LJ
Nimbé de gris, le ciel reflète sur la ville de Liège une faible lumière. Citée historique,riche d'héritages religieux, la "Ville Ardente" n'est pas dépourvue de charmes. Lesnuages suspendus dans l'éther terne sont chargés d'eau. Enfermé dans ma BM X5, je neressens pas le froid du dehors. Sobre, le temps est d'une apaisante mélancolie. Sur le trottoir,les piétons se dépêchent pour échapper à l'air glacial et à la pluie qui s'annonce. Bien quecette journée de septembre semble comme toutes les autres, je suis d'humeur joyeuse.
J'ai toujours aimé l'Automne, les feuilles des arbres qui tombent doucement, les pluies froidesdont on s'abrite, l'air tempéré qui passe sur le visage telle une tendre caresse. Dans l'habitaclede la voiture, le paysage citadin défile comme un tableau de Nop Briex. Je me dirige vers lesiège social de la compagnie pour laquelle je travaille depuis plus de neuf ans. La circulation,rendue difficile par le flot incessant de véhicules, n'empêche en rien ma progression.
Après la rue des Croisiers, je prends la rue du Mery qui me conduit au parking. Enfin stationnésur l'emplacement réservé à la direction, je prends l'ascenseur pour mon bureau du dernierétage avec vue imprenable sur la Meuse. Le couloir de dallages noirs m'amène vers mon officechic. Une fois la porte refermée, je dépose la sacoche de mon Mac sur ma table de travail etprends place sur mon fauteuil Airflow. Le week-end est passé très vite, mais en réalité, je n'ensuis pas dérangé. Bien au contraire, je suis ravi de reprendre le travail.
Et la raison de cette joie indicible s'appelle Evy Mertens. Cette femme est la plus belle âme quim'ai été donnée de rencontrer. En franchissant le seuil de la société, sans le savoir, elle aemporté mon cœur avec elle. Depuis sept ans, je la regarde de loin alors que mes sentimentspalpitent au gré de ses sourires.
Jour après jour, dedans comme dehors, elle a perdu sa joie de vivre. Je suis blessé de l'aimer,sachant qu'elle appartient à un autre, mais égoïste, je sais que je peux l'aimer tellement mieuxque lui. Une excuse pour faire de mon fantasme une réalité. À trente-quatre ans, j'ai connubeaucoup de femmes, mais aucune qui me fasse vibrer comme elle. Généralement, je n'ai quepeu d'efforts à fournir pour que la gent féminine s'intéresse à moi.
Châtain foncé, les yeux marron, élancé d'un mètre quatre-vingt-dix, je suis plus que sollicité,mais tout cela me laisse froid. C'est elle que je veux. Alors pour parvenir à mes fins, j'ai décidéde la séduire anonymement en laissant des billet dans les bouquins qu'elle achète grâce à lacomplicité des libraires. Tout cela en me disant que si je n'avais aucun signe de sa part, jedevrais abandonner.
Absorbé par Evy, je n'entends pas mon frère, Liam, pénétrer dans mon bureau.
- Qu'est-ce que tu fais avec ce sourire idiot plaqué sur tes lèvres ? Tu n'as pas, à tout hasard, unrendez-vous?
J'aime beaucoup mon frère, mais cette tendance qu'il a de se mêler de tout me rendpositivement dingue. Sans compter ce besoin de passer à mon bureau alors que je ne l'y ai pasinvité.
- Si tu étais du genre attentif, tu saurais que cette réunion a été annulée depuis un bail. Maisbonjour à toi aussi, Liam, très content de te voir.
Bien décidé à le taquiner sur son manque de savoir vivre, je me délecte de ma petite pique.
Il lève les yeux au ciel, puis me fait une moue digne d'un enfant de cinq ans pris en faute.Comme si le fait de le reprendre sur la moindre des politesses est une remarque parfaitementridicule.
- Ce n'est pas parce que tu es sorti cinq minutes avant moi du ventre de notre mère que tu doiste sentir obligé de me faire la morale, grand frère.
Je ricane malgré moi, sachant combien il peut être très susceptible à ce sujet.- Il faut croire que je prends mon rôle très à cœur.
Il secoue la tête et éclate de rire.
- Mais bien sûr. Alors tu vas me répondre ? demande t-il, affûté d'un rictus sournois.
- Il me semble l'avoir fait en te disant que l'entrevue a été annulée.
Il éclate de rire.
- Certes, ce n'est pas de cela que j'essaye de te parler, mais de cette expression idiote que j'aisurprise en entrant. Serais-tu amoureux de nouveau ?
Légèrement agacé, je me lève de mon fauteuil.
- Mais enfin, de quoi tu parles ? Et pourquoi de nouveau ?
Mon imbécile de frère se moque davantage.
- Ne te fâche pas, mais la dernière fois que tu affichais un visage pareil, c'était parce que tu étaisfou d'une certaine Evy Mertens.
- Comment peux-tu savoir un truc pareil toi d'abord ?
Cette fois, il se tord, hilare.
- Premièrement, parce que je suis ton jumeau et aussi parce que nous sommes tous les deuxattirés par le même genre de femme. D'ailleurs, c'est bien dommage qu'elle soit marié parceque je peux te dire que nombreux sont ceux qui auraient tenté leur chance.
- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
Liam me répond avec nonchalance, comme si ce qu'il disait était parfaitement logique.
- Cette femme est une bombe. Ne sois pas naïf ! Tu croyais être le seul à l'avoir remarquée ? Sesyeux verts, ses cheveux bouclés flamboyants, son teint café au lait, sa bouche pulpeuse, sapoitrine plantureuse et son cul d'enfer sont le sujet de conversation le plus couru du troisièmeétage.
Mon frère continue son petit monologue, mais je ne l'écoute plus, car j'ai les nerfs à vif. Si je nele connaissais pas si bien, je croirais qu'il se fout de ma gueule. Sauf que je sais très bien qu'àcet instant, il est on ne peut plus sérieux. Mes poings se referment d'eux-mêmes, furieux desavoir qu'il la considère comme un vulgaire bout de viande.
- Liam, je siffle exaspéré.
Il stoppe son discours et s'arrête une minute sur mon visage.
- Quoi, Lo ?
Il me regarde plus attentivement et un éclair de compréhension traverse ses prunelles.
- Merde ! Si je m'attendais. Tu es encore amoureux de cette femme. Bon sang, Lo ! Cela fait septans ...
Il me dévisage avec des yeux de merlan frit.Comme pris à défaut, je pince les lèvres et tente de nier vainement.
- Ce n'est pas ce que tu crois.
- Arrête ! C'est exactement ce que je crois. Tu ne penses pas qu'il est temps de l'oublier ? Elle nesait même pas que tu existes. De plus, elle est mariée, Lo. Je ne suis même pas certaine qu'ellet'ai remarqué, mon vieux.
Je baisse la tête, quelque peu dégoûté, mais réponds froidement.
- Tu crois que je ne le sais pas ?
Je lève les yeux sur mon frère déterminé et lui affirme.
- Elle beau être à un autre, je sais que c'est elle. Au plus profond de moi, il n'y a personned'autre. Il est possible qu'à tes yeux, je sois pathétique, Li, mais que puis-je faire si c'est elle queje veux ?
Je redresse la tête croise le regard de mon frère qui à l'air d'être sur le cul. Or, cette unitéfraternelle que nous représentons, Liam et moi, ne m'a jamais déçu. Pas même une fois.
Alors, il me pose la question à un million :
- Que comptes-tu faire ?
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Follow my heart
RomansaÀ l'aube de ses trente ans, Evy est coincée dans un mariage sans amour. La routine du quotidien a piétiné tous ses espoirs. Son travail elle ne l'aime plus depuis longtemps, son désir de maternité est un véritable fiasco et sa passion pour l'écritur...