Nous

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- Mec, j'suis mal.
- Euh, il s'est passé quoi ? me demande Marco.
- Je me suis fait engueuler sale par mes parents hier soir...
- Aïe, grimace t-il dans une bouffée de fumée. T'en veux ?
- Nan, c'est pas ça qui va régler mes problèmes, dis je en m'énervant un peu. Et puis tu devrais lâcher ça gros, ça va mal se finir pour toi !

Pour toute réponse, il me souffle au visage, ce qui me fait tousser. Il éclate de rire, puis tirant à nouveau sur sa cigarette, il me dit :

- Fragile. Bon, sinon, c'est quoi ton problème ?
- Ça fait la quatrième note en dessous de la moyenne que je leur ramène, dis je en grimaçant. Ils m'ont dit que si j'ai pas mon brevet avec mention, ils m'enlèvent mon portable et me mettent en internat... Et tu connais mes parents, ils en sont capables.

C'est à son tour de s'étouffer. Puis, se ressaisissant, il crie presque :

- Avec mention ?! Alors que déjà si tu l'as c'est un miracle ???
- Ça va, je suis pas exécrable non plus...
- P'tetre avant, oui, quand t'avais 15 de moyenne, mais cette année t'as à peine 10,5 gros ! Mention c'est à 12 minimum !
- Je sais, mec, j'suis mal... Mais j'ai encore le temps, non ?
- Euh, le brevet c'est pas dans un mois ?
- ... Putain.

_

- En même temps c'est quoi ces cours de merde, là !
- Calme toi, chuchote Marco. Le prof nous regarde depuis tout à l'heure.
- Rien à battre de lui. Qu'il aille se faire foutre. Connard.
- Pas faux.
- Connard !

Soudain, toute la classe se tait. J'ai peut être parlé UN PEU fort.
Les intellos du premier rang me lancent des regards de pimbêches exaspérées - qu'elles rejoignent le prof pour aller se faire foutre collectivement celles là - et Ellie se contente de lever les yeux au ciel. Le prof, quant à lui, dit simplement :

- Sana, aurais-tu l'obligeance de t'asseoir à côté de Marco ? Notre Sasha aura donc le plaisir de venir s'asseoir au premier rang.

Ces derniers mots me font l'effet d'un poing dans le ventre... Qui disparaît vite quand je me rends compte de ma place.

Ma partenaire de table n'est autre que Ellie.

Cette dernière lève immédiatement les yeux au ciel, ce que je peux comprendre. Après mon installation contre le mur, elle me demande :

- Tu sais que les cours, c'est pour étudier ? Tu voudrais pas au moins essayer, une fois ?

Sa voix me fait l'effet d'un bain chaud dans tout mon corps ; j'ai l'impression de me liquéfier de bien être. Mais j'essaie de ne rien laisser paraître, et prenant la voix la plus détendue et détachée possible, je lâche :

- C'est ce que j'ai toujours fait, faut pas croire. C'est juste cette année, c'est trop dur.
- Tu n'essaies pas, c'est tout.
- J'y arrive pas, c'est tout.
- Roooh, mais t'es insupportable tu sais ! (Elle est beaucoup trop adorable quand elle s'énerve... Mon dieu, je fonds.) Qu'est ce que tu n'arrives pas ?
- Apprendre. Le français, ça va, mais les maths, les sciences, l'histoire, c'est mort.

Ellie redresse son bandeau, lisse sa jupe avec le plat de sa main, un air adorablement renfrogné au visage. Puis elle se penche vers moi, si près que je peux sentir son délicieux parfum, et me chuchote :

- Demain, 14h, à la bibliothèque. Tu vas voir comment tu vas le réussir, le contrôle de maths d'après demain.

Et sur ce, elle se remet à travailler. Je dois avoir un air profondément idiot tant je suis bouche bée.

J'ai rendez-vous avec Ellie.

J'ai. Rendez-vous. Avec. Ellie.

AAAAAAAAAAAAAAAAH !!! J'AI RENDEZ-VOUS AVEC ELLIE !!!

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- Rendez-vous avec Ellie ???
- Ouais...
- Mais quoi ??? Avec cette lèche-cul ?
- Ça va, Marco, elle est pas si terrible. Elle est même plutôt sympa, en fait. Mais c'est surtout pour mes notes ! Oublie pas, mec, pas de mention et c'est l'internat !
- Ouais... Bon... J'comprends... Mais bon, ça saoule, on pourra moins sortir !
- Déso...

_

- Rendez-vous avec Ellie ??? s'étouffe presque Alex.
- Cette pétasse ???
- Ça va, calme toi Jess, dis je en me retenant de m'énerver. C'est juste pour les cours. Et puis, elle est plutôt sympa.
- Ah ouais tu nous délaisses en fait ! lâche Denise au bord des larmes.
- C'est juste pour les cours on t'a dit ! répète Marco en lui donnant une petite tape.

J'entends Denise marmonner "mais même putain" avant de se sortir une clope.

- Bonne idée, lance Lina avant d'en sortir une elle aussi.
- Sérieusement, les mecs ? lâche Jessica. Vous m'écœurez.
- Ta gueule toi, c'est la seule chose qui détend, répond Lina. Tu fumes pas toi ?
- Bah non, répond Alex à sa place. C'est dégueu de se galoche sinon.

Sur ces paroles, il embrasse langoureusement Jessica. Lina mime de vomir ; même si elle est habituée, elle ne s'est toujours pas faite à l'idée qu'ils soient en couple. Ça fait 7 mois quand même.

- Bon, vous voulez vraiment pourrir ici ou on bouge ? lance Marco.

_

- Oh, tu te dépêches Miss Monde ? hurle Marco à ma fenêtre.

Miss Monde, c'est le surnom qu'il a fini par me donner chaque fois que je traîne le matin pour vérifier ma tenue. Et aujourd'hui, je veux tellement que ce soit parfait que je traîne encore plus.

- Ouais ouais, j'arrive !

Je jette un dernier œil au miroir : mon jean, mon t-shirt, ma ceinture, ma veste, ma bague, tout est ok. Je passe une dernière fois ma main dans mes cheveux bruns courts sans déplacer mon bandana, puis je sors.

- Ça va, c'était pas si long !
- Je croyais que tu mettais ton réveil plus tôt maintenant.

Je baisse la tête. Si si, je l'ai mis plus tôt, mais je voulais être au top pour... pfff. Pour Ellie, bien sûr.

- J'ai oublié, je réponds en haussant les epaules.

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- Ah bah enfin, me lance t-elle simplement en ajustant son serre-tête.
- J'pensais pas qu'une bibliothèque, c'était si grand.
- Et moi je pensais que tu ne savais pas à quoi ça ressemblait.

Je lâche un demi sourire. J'adore sa répartie ! Je ne peux pas me lasser d'un cours, pour la simple raison qu'elle est là. Elle est intelligente, elle a de la repartie, elle est belle, elle est mignonne, elle est adorable, en bref, elle est parfaite ! C'est pour ça que je... que je... que je l... que je l'apprécie.

- Ça va, j'suis pas trop en retard !
- Ouais ! Dix minutes...

Bien sûr, que j'étais là à temps. Et même en avance. Mais je n'allais quand même pas être à l'heure ! Elle aurait compris l'importance que j'y attache.

Est ce que je me pose trop de questions ? Oui.

- Bon, on commence par quoi ?

Elle avait dit ça de façon douce mais déterminée, puis m'a fixée dans les yeux. Pour la première fois, j'ai tenu le coup et je ne laisse rien paraître ; loin de là, je la fixe à mon tour et avec air particulièrement à l'aise et un sourire légèrement tendancieux, je lui dis :

- Comme tu veux.

Cette fois, elle baisse la tête en rougissant un peu.

La véritable raison de ma venue a malgré moi reprit le dessus.

SashaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant