L'Ancestrale {COLLECTION LES ANCESTRAUX}

CHAPITRE IV - lourd passé

Venise étincelait sous le doux éclat de la Lune. Ses canaux scintillaient comme des rubans d'argent à travers la ville. Les façades des bâtiments se reflétaient dans les eaux calmes. La musique envoûtante emplissait les rues étroites, créant une atmosphère enchanteresse pour les touristes et les habitants.

Cependant, au milieu de cette féérie nocturne, tous ne partageaient pas la même allégresse. Karen se remémorait sa rencontre avec son mari avec une pointe de nostalgie. Alors qu'elle profitait de ses premières vacances d'été en tant que jeune adulte de dix-huit ans, explorant les ruelles secrètes de la ville, un incident imprévu changea le cours de sa vie. Un jeune homme étourdi la bouscula, la faisant chuter lourdement sur le sol. Mais ce ne fut pas le choc de la chute qui marqua Karen. Cet inconnu laissa une empreinte indélébile sur son cœur. Le jeune homme l'aida à se relever et s'excusa.

— Oh mais vous êtes français ! S'exclama la vacancière. D'où venez-vous ?

— De Nice.

— Oh mais de même. Quelle coïncidence. Jusqu'à quand restez-vous ici ? Je séjourne avec des amis jusqu'à la fin de semaine. Vous pourriez vous joindre à nous boire un verre si vous le souhaitez.

Karen était tombée sous le charme du garçon. Des cheveux noirs mi-long, des yeux noisette qui vous transperce, un sourire sincère, un corps musclé. Ses lunettes carré lui ajoutait un côté intellect qui ne lui déplaisait guère. Il se prénommait Clark. Navré, il dut s'éclipser rapidement après avoir soigneusement donné son numéro de téléphone fixe. En 1994, les téléphones portables n'étaient pas encore récurrents.

L'Académie avait envoyé le sorcier en mission. Un démon semait la terreur depuis plusieurs jours à Venise. Il le chercha durant quatre jours. Un soir, une bière à la main, accoudé à un bar, des cris d'horreurs se propageaient à l'extérieur de l'établissement. Un nuage de fumée noire tourbillonnait. Les parasols et autres mobiliers étaient pris par cette tornade. Clark savait de quoi il s'agissait. Tous avait fuit. Tous le monde sauf cette femme aux yeux émeraude. Karen. Coincée sous un bloc de pierre, il lui était impossible de s'échapper. Le vent souffla de plus en plus fort. La tempête s'approcha de plus en plus prêt de la jeune femme, se matérialisant en poussières qui pénétra par les orifices de la jeune femme. Son regard effrayé changea. La joie l'avait quitté, laissant place à la noirceur. Le démon avait pris possession de son corps. Clark essaya de s'approcher mais d'un geste de la main, Karen l'envoya valser à l'autre bout de la place. Il se releva difficilement et prononça la prière aux sept Saints refuges :

— Seigneur, Père céleste, regarde favorablement tes serviteurs. Par le Précieux Sang de ton Divin Fils, accorde-nous toutes les grâces et tous les dons du Saint-Esprit, pour que nous Te connaissions toujours mieux, que nous T'aimions toujours plus ardemment et te servions encore plus fidèlement. Écarte de tes serviteurs toutes les influences néfastes de l'Esprit-Malin. Je te commande, esprit rejeté par Dieu avec ta suite, de te retirer immédiatement, de détruire et d'écarter tout le venin que tu as répandu sur nous, que tu ne reviennes plus et que tu n'aies plus aucune emprise sur nous. Voyez la Croix du seigneur, fuyez esprits infernaux. Je vous l'ordonne comme enfant de la Sainte Église catholique, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.

Karen fut prise d'une violente convulsion. Le démon s'échappa de son corps et Clark rattrapa cette âme damné avant qu'elle ne s'enfuit. Capturé dans son bocal à démon, il ne risquait plus de semer le mal. Déboussolée, la jeune adulte implosait. Le souffle coupé, il lui était impossible de prononcer une simple syllabe. Clark la rejoignit. Assis à même le sol, il répondit à toutes ses questions. Deux choix s'offraient à elle. Oublier tout ce qu'elle venait de vivre, signifiant la perte de la connaissance de Clark, ou devenir Protectrice et défendre les mortelles de ces attaques. Karen prit quelques minutes de réflexion. Devait-elle dire au revoir à ses futures études de comptabilité, enfermée dans une certaine routine, ou bien aider son prochain à ne pas subir ce qu'elle a pu affronter seulement une heure plus tôt ? Karen n'avait jamais voulu passer sa vie derrière un bureau. Elle le faisait uniquement pour ses parents. Dieu lui laissait alors la chance de changer son destin. Elle accepta, quand bien même son avenir pourrait être périlleux ou dangereux. Karen se sentait en sécurité dans les bras de Clark, c'était tout ce qu'il comptait. Quatre ans plus tard, le jeune homme lui demandait sa main. La lumière était venue éclaircir l'obscurité. Pour la première fois, Clark et Karen étaient retournés sur leur lieu de rencontre. Cherchant désespérément la pierre, le groupe s'était séparé en duos. Le père de Léa, roi de Ociale, avait dissimulé l'artefact pour éviter que toutes personnes mal-intentionnées ne puissent s'accorder un vœu. Un hurlement de loup traversa la ville. Jack. Le couple se précipita vers le cri. Le jeune louveteau était blessé à l'estomac. Gaëtan le tenait par les épaules. Un homme se dressa devant eux, son visage dissimulé par l'obscurité de la nuit. Tenant la précieuse pierre entre ses mains, il était évident qu'ils étaient suivis. Clark dégaina sa baguette, prêt à agir. Fuego, murmura-t-il, lançant le sortilège de feu. Mais l'homme mystérieux répliqua habilement, renvoyant le sort avec une force décuplée. Le feu embrasa le visage de Clark, le faisant tomber instantanément dans l'inconscience. L'homme masqué s'éclipsa dans un nuage de fumée violette, emportant avec lui la pierre tant convoitée.