II

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Les premières semaines de ce régime se sont plutôt bien déroulées. Céline me faisait toujours autant rire et j'étais vraiment heureuse en sa compagnie. Mely était toujours assez indifférente à tout ce qui ne touchait pas aux mangas. De plus, je commençais à parler avec une autre fille, Louane, et j'avais gardé contact avec une autre Céline, que je connaissais de la fin d'année passée. Mais là encore, toute bonne chose a une fin.

En effet, je ne mangeais presque plus le matin, de la même façon le midi, et je me cachais le soir ou trouvais des excuses à donner à mes parents pour avaler le moins de nourriture possible. Pendant les cours, à partir de 11h, on entendait toujours un peu mon ventre, dont j'étouffais le son des grondements comme je pouvais. Plus les jours passaient, moins je me nourrissais, et plus je me sentais fatiguée. Je lâchais les cours peu à peu, je ne parvenais plus à les suivre. Ça ne m'a pas interpellée. Loin de là, j'ai continué mon régime. Je ne mangeais plus du tout le midi, et le soir, après avoir mangé rapidement, je faisais du sport en cachette pour éliminer un maximum de calories avant d'aller dormir. Chaque jour, je me pesais jusqu'à sept fois, avant et après chaque repas ainsi qu'une vérification dans l'après-midi. Je m'étais mis l'idée en tête que les chiffres que montrait la balance devaient absolument être inférieurs le soir par rapport à ceux qui s'y affichaient le matin.

Mes parents ont tout de même remarqué les changements dans mon alimentation et dans mon comportement. Y a-t-il une utilité à vous dire que j'en ai pris plein dans la tête ? Ils m'ont dit qu'il fallait que je me nourrisse, que c'était dangereux de ne plus manger, et d'autres choses. En fait, ils ne me l'ont pas dit. Ils me l'ont crié. Mon père était du genre direct, assez violent dans sa manière de parler, ou même d'agir parfois. Il n'a pas cherché à comprendre, et m'a menacée de me gaver comme une oie si je ne changeais rien à mes habitudes alimentaires. Ma mère, plus patiente et calme, m'a demandé si j'avais des problèmes au lycée, et si j'avais des complexes avec mon corps. Pour le lycée, je lui ai assuré que tout allait bien, et j'ai nié pour mon corps. Elle m'a malgré ça pesée. 41.3 kilos, et nous étions au début du mois de décembre.

Pendant une ou deux semaines, je me suis remise à manger. Non pas par plaisir, au contraire. Je voulais rassurer mes parents, dans le simple but qu'ils fassent moins attention à moi ensuite. J'avais réussi, ils se préoccupaient moins de moi. Dès lors, je me suis tout de suite replongée dans mes habitudes. Je pesais à ce moment-là 43.5 kilos, ce qui était beaucoup trop pour moi. C'était bientôt les vacances de Noël, et je passais mon temps à réfléchir à la façon dont j'allais éviter les repas, et surtout ceux des fêtes.

Au lycée, les deux Céline et Louane ont remarqué que j'avais changé. Comme vous le savez, j'ai toujours été discrète. Mais ce n'était plus pareil. Je n'étais plus simplement discrète. J'étais renfermée, déprimée, angoissée. Je ne souriais plus. À chaque pause, je partais m'enfermer dans les toilettes pour être seule et faire diminuer mon anxiété. Je me fatiguais vite lors des cours de sport, et juste le fait de monter les escaliers faisait augmenter mon rythme cardiaque de façon anormale. J'avais des vertiges et le teint pâle, mon temps de réaction était très faible. Je ne ressentais plus rien. J'étais vide. Je sombrais lentement mais sûrement dans une nouvelle dépression.

Ma mère a à nouveau remarqué que ça n'allait pas, et elle a décidé de m'emmener voir un psychothérapeute. Nous étions en janvier 2018, et je pesais 42.2 kilos. Il n'a fallu que quelques séances pour que le diagnostic soit établi. Ça y est, je souffrais officiellement d'anorexie mentale restrictive. Je n'en avais jamais entendu parlé. Je savais simplement ce qu'était l'anorexie, juste l'anorexie, et honnêtement je m'étais déjà questionnée sur cette maladie, par rapport à mon état. Oui, parce que j'ai toujours aimé me renseigner sur les maladies psychologiques, mais je ne les connaissais pas toutes. On ne connaît jamais tout. J'avais des doutes, mais je ne pouvais rien faire. Et entre temps, un nouveau démon s'était installé en moi. Un démon assoiffé de sang et drogué aux cicatrices que l'on surnomme Cat. L'automutilation.

Ananyme.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant