Kintsugi boy

Chapitre 13

Jude ne supportait déjà plus l'ambiance de la maisonnée. Pourtant, il était arrivé la veille chez les Kobayashi, encadré jalousement par ses parents. Jacob était arrivé un peu plus tôt et avait déjà pris possession de la chambre qui leur était attribuée, à ses frères et lui. Jude avait eu du mal à en sortir, mais Jonas et quelques cousins agréables avait un peu insisté pour qu'il les rejoigne.

Alors il était sorti dans Kyoto la veille du Nouvel An. Dans les rues bondées, agitées d'une foule heureuse, le bras tiré par son Jonas, en train de goûter au mochi que lui tendait son cousin Kyosuke, papotait avec sa cousine Reiko. Il oubliait souvent à quel point il aimait ce pays, sa culture, ses habitants, l'ambiance. Certes, les densités de populations forçaient à se marcher dessus et ça pouvait paraître assez perturbant au départ, mais la politesse était telle que tout se passait sans accroche. Quel changement !

Ils s'étaient posé tous les quatre dans un café moldu, et Reiko avait réservé une table en posant simplement son sac à main dessus. Chose impensable à Londres. Kyosuke et Reiko avait raconté leur frasques universitaires, Jonas avait embrayé sur sa saison de Quidditch, et Jude avait simplement écouté. Il aurait continué, jusqu'à ce que Jonas ouvre sa grande bouche et raconte qu'il s'était fait un ami. Que cet ami était venu les voir. Et qu'il viendrait le chercher après le Nouvel An. Jude lui lança un regard noir, mais cela n'avait jamais marché sur le cadet des Harkwood, qui continua de plus belle. Reiko avait eu l'air ravie, et avait posé plein de questions, tandis que Kyosuke avait gentiment raillé son cousin avec Jonas. Ils avaient continué leur promenade dans le Kyoto sorcier, où Reiko avait ses habitudes et où Jude s'était procuré un alphabet runique japonais. En tombant dessus, il n'avait pu s'empêcher de penser à Morgan plus jeune, traînant dans ce quartier à la recherche de quelque chose de similaire.

Jude avait oublié à quel point il adorait Reiko et Kyosuke. Ils comprenaient. Et c'était tout ce que Jude demandait. Il avait oublié leurs moments de complicité, si nombreux au fil des années, ternis par leur tante commune, Norie, qui passait son temps à lancer piques et des remarques acides censées remettre Jude dans le droit chemin. Heureusement qu'ils étaient là. En rentrant à la grande demeure familiale, Jude sentit son coeur beaucoup plus léger qu'auparavant. Il supportait plus facilement les festivités du soir, les regards noirs de certains et les remarques déplacées. Makoto remit chacun à sa place, à chaque fois, ne manquant pas de se disputer avec sa mère qui ne voulait absolument pas de vagues.

— Et bien, dis aux autres d'arrêter d'insulter ma famille, avait embrayé Makoto.

S'en était ensuivie une longue dispute en cuisine à trois têtes entre Makoto, sa plus vieille soeur, Norie, et leur mère tentant de calmer le jeu. Comme à chaque fois, Jude s'était senti coupable. Malgré les paroles rassurantes de Reiko, il était allé prendre l'air, et n'avait pas voulu être accompagné. Il était encore dans les rues quand le décompte avait commencé, s'était volontairement perdu pour ne pas être retrouvé.

Les mains dans les poches, le nez derrière son écharpe Serdaigle pour se protéger du froid, il commença sans enthousiasme le décompte du Nouvel An, essayant d'oublier le bazar que sa présence avait encore produit chez lui, essayant d'oublier qu'il était sans doute recherché, essayant de s'oublier.

Les feux d'artifices explosèrent. C'est quand il leva les yeux vers le ciel et que sa vision se brouilla qu'il s'aperçut qu'il pleurait.

***

Morgan serra les dents. Il venait de transplaner dans un endroit assez protégé du Kyoto sorcier et devait rejoindre Jude au rendez-vous qu'ils s'éteint fixé dans un endroit qu'ils connaissaient tous les deux. Il adorait le Japon et avait visité la plupart de ses grandes villes, si bien que ça ne posait pas de souci pour lui. Il baragouinait un petit peu la langue, parce que maîtriser la langue actuelle pouvait aider à comprendre le système ancien sur lequel elle était fondée.