2°Un réveil inattendu°

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Río de Janeiro, 08 décembre 2022, 16 h 15

Le son de l'électrocardiographe accompagnait les battements du cœur de Nanda : lents et réguliers. À cet instant-là, son souffle l'était aussi. Un masque à oxygène recouvrait sa bouche et son nez, apportant de l'air pur à ses poumons. Lentement, l'adolescente ouvrit ses paupières sur le plafond. Ses yeux noisette mirent quelque temps pour s'adapter à cette soudaine luminosité. Puis, lorsque sa vision fut plus distincte, elle entreprit de fouiller du regard, la pièce dans laquelle elle se trouvait.

La jeune fille espérait y reconnaître sa chambre. Être entourée de son papier peint rose poudré parsemé de papillons multicolores. Voir son immense armoire en chêne blanc. Être éclairée par sa veilleuse en forme de lapin blanc aux oreilles et au nez roses. Sentir la chaleur de ses peluches ou même encore son chiot couché près d'elle. À chaque fois qu'elle s'endormait dans la chambre de son frère, son père venait la transporter jusqu'à la sienne sans qu'elle ne s'en aperçoive. Cependant, loin du confort de sa demeure, c'est l'austérité d'une chambre d'hôpital qu'elle découvrit.

Un sentiment de peur et de désarroi s'empara aussitôt d'elle. Nanda n'avait pas besoin des bips inconstants de l'appareil pour savoir que son cœur battait à cent à l'heure. Que faisait-elle dans cet endroit ? Était-elle malade ? Si oui, depuis quand ? La jeune fille se souvenait pourtant de s'être endormie la veille en parfaite santé. Alors pourquoi se retrouvait-elle allongée sur ce lit et non dans le sien ?

Prise de panique, Nanda porta sa main à son visage. Elle retira le masque à oxygène qui lui semblait désormais l'asphyxier puis maladroitement, tenta de se redresser. Instantanément, elle ressentit une vive douleur dans tous les muscles de son corps, l'obligeant vite à s'adosser. Cette soudaine atonie amplifia davantage son angoisse.

Pourquoi avait-elle si mal ? Pourquoi se sentait-elle si faible, si raide ? Mais surtout, pourquoi était-elle toute seule ?

Auprès d’elle, l’adolescente n’apercevait aucun des membres de sa famille. Elle ne voyait ni ses parents, ni sa nounou, ni son frère, ni sa cousine. Il n'y avait personne pour l'orienter, personne pour la réconforter...

Alors qu'elle tenta une nouvelle fois de se relever, Nanda entendit la porte s'ouvrir. En regardant en direction de celle-ci, elle croisa le regard d'une infirmière. Ébahie, la femme d'une quarantaine d'années environ manqua de renverser le plateau qu'elle tenait lorsqu'elle porta sa main jusqu'à sa bouche. Tremblante, elle s'exclama de stupeur avant de s'en aller en courant. Cette réaction ne rassura guère la jeune fille qu'une seule idée obnubilait à présent : s'évader. Elle voulait quitter ce lieu impersonnel au plus tôt. Et le dépaysement qu'elle y ressentait ne l'encourageait pas à y rester.

Premièrement, Nanda ôta donc l'oxymètre accroché à son doigt. Ensuite, elle se débarrassa des câbles qui l'encombraient en arrachant les électrodes fixées à son torse. Puis, tout doucement, elle retira le sparadrap et l'aiguille enfoncée sous sa peau en grimaçant. Un filet de sang ruissela sur son avant-bras. La jeune fille y pressa alors le bout de sa robe de chambre un moment. Une fois l'hémorragie arrêtée, l'adolescente découvrit complètement ses jambes. Et, une à une, elle sortit péniblement ses membres ankylosés du lit. Au moment où, pour la première fois, ses orteils effleurèrent le sol froid et carrelé, Nanda hoqueta. Des yeux, elle chercha une paire de chaussures près de son lit. Mais à son grand étonnement, il n'y en avait aucune. Faisant abstraction de ce détail, elle agrippa la perche sur laquelle était encore suspendue sa perfusion vide, et s'en aida pour se lever.

Aussitôt debout, la jeune fille faillie s’écrouler. Les jambes flageolantes, elle dut faire plus d’effort qu’elle ne l’aurait cru pour garder un certain équilibre. Et quand elle essaya de marcher, elle se rendit vite compte que l’exercice lui était encore plus difficile. Nanda n’avait réussi à faire que trois petits pas quand la porte s'ouvrit de nouveau sur l'infirmière. Cette fois, cette dernière n'arriva pas seule. Elle était accompagnée d'un homme bien plus âgé en blouse blanche et portant un stéthoscope autour du cou.

Lorsqu'il la vit, lui aussi afficha la même expression de stupeur que l'infirmière plutôt. À leur suite, deux hommes plus jeunes en combinaison verte entrèrent également. L'adolescente les observait avec méfiance tandis qu'ils l'entouraient. L'infirmier qui avait réussi à se mettre derrière elle, la saisit par la taille. L'autre lui prit des mains l'objet qu'elle tenait. Nanda se débâtit de toutes ses maigres forces, mais ne put empêcher les infirmiers de la réinstaller sur son lit. Ils essayaient de l'immobiliser dessus tandis qu’elle continuait de gigoter. Elle aurait aussi voulu leur demander de la laisser tranquille. Mais la bouche pâteuse et engourdie, elle ne parvenait à émettre que des geignements à peine audibles.

— Elle est trop agitée, annonça le médecin en faisant un signe de la tête à l'infirmière qui se tenait derrière lui.

Près du lit de l'adolescente, se trouvait une commode. L'infirmière acquiesça avant de se courber pour fouiller dans l'un des tiroirs. Le médecin quant à lui s'adressa à sa patiente sur le ton le plus rassurant que pouvait lui permettre sa voix rocailleuse.

— Nanda, je suis le Docteur Camargo. Vous êtes à l'hôpital Boa Esperança. Nous ne vous voulons aucun mal...

La jeune fille aurait voulu le croire. Mais derrière lui, elle pouvait apercevoir l'infirmière préparant une injection. Nanda tira alors plus fort sur ses membres sans réussir à se libérer de l'emprise des infirmiers.

— Cela vous aidera à vous calmer, ajouta le Docteur Camargo avant que l’aiguille ne lui transperçât l’épaule.

En quelques secondes, le produit commença à faire effet. Petit à petit, l'adolescente sentait son énergie se dissiper sans que sa peur ne disparût. Lorsqu’elle ne fut plus capable de bouger, les deux infirmiers la lâchèrent enfin. Alors que sa vision se floutait, Nanda regarda tour à tour chacun des membres de l’équipe médicale. Elle ne les avait jamais vu auparavant pourtant, tous la fixaient avec curiosité, tous l’effrayaient...

Une larme de désespoir perlait sur ses joues quand soudain, elle l'aperçu juste en face d'elle. Il était planté derrière la grande vitre qui donnait sur le couloir désert. Son pull à capuche noir lui couvrait une partie du visage, ainsi, elle ne put distinguer clairement son visage. Toutefois, elle ignorait pourquoi il lui semblait familier. L'inconnu posa une main sur la glace qui les séparait et l'observa avec une certaine mélancolie. Étrangement, il provoqua en elle des sentiments contradictoires. Un curieux mélange de paix, d'euphorie, mais également de nervosité. Le temps d'un battement de cils, il avait disparu. Et avec lui, une partie de son angoisse avant qu'elle ne s'assoupit...

A Deep Dreamless SleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant