Juste deux pauvres veuves

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Hello,hello!A cause ou grâce(à vous de choisir) d'une soudaine bouffée d'inspiration et d'un vaccin qui m'a rendue hémiplégique( heureusement que c'était sur le bras gauche...merde je suis gauchère),je reviens avec un autre texte.

A l'intérieur de son boudoir,Berenilde brodait.Elle semblait calme et majestueuse mais quelqu'un de plus observateur aurait remarqué que ses mains tremblaient et qu'elle jetait nerveusement de furtifs coups d'oeils vers l'horloge.Ce serait bientôt l'heure de sa séance de préparation au grand Opéra de printemps.Quand les soeurs d'Archibald lui avaient proposées de jouer le rôle d'Isolde,elle avait accepté sans hésiter,consciente que ce serait un coup d'éclat,la meilleure manière d'amorcer son retour triomphale à la cour.Mais dés les premières séances d'entraînement,elle avait déchanté.Les arias violents et barbares qui faisaient trembler les fenêtres,les airs scandaleux,les notes criardes,les rapides changements de mesure ne convenaient pas à sa voix de contralto,douce et cristalline,harcelaient ses cordes vocales.Elle n'avait jamais autant bu de tisane au miel que ces jours-ci. Et ses mois de grossesse l'avaient rattrapée,l'accablant de fatigue.Mais elle tentait de garder la face en public,souriant,restant droite et répétant,répétant,répétant ses odieuses partitions qui la faisait s'effondrer et se tenir la gorge dés qu'elle était hors de vue,seule dans son boudoir.Tout à ses pensées,elle se piqua le pouce avec son aiguille.Elle craqua,toute la pression accumulée débordant par ce simple accident.Elle se leva vivement,attrapa sa broderie et la lança loin devant elle.

-Fichue broderie !

Elle suça son pouce,le regard lointain.Elle se donnait en spectacle mais il n'y avait personne.A part Roseline.Roseline qui les premiers jours avaient tournés en rond dans le boudoir,criant au scandale,la contaminant de sa mauvaise humeur.Roseline qui s'était finalement calmée.Roseline qui faisait du très bon thé au miel.Roseline qui jusque là plongée dans un roman,la regardait interloquée.Mais elle ne comptait pas.

-Quelque chose ne va pas ?

-C'est cette fichue,fichue broderie.Je ne peux pas dire ou finit cette ornement en argent et ou commence mon aiguille.dit Berenilde,le pouce toujours dans la bouche.

Roseline regarda d'un air pensif la broderie.La Drogonne s'attendait à ce qu'elle secoue la tête et replonge dans son livre.

-Puis-je ?

Avant que Berenilde n'ait pu répondre,elle avait refermé son livre,s'était avancée et avait soigneusement ramassée l'ouvrage,ce qui surprit la Favorite.La vieille Animiste avait clairement acceptée son rôle de domestique,mais gardait une certaine condescendance,levant les yeux au ciel devant les ordres de la noble et marmonnant quelque fois qu'elle ferait intervenir les Doyennes.Roseline passa délicatement l'aiguille dans l'ouvrage et tira le fil argenté avant de relever les yeux pour croiser le regard ébahi de la belle blonde.

-Je connais quelques petites choses sur les tissus qui brillent,dit-elle comme en manière d'excuse.Puis remontant l'ouvrage vers elle,cette broderie est vraiment magnifique.

La Dragonne fronça les sourcils,encore de mauvaise humeur.

-Je croyais que vous étiez une spécialiste du papier pas de l'étoffe,prononça Berenilde d'une voix faussement grandiloquente.Lors de leur premier repas,Thorn lui avait rapportée tout ce qui avait été dit et fait pour la mettre au parfum et la renseigner sur la personnalité des deux Animistes.Pourquoi m'aidez-vous ?

Roseline se renfrogna.Berenilde ressentit alors une sorte de culpabilité inhabituelle.

-Pourquoi ne devrais-je pas vous aider ?

-Je ne sais pas.Elle observa les mains de Roseline manoeuvrer habilement l'aiguille,attendant qu'elle lui serve un de ses fameux jurons animistes.Mais elle continua à coudre.C'est juste que vous me semblez trop quelconque pour broder.Seule la haute société sait coudre au Pôle,dit Berenilde avec arrogance.

-Nom d'une épingle à nourrice.Vous et votre haute société,cracha t-elle.Vos principes sont aussi crasseux qu'un pot de chambre.Heureusement que ce n'est pas comme ça dans toutes les arches.

-Ecoutez,je ne suis pas tout à fait stupide,madame.Notre monde est malpropre,je le conçois mais c'est le seul que nous connaissons.Nous essayons seulement de survivre.Qui êtes-vous pour juger,vous qui avez vécu toute votre vie dans une jolie petite vallée et avez un métier,une famille et un mari ?dit-elle sarcastique.

-Je suis veuve.Je n'ai jamais eu d'enfant.Mon père est mort quand j'était enfant.Je ne me souviens plus de lui.Ma mère n'a jamais voulu se remarier alors nous étions pauvres toute notre vie,Sophie et moi.Nous vivions dans la charité.

Berenilde détourna les yeux et se mordit la lèvre.

-Je ne savais,murmura-t-elle,sincèrement désolée.

-Si je me domine,me retiens et m'inquiète de notre position,j'aimerais préciser que ce n'est pas pour moi mais par souci pour Ophélie.Je n'ai jamais voyagé...S'il devait lui arriver quelque chose...La responsabilité tomberait sur moi...C'est une pression incroyable,elle qui est si maladroite...Sophie tenait à ce que je lui apporte des nouvelles chaque semaine...Je me demande ce qu'elle pense.

La voix de celle qu'elle prenait pour une hautaine s'éteignit et ses doigts cessèrent de s'activer à coudre la broderie.

-Je...je comprends.L'avenir de Thorn est très important pour moi.Notre honneur...notre futur tout repose sur mes épaules.Odin sait ce qui serait arriver à ce garçon si je n'avais pas été là,avoua la Dragonne,lâchant un rire nerveux.

Roseline releva la tête vers elle.Berenilde fut surprise de la voir sourire découvrant sa dentition de cheval et de la voir la regarder avec des yeux brillants.

-Alors nous sommes d'accord.Nous ne sommes que deux pauvres qui font ce qu'il faut avoir que les personnes qui leur sont chères ait un avenir meilleur ?demanda Roseline

-Un avenir resplendissant,dit-elle en retrouvant le sourire.C'est d'accord.

-Bien,s'écria Roseline en se raclant la gorge,essayant de retrouver un peu de sa rudesse habituelle.Fini,lui dit-elle en lui tendant la broderie.

Berenilde la reprit et la posa sur ses genoux,souriant de plus belle.

-Merci de me faire confiance.Et de laisser nos deux fiancés en paix.

-Attention,déclara l'Animiste,ne perdant pas de vue son rôle de chaperon,ils peuvent s'entraider mais juste pro-fe-ssio-ne-lle-ment et en ma présence.

Berenilde ricana.

-Ne vous inquiétez pas,Thorn est toujours débordé.La vertu de votre filleule est en sécurité.

-Je ne m'inquiète pas pour sa vertu,rit narquoisement Roseline.Cette gamine est plus prude qu'un paravent.

Cette phrase prononcée,l'Animiste retourna à son livre.Berenilde la fixa un moment puis observa les points de couture nets sur sa broderie.La pendule annonça l'heure de la session d'opéra mais elle ne sursauta pas,empreinte d'un grand calme surnaturel dont elle ne connaissait pas la cause.Roseline  mit la bouilloire à chauffer,lui adressa un clin d'oeil et c'est à cet instant qu'elle comprtit.Peu importe la pression,les trahisons,les coups bas,elle n'était plus seule.Elle avait trouvé quelqu'un qui ne la jugeait sur ce qu'elle paraissait être mais ce qu'elle était.Une personne en qui elle pouvait avoir confiance.A qui elle pouvait confier ses joies et ses inquiétudes.Une personne qui s'assurerait comme elle que Thorn et Ophélie aient l'avenir qu'il mérite.Une alliée.Une amie.Roseline.

Pans de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant