~Mylda Erenham~

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Mylda errait encore dans les couloirs chauds de l'aile droite du Bastion de Taveil, bastion millénaire de la famille Erenham. Les brillants architectes gros-montais avaient réussi à attiédir les différents couloirs en captant les sources chaudes du sol, et en parvenant à organiser les couloirs vers la côte sud. Ainsi, chaque pierre posée de Taveil était imprégnée de la chaleur d'un lit douillet. Cela était particulièrement appréciée par Mylda, qui du haut de ses dix sept années, savait encore apprécier chaque petit plaisir de la vie, que ça soit les étuves des murs ou les ferveurs des garçons. Elle en croisait par ailleurs un, un écuyer, bâtard de son oncle le seigneur de Gros-Mont, Alaman «Bâtard Notre Fils », comme le surnommait la cour entière, Erenham. Le garçon était chétif, comme son père, et malgré seize années de vie, semblait peiner à s'y déplacer sans soucis. Gauche, il portait son épée difficilement, la traînant derrière lui comme un vulgaire balais. A la vue d'un tel manque de respect pour un objet si important pour Mylda, elle souffla discrètement. Lorsque le bâtard la remarqua enfin, à l'autre bout du corridor, il concentra toutes ses forces pour jouer de son épée, prétentieux, et put la porter correctement durant 5 secondes, avant de la ranger à nouveau dans son fourreau. Conquête amoureuse maladroite, de la part du fils du seigneur de ses lieux, que la vie ne semblait avoir gâté que physiquement, tant son intellect était limité. Mais il était beau de visage, un nez plastiquement parfait, un visage à peine asymétrique, pour le pur et doux plaisir des yeux, un regard aussi vivace qu'éclatant d'un bleu clair. Il ne restait que son corps malingre à plaindre. Il accorda à Mylda un regard séducteur, affichant son plus beau sourire.
« -Oh, Lady Erenham. Je ne vous avais pas vu...
-Certes. »
Mylda avait répondu sèchement. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait des avances, ce débauché, et elle n'allait pas succomber à un tel minable. Seul un vrai guerrier fougueux pourrait plaire à Mylda, c'était sûr. Bien qu'un soir avec le beau visage d'Alaman ne pourrait pas faire de mal. Enfin, elle oublia ces idées lubriques pour se concentrer sur l'important, continuant après une longue pause instaurant une légère gêne :
« -Votre père m'a appelée.
-Oui, milles excuses lady... »
Fit-il en lui laissant le chemin, non sans faire une petite révérence. Mylda lui accorda un regard satisfait, avant de disparaître derrière les âtres de bout de couloir.

Elle atteignit alors une pièce anxiogène ; il n'y avait qu'un lit double, à baldaquins, et pleins d'abreuvoirs originellement pour les chevaux aux alentours. Autour du lit se pressaient une dizaine de bonnes âmes : Les docteurs de Taveil. Mylda exhala un léger soupir effrayé. Décidément, la situation de son oncle Ottbert ne s'arrangeait pas. Il était attaché au lit par deux bracelets de métal lourd, qui donnaient sur les fines colonnes extérieures du lit à baldaquin, le ton pâle comme un homme du nord, et la respiration si difficile et bruyante qu'elle couvrait les bruits des médecins qui se boutaient à droite et à gauche de la grande pièce. L'homme au centre de la pièce, connu comme ''Le cracheur de bâtard'',-à l'exact opposé de feu son père ''Le cracheur de feu''-, semblait suffoquer. Son visage, naguère beau et doux dont les joues éclataient incandescence, semblait déformé par une douleur constante, et les yeux, qui paraissaient révulsés, voulaient regarder partout dans la pièce à la fois, ajoutant de l'inquiétude à leur saveur déjà si anxiogène. Son battement tout aussi irrégulier que ses gémissements de douleur offraient, avec les dialogues inquiets des docteurs autour, un étrange bagage sonore à la pièce. Mylda peina à faire un premier pas, pas réellement accueillie sous les meilleurs auspices. Après s'être soufflé « Bonne chance » pour elle même, elle alla sur le flanc du lit, donc les draps rouges ajoutaient à la violence discrète de la scène. Le regard hégémonique du dirigeant sembla faire taire les docteurs autour, le temps de la discussion, et sa voix fit même disparaître les quelques bavardages persistant encore. Malgré l'âge, malgré la mort qui vivait en lui comme son âme elle-même, Ottbert Erenham avait une voix puissante de stentor ;
« -Mylda... Ma Mylda...
-Oui mon oncle ?, répondait doucement Mylda l'œil embué et la voix enrouée, Que puis je fais pour vous mon oncle ?

IcebayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant