Amnesia. La geste d'Arthur Montnoir, livre 1 [terminée]

39. Alliance

     L'entraînement que le Prince Noir infligeait quotidiennement à Arthur n’avait pas grand-chose à voir avec celui des Aspignan. Et le jeune homme n’avait pas le moindre doute sur celui qu’il préférait.

L'elfe lui enseignait toutes sortes de méthodes pour combattre, y compris les plus déloyales. Il lui demandait aussi régulièrement de faire d'interminables exercices d'assouplissement ou d'endurance. Arthur était persuadé qu'il s'épuisait chaque jour davantage et n'avait pas du tout l'impression de faire des progrès. Il se demandait souvent si Tassilon n'était tout simplement pas sadique… Ses méthodes pédagogiques – qui consistaient essentiellement à taper sur son élève – étaient en tous cas encore plus déplorables que celles de Robert.

— Athanasios savait-il donc si bien se battre ? demanda un jour le jeune homme en se relevant douloureusement après avoir une fois de plus mordu la poussière. Je n'en suis pas si sûr. Lorsque je me suis réveillé avec ma mémoire effacée, je n'étais pas particulièrement musclé. J'aurais dû l'être s'il avait suivi tes épouvantables séances de torture.

Tassilon haussa les épaules.

— Je ne t'avais jamais vu te battre autrement qu'avec tes pouvoirs. Tu avais toujours refusé de t'entraîner avec moi, malgré mes demandes réitérées.

Arthur ouvrit la bouche, indigné.

— Quoi ? Pourquoi alors m'obliges-tu à le faire maintenant ?

Le prince eut un sourire en coin.

— Parce que tu ne peux plus utiliser la magie et que tu dois donc savoir te défendre d'une autre façon. Et parce que tu n'es pas en mesure de me dire non.

Le jeune homme fronça les sourcils.

— Donc, tu profites juste de ma situation de faiblesse pour t'amuser avec moi ?

— Crois ce que tu veux. Je ne supporte plus de te voir aussi inutile. Je t'avais dit mille fois de ne pas te reposer uniquement sur tes pouvoirs, mais tu ne m'écoutais jamais, et voilà le résultat. Tu me remercieras plus tard, lorsque tu auras retrouvé tes souvenirs.

— Compte là dessus, marmonna Arthur entre ses dents.

Pendant un agréable instant, il s'imagina de nouveau en possession de sa magie, réglant une bonne fois pour toute son compte au Prince Noir. Oui, pouvoir se venger de Tassilon serait une justification presque suffisante pour redevenir Athanasios. A moins évidemment que le mage noir ne souhaite pas faire de mal à son ami…

— Nous allons nous arrêter pour aujourd'hui, déclara l'elfe de manière inattendue. J'ai à faire.

Arthur poussa un soupir de soulagement. La journée était à peine entamée. Le Prince Noir le faisait parfois travailler jusqu'à la tombée de la nuit. Il ne lui restait plus alors qu'à gravir péniblement l'escalier de sa tour en maudissant Athanasios d'avoir installé sa chambre à une telle hauteur.

— Qu'est-ce que tu as à faire ? lui demanda-t-il néanmoins avec une certaine méfiance. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec la recherche de mes souvenirs ?

— Mêle-toi de tes affaires, répondit Tassilon d'un ton brusque qui fit comprendre au jeune homme qu'il avait frappé juste.

— Ce sont mes affaires, remarqua-t-il avec bon sens.

Il jugea cependant plus prudent de ne pas contrarier davantage le Prince Noir et d'aller profiter de sa journée de vacances.

Après un bref instant d'hésitation, il prit son courage à deux mains et se dirigea vers le côté nord du manoir d'Athanasios. Il avait pu observer à plusieurs reprises depuis le sommet de sa tour des elfes entrer dans une partie du bâtiment avec de la nourriture. Il en avait conclu qu'il s'agissait probablement de l'endroit où étaient détenus les otages.