61. La cabane dans la montagne

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      Malgré mes efforts pour écoper, notre embarcation ressemblait davantage à une baignoire qu'à une barque lorsque nous arrivâmes enfin sur l'autre rive. Elle réussit l'exploit de continuer à flotter très vaguement jusqu'à ce que nous la quittions pour patauger jusqu'à la rive.

Je posai pied sur la terre ferme, terriblement soulagée mais craignant de périr de froid tant je grelottais. La barque acheva de sombrer dans un bruit d’ébullition.

Mon compagnon me jeta un regard inquiet.

— Tu as les lèvres toutes bleues, me dit-il.

— Avec un peu de chance, lui répondis-je d'un ton ironique en essorant mon pull, nous n'allons pas tarder à devoir affronter un terrible feu de forêt qui aura l'avantage de nous réchauffer un peu. Quoi de mieux pour égayer notre fin de journée si monotone ?

Arthur regarda en direction du soleil couchant qui était presque entièrement noyé dans les nuages.

— Il faudrait que nous trouvions un abri pour la nuit, remarqua-t-il. J'aurais aimé nous rapprocher au maximum de la Montagne Blanche, mais il ne serait pas prudent de nous aventurer dans le noir. Espérons que personne ne se lance à notre poursuite...

J'observai la lande déserte autour de nous. Nous nous trouvions sur une vaste plaine enveloppée de montagnes. Peut-être aurais-je pu trouver quelque attrait à ce paysage, si j'avais été de meilleure humeur.

— Quel abri ? grognai-je. Nous semblons avoir quitté la seule demeure des environs. Je refuse de dormir dans une grotte.

Arthur regarda autour de lui.

— Les elfes ne sont pas les uniques habitants de cette contrée. Nous allons bien finir par tomber sur un village dont les habitants n'auront probablement pas vu l'avis de recherche me concernant. Nous sommes dans un autre royaume.

La prédiction d'Arthur se révéla à moitié juste. Si nous ne croisâmes âme qui vive, nous finîmes par trouver après une bonne heure de marche une cabane en bois qui devait servir de refuge aux bergers lors des périodes de transhumance des bestiaux. La nuit était entre-temps tombée, accompagnée d'un épais brouillard qui nous avait plongés dans l'obscurité.

Arthur toqua prudemment à la porte puis, n'entendant pas de réponse, tourna la poignée qui s'ouvrit sans difficulté. Le jeune homme fouilla dans son sac et en ressortit une lampe de poche terrienne qui balaya la modeste habitation de son rayon de lumière. La cabane ne comportait en tout et pour tout qu'une table rudimentaire et deux rondins de bois dressés qui devaient servir de sièges.

— J'ai l'impression que personne n'habite ici en ce moment, conclut Arthur.

J'entrai à mon tour tandis que le jeune homme enflammait d'un petit geste nonchalant quelques bûches dans une petite cheminée. Je m'approchai du feu avec reconnaissance et plaçai mes doigts glacés à quelques centimètres de cette source de chaleur bienvenue.

Arthur installa pendant ce temps-là deux sacs de couchage ainsi que les sandwichs que nous avions achetés à Paris. Ils avaient manifestement pris l'eau et ne ressemblaient plus qu'à une sorte de bouillie infâme.

— Je vais m'en passer, assurai-je avec une grimace.

Nous dûmes nous contenter de quelques gâteaux secs dont l'emballage avait permis la survie.

— Je ne sais pas trop pourquoi, remarqua Arthur avec une moue malheureuse, mais j'ai l'impression que tous les plans que j'essaie de mettre en place ne se déroulent jamais comme ils le devraient.

— Peut-être est-ce le signe que tu ne devrais plus tenter de lutter contre ton sort mais l'accepter, tentai-je en m'allongeant sur mon sac de couchage. Rien ne nous oblige à continuer notre route. Nous pouvons toujours fuir ensemble et ne jamais retourner au manoir d'Athanasios.

Amnesia. La geste d'Arthur Montnoir, livre 1 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant