~Icebay~

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Alors qu'il revenait de Jàvic, Konraad, à sa troisième année de pouvoir, avait rejoint très rapidement sa femme, Sadb,-une femme du Sud-, acculée par une fin de grossesse difficile. Le comte n'avait pu assister à celle-ci que par des cadeaux envoyés de la capitale, notamment de nombreux vêtements très coûteux, trop occupé par son nouveau poste de Maître des Offices à la cour du Roi lui-même. Son domaine Icebay, en Été, était une très belle ville, et, Konraad avait toujours aimé s'y balader de nombreuses heures, parlant à ses sujets comme à ses compagnons, décidant finalement de réunir ces derniers autour d'un grand banquet au Château de Verre, le modeste palais du comte.
Pleinement occupé à la préparation de l'orgie, et cela avec son Sacellaire Alek, râlant encore de la tâche ingrate qu'avait été de converser avec les rustres cuisiniers , Konraad avait volontiers payé le prix difficile, en vue de la stabilité économique du comté, pour pouvoir détendre un peu ses sujets.
Le soir venu, et cela réuni au sous-sol du Château, sous-sol duquel pendait les racines des arbres millénaires du-dessus, suffisamment coriaces pour survivre au froid pétulant des contrées au Nord du Monde Connu, apportant une ombre émaillée et un parfum tout comme celui d'en haut, les nombreux convives, jugés plus aux moins importants, s'étaient réunis autour d'une gigantesque table, sur lequel étaient présentés de nombreux mets préparés, avec principalement un cochon entier entouré de petits champignons. Le convive le plus bruyant, le Baron Alban, exposait déjà sa culture, avant même que l'hôte ne soit présent ;

« -Cela fait pourtant des années que j'écoute les préceptes des Dieux Supérieurs, et cela ne m'a jamais causé de problèmes !
Alban était véhément, d'autant plus qu'il n'aimait pas parler à des personnes si cyniques : la croyance avait pris une place importante dans sa vie.
-La prière est absurde, vous rendez vous compte de ce que vous dîtes ? »
Doté de bien moins d'érudition et d'années de vies qu'Alban Sarcel, Paxtan van Leyde n'était qu'un jeune bâtard, ayant reprit le nom mais pas les terres de feux son père, servant d'écuyer au maître des lieux. Maître des lieux qui ne tarda pas à arriver pour clore le débat, involontairement, en s'installant silencieusement à la table. D'un sérieux irréprochable, le visage blasé d'un vieux seigneur,-et ceci alors qu'il était bien plus jeune que ses vassaux-, il ordonna d'un geste de main que l'on s'empresse à manger. Il avait pris du retard en restant au chevet de sa femme, qui avait des douleurs abdominales : elle vivait une grossesse difficile, et, malgré ses nombreuses absences, chacune des interventions de Konraad volait à Sabd un sourire, et chacun de ses baisers soutenaient un peu plus l'amour qu'il faisait preuve envers elle, et réciproquement. Ayant chargé Gjon, le Chapelain, de rester près d'elle au cas où ce serait « le jour », comme il le disait, Konraad avait réussi à se vider les idées en même temps qu'il remplissait son premier gobelet de claret. Alban Sarcel avait continué à discuter,-vivement-, avec Paxtan, porté par l'alcool coulant à flot et l'ambiance fêtarde construit autour de la viande et du vin, tandis que Konraad recherchait parmi les invités son Protostator, maître martial de son conseil, pour le défier en duel. Là était l'une des particularités de Konraad, qui, héritant des origines pillardes des « rois des mers du nord » qu'impliquait son nom, van Lloyd, était férus de combat et de défis martiaux impressionnants, et, puisque comte depuis peu, il n'avait jamais eu l'occasion d'affronter le membre de son conseil. De loin, il repéra ce dernier, entrain de séduire une courtisane, Myna Sarcel, la femme d'Alban Sarcel, en lui resservant des doses conséquentes d'alcool : « cela raffermissait la chair, et permettait à la femme de s'ouvrir. » Konraad vint le couper en pleine phrase, et, malgré sa grande colère, le Protostator savait se contrôler et respecta la hiérarchie avec un sérieux rare chez les hommes du Nord ;

« -Bourgmestre Endrit, je ne crois ne vous avoir jamais défié, fit le comte, je pense qu'il est largement le temps.
-Cher Comte, je ne pense pas être au niveau pour vous affronter, je ne le crains. »
Il avait répondu rapidement, se doutant du danger qu'était d'affronter un tel homme : puisque le comte était un grand personnage, robuste et attirant, libérant généralement ses muscles saillants à l'air libre, à la manière des « rois des mers », et, bien que loin d'être lâche, Endrit ne se risquerait jamais à affronter un monstre de deux fois sa taille. Konraad se contenta d'un hochement de tête compréhensif, et laissa le bourgmestre vaquer à ses occupations impures ; et, puisque Endrit avait une réputation d'homme cruel et que la morale qui poussait Konraad à être comme il l'était répugnait ce genre d'hommes, il garda un œil sérieux sur le lubrique.

IcebayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant