12. Un passé qui ne passe pas

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« M. Park ? »

Yoongi sursauta. Il ne savait pas depuis combien de temps Jimin et lui attendaient. En considérant le plus jeune endormi contre son épaule, il déduisit que cela se résumait à un bon bout de temps.

Il secoua doucement l'épaule du jeune homme pour le réveiller.

« Jimin. » appela-t-il à voix basse.

L'interpellé ouvrit de petits yeux emplis de sommeil et marmonna quelques mots incompréhensibles.

« Nous allons pouvoir procéder à la radio. »

Entendant la voix rauque du médecin, Yoongi se tourna vers lui.

« Enfin. » dit-il un peu sèchement. Le médecin demeura silencieux. Jimin se leva et s'étira. Yoongi fit de même et tous deux amorcèrent un mouvement vers le médecin. Ce dernier se râcla la gorge.

« Seul Park Jimin peut venir. Les accompagnateurs sont priés de rester dans la salle d'attente. »

Yoongi pesta et se rassis.

« À tout à l'heure hyung. » le salua Jimin en souriant.

Le plus vieux lui renvoya son signe de main et, une fois le duo disparu au détour d'un couloir, son visage se ferma.

Il laissa son esprit flotter dans le lac de ses pensées.

Il songea d'abord à Jimin, ce pauvre gosse malchanceux.

Il était la preuve même de la stupidité de l'Homme. C'était un garçon gentil, poli, mignon. Yoongi savait que c'était quelqu'un de bien. Pourquoi les autres ne le voyaient-ils pas ? Si même sa propre famille était incapable de voir tout le bon en lui, comment pouvait-il s'en sortir ?

Sa famille.

Il sentit les souvenirs remonter.

« Non Yoongi, ça ne sert à rien. Refoule... » pensa-t-il.

Mais malgré lui, l'eau trouble de son passé le submergea. Il s'y noya lentement.

* * *

Séoul, 24 décembre 2015, 22h40

« COMMENT AS-TU PU DIRE UNE CHOSE PAREILLE DEVANT TOUT LE MONDE ? »

Cela faisait environ une demi-heure que Monsieur Min criait. Sa femme ne pipait mot et son fils, assis à l'arrière, laissait ses larmes fuir silencieusement.

« Non mais tu te rends compte Yoongi ? Annoncer une chose pareille devant toute la famille ! QUELLE HONTE TU ES ! »

Il s'en rendait compte, oui. Il avait agi de manière inconsidérée.

Séoul, 24 décembre, Quelques heures plus tôt

Yoongi et ses parents avaient fêté le réveillon de Noël chez les Min. Toute la famille était présente et la soirée se déroulait agréablement bien. Une fois le repas terminé, tous s'étaient rassemblés au salon pour faire un jeu de société. L'ambiance était chaleureuse et conviviale. Le feu crépitait doucement et les rires fusaient. C'était un tableau digne d'une publicité, un tableau parfait. Trop parfait.

Yoongi s'était senti très à l'aise et avait pris la décision, inconsciente, d'annoncer son homosexualité tout en déposant sereinement sa carte sur la table lors d'une partie de tarot.

Le silence qui suivit fut assourdissant. Même les crépitements du feu semblaient s'être tus. Soudain, son grand-père avait ris. Nerveux, tout le monde l'avait suivi.

« Tu as beaucoup d'humour mon garçon, lui dit-il.

–Mais je ne rigole pas..., répondit Yoongi, un peu apeuré.

–Nous t'avons démasqué, tu peux arrêter, lui dit sa cousine, toujours en rigolant.

–Je dis la vérité.

–Les blagues les plus courtes sont les meilleures mon garçon, répondit sèchement son grand père.

–Je ne rigole pas ! s'exclama Yoongi. »

Plus personne ne dit mot. L'air était électrique et la tension semblait palpable. Yoongi sentit qu'il venait de franchir une limite et qu'il n'en sortirait pas indemne.

« Sortez-le de chez moi. » dit soudain son grand père d'un ton glacial.

Personne ne bougea. Tous semblaient pétrifiés. Quant à Yoongi, il tentait tant bien que mal de reprendre le contrôle de sa respiration devenue difficile et de se convaincre qu'il avait mal entendu.

« Sortez-le de ma maison ! » hurla son grand père en tapant du poing sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel il était assis.

Le chaos commença. Tout le monde parlait en même temps. Ses parents s'étaient levés et tentaient tant bien que mal de soutenir la thèse de la mauvaise blague. Les cousins de Yoongi le fixaient avec mépris et le regard de sa grand-mère semblait teinté d'une certaine compassion. Yoongi, lui, ne bougeait plus. C'était comme s'il avait perdu le contrôle de ses membres, que ces derniers souhaitaient rester inertes pour le restant de ses jours. Il avait la bouche sèche, ses yeux le brûlaient et sa nuque lui semblait d'une raideur anormale.

Sa tête commençait à tourner quand il sentit une main lui attraper le bras pour l'entraîner vers la sortie. C'était sa mère qui, le regard plein de reproches, lui demanda d'un ton neutre de mettre ses chaussures et son manteau tandis que son père cherchait les clés de la voiture. La tête haute, ils quittèrent tous les trois la maison.

Séoul, 24 décembre, 22h50

Il avait foiré. Complètement foiré. Ses paroles seraient lourdes de conséquences et il en avait conscience à présent. Il venait sûrement de diviser sa famille et de signer son propre exil.

Pourtant, sur le moment, il avait été persuadé que tout se passerait bien. Il avait totalement surestimé le niveau de tolérance de ses proches.

« Pourquoi ? » pensa-t-il « Pourquoi une réaction si violente et disproportionnée... Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? ».

Ses parents continuaient de crier. Ils lui lançaient les reproches comme des coups. L'expression de leur profonde déception l'atteignait comme une gifle. Il ne savait pas quoi dire alors il laissait les larmes exécuter leur course sur ses joues. Il avait l'impression que tout venait de s'écrouler et ce par sa faute. Soudain, son père se tourna vers lui et hurla :

« Mais parle bordel de merde Yoongi, parle ! »

Ce ne furent que quelques mots, quelques petites secondes qu'il n'avait pas passé à se concentrer sur sa conduite. Mais quelques secondes sur une route enneigée en pleine nuit, c'est quelques secondes de trop.

La voiture qui traversait le croisement devant eux contenait une famille. Un père, une mère et deux petits garçons de 6 et 10 ans. Mais ça, Yoongi ne l'appris qu'après. Sur le moment, tout ce qu'il vit, ce fut un véhicule sur lequel ils fonçaient.

Ce fut là le point de non-retour de sa vie. Cet impact qui tuerait sa mère et rendrait son père tétraplégique. Cette collision qui tuerait un petit garçon de 6 ans et un papa innocent. Ce choc dont il sortirait presque indemne alors qu'il l'avait provoqué.

Ce soir-là, et à cause de lui, une femme avait perdu son mari et son fils.

Cette nuit-là, et par sa faute, un petit garçon avait perdu son frère et son père.

En cette nuit de réveillon de Noël, au milieu des guirlandes lumineuses, il venait de briser leurs vies.

Tandis que la neige se teintait lentement de rouge, Yoongi leva les yeux vers les étoiles et, alors que les larmes dévalaient une nouvelle fois ses joues, il fit le vœu de mourir.


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Ouah je suis grave grave en retard et en plus le chapitre est court + nul je suis désolée :(

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⏰ Dernière mise à jour : May 13, 2019 ⏰

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