamais eu. Et vice versa.
Je n'ai jamais eu le courage de lui avouer la vérité, et donc, comment je m'étais retrouvée exploitée là-bas avec eux. Elle a toujours cru à un enlèvement de la part des cartels. Mais la réalité était trop honteuse et douloureuse pour moi. Il était difficile de lui expliquer que j'étais un échec de la nature, à un tel point que mes parents ont dû se débarrasser de leur fille.

Cependant, des années plus tard, à Cœur d'Alène dans l'Idaho, lorsque le père de Tessalia était venu au MC, l'homme qui me faisait face me rappelait quelqu'un. Mes doutes se sont confirmés lorsqu'il nous a appris qu'il était le cousin germain de mon père. J'étais donc cousine avec ma sœur de cœur, Tessalia. Puis il m'avait demandé si je me souvenais de ma famille, je n'avais pas eu le cœur à admettre que oui.
Apparemment, mon père lui avait fait croire à une éventuelle noyade dans le fleuve qui borde mon village natal. Il me disait que mon père se réjouirait d'apprendre ma survie. S'il avait su.
Malgré la cruauté de mes parents, j'ai saisi la chance d'aller les retrouver, afin qu'ils voient que j'allais bien, que je m'en étais sortie dans la vie, et qu'ils puissent enfin être fiers de moi.  Et aussi pour que s'ils avaient été pris de remords, et ben qu'ils n'aient pas de regrets et d'angoisses. Je voulais qu'ils aient l'esprit tranquille. Parce qu'ils m'avaient cruellement manqué, malgré leur absence d'amour et d'attention envers moi. Je me devais d'y retourner.

Il m'aura suffit d'un seul séjour dans mon village natal, pour qu'un destin funeste se rabatte une fois de plus sur moi. Jamais je n'aurais pensé que cet être immonde se serait lancé à ma poursuite.
Je regarde le corps au sol en face de moi, qui ne donne aucun signe de vie. Pourvu qu'elle s'en sorte. Je teste mes liens, mais rien n'y fait. Faut pas rêver. Je ne pourrais pas échapper à ses griffes. Il faut que je gagne du temps. Je regarde autour de moi à la recherche de tout et n'importe quoi, qui serait susceptible de m'aider, mais je ne vois rien dans cette cabane de chasseurs.
Celle-ci se trouve perdue au beau milieu de la forêt. Loin de la ville et ayant pour seul horizon, uniquement des bois à perte de vue sur les montagnes entourant Cœur d'Alène. Il faut que je me rende à l'évidence ; je suis sans défense.

Je décide alors de le faire bavarder. Au moins, si quelqu'un essai de me repérer, et entreprendre de s'approcher de notre cachette sans alerter ce taré, cette personne aura plus de chance d'y parvenir si ce salopard me tape la causette, et par là n'entende aucuns bruits provenant de l'extérieur.   

— Pourquoi perds-tu ton temps avec moi ? Je suis sans valeur.
— Tu te trompes, ma douce. Depuis que tu es venue faire un petit séjour express au pays, je ne peux t'oublier.
— Pourtant il le faut. Comme tu as pu le constater, je ne suis pas libre.
— Ce n'est qu'un détail. D'après ce que je vois, il n'a pas l'air pressé de te retrouver.
— Peut-être parce que tu me retiens cachée ici.
— Tu lui cherches des excuses ? Me gronde-t-il d'une voix soudain beaucoup trop menaçante.
— Non, bien sûr que non.
— De toute façon, d'ici une heure, nous serons en route direction notre très cher pays, d'où tu n'aurais jamais dû partir. Je n'arrive toujours pas à croire, que tu ais pu m'échapper. Tu m'appartenais. Et aujourd'hui, je t'ai récupéré pour que tu m'appartiennes à jamais. Tout ce qui se trouve ici, sera loin derrière nous. Cette cabane sera réduite en cendre avec ton amie dedans, et tu pourras enfin te concentrer à ta nouvelle vie. Avec moi.

Après ses paroles, je suis tétanisée. La nausée me prend. Ce malade, c'est mon pire cauchemar. Ce n'est qu'un fou obsédé par la seule chose qui lui aie échappé durant ces sombres années. Je me mets à trembler. Il faut absolument que je trouve une solution pour la sortir de là. Je ne peux pas la laisser brûler. Je ressens les griffes de l'enfer se refermer sur moi. Alors je fais ce que n'importe quel être sur terre ferait à ma place, en se sentant perdu à jamais ; prier.








Hell's bikers T.2 (Sous Contrat D'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant