62. Un escalier vers le ciel

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      Nous nous arrêtâmes un long moment, silencieux. J'avais déjà eu l'occasion d'admirer ce spectacle étant enfant, mais j'avais oublié à quel point tout cela était beau. L'escalier semblait ne faire qu'un avec la montagne et s'élever jusqu'à l'infini. Les deux colosses, à peine érodés par le temps, montaient la garde depuis des temps immémoriaux. Personne ne savait par qui ni comment ils avaient été sculptés. Les légendes elfiques racontaient qu'il s'agissait de deux géants jadis pétrifiés. A voir leurs visages féroces étonnamment réalistes, j'étais presque portée à le croire.

— Arrêtons-nous ici un instant, proposa Arthur. La montée sera longue.

Je l'approuvai d'un signe de tête. Nous trouvâmes un petit abri derrière l'un des colosses et partageâmes nos derniers gâteaux secs.

Arthur se tenait assis à une certaine distance. Nous échangions de temps à autres des regards furtifs et embarrassés. Au bout d'un moment, le jeune homme se leva et entreprit de disposer des bouts de roches pour former une gigantesque croix sur le sol. Il finit par se tourner dans ma direction.

— Tu vas rester ici, me dit-il. Il est préférable que je rencontre les elfes seul. Quelqu'un te rejoindra ici et tu partiras avec lui. Cette croix va lui servir à te localiser.

J'haussai un sourcil.

— De quelle façon ? Elle n'est visible que du ciel. Ton ami serait-il un dragon ?

Le jeune homme eut un soupir d'envie.

— Si seulement…

Il posa un instant les yeux sur moi, hésitant.

— A tout à l'heure, me dit-il finalement, même si j'eus l'étrange impression qu'il aurait souhaité me dire autre chose.

Il se retourna alors et commença son ascension.

Je le regardai gravir les marches jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un minuscule point à l'horizon.

*


Lorsqu'il fut à une certaine hauteur, Arthur sortit de sa poche un petit talkie-walkie, appuya sur un bouton et le porta à son oreille.

— Tout est prêt, dit-il à son interlocuteur.

Si tout se passait bien, Odoacre, le lieutenant de Tassilon, devait encore être à la Montagne Blanche, en compagnie de Brunehaut et de Grégoire. Ils avaient reçu pour instruction de ne surtout pas partir avant son arrivée.

Le jeune homme rangea son appareil et continua sa progression. Il commençait à en avoir singulièrement assez. Ses jambes le faisaient souffrir et il transpirait abondamment sous le chaud soleil qui avait fini par apparaître. Il jetait de fréquents coups d’œil vers le haut mais ne parvenait toujours pas à voir la fin de ce maudit escalier. Il n'osait regarder vers le bas pour s'assurer de son avancée, craignant d'être pris de vertige.

Alors que son calvaire lui semblait avoir duré plusieurs heures, Arthur posa enfin son pied sur l'ultime marche. Épuisé et hors d'haleine, il resta immobile un instant pour reprendre son souffle avant de regarder devant lui.

Il se trouvait devant un luxurieux jardin au milieu duquel s'élevait, en symbiose avec la nature, une incroyable bâtisse qui devait être le palais de la reine des elfes blancs. Ses élégantes tours disparaissaient presque entièrement sous d'abondants feuillages.

Deux elfes munis d'une cuirasse et d'une longue lance s'avançaient dans la direction du jeune homme. Ils ne paraissaient pas étonnés de voir soudain surgir un visiteur. Peut-être avaient-ils suivi son ascension depuis le sommet.

Amnesia. La geste d'Arthur Montnoir, livre 1 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant