Wërsëk Buur - Ndoobu 2

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| Khalé dou Mäggueu |

Il aimait rêvasser, assis là au milieu de la classe, entre ceux qui suivaient le cours, ceux qui bavardaient, et les insomniaques qui rattrapaient leur sommeil perdu. Mr X n'était pas très doué pour captiver l'attention générale. Pour fuir ce qui lui semblait être une longue torture, Idrissa regardait le ciel grisé du matin.

Il pouvait apercevoir des corbeaux noirs. On en voyait souvent aux alentours de l'école. Insaisissable et profondément libres, c'était de cette façon qu'il les voyait. C'était de cette façon qu'il imaginait sa vie.

< une année plus tôt >

«— Kholal Yaye... Kholal bou bakh !.. Ma dieul huitième... hé hé ! { Regarde maman ! J'ai fini huitième ! }

Il a dû courir comme un forcené pour rapporter la nouvelle. Lui, de nature si calme, s'était métamorphosé en Usain Bolt le temps d'une journée.

De Bountou Pikine* à Cité 1, puis la traversée du rail pour finalement trouver Mère Sora, assise devant la porte de la maison et qui répondait aux salutations, demandait des nouvelles et remerciait le tout puissant quand de bonnes choses lui parvenaient.


«— Machallah... Ayooo sama dom way... Li nekh na trop sakh ! *exprimait sa joie*, répondit-elle toute heureuse en recueillant le bulletin.

Elle regardait les notes de celui-ci avec beaucoup d'envie. Bien qu'ayant arrêtée l'école très tôt pour des raisons familiales, Mère Sora comprenait plus de choses que les femmes au foyer habituelles. Elle connaissait bien le français, les notions basiques de mathématiques et était foncièrement douée pour comprendre la psychologie humaine.

Un peu comme toutes les mères africaines, elle savait faire preuve de tendresse mais aussi de fermeté. Idrissa, étant plus béni, n'avait jamais eu à la frustrer, loin de là. Il était solitaire, ne se mélangeait pas beaucoup et pourtant, il adorait sa maman. Il l'adorait vraiment.

«— Je suis tellement fière de mon petit garçon... Wa legui nak, il faut viser la première place. Comme ça, di na gueune content ci yaw... d'accord?

Le bienheureux acquiesça en secouant la tête de haut en bas. Il continuait à sourire, quoique un peu déçu par la dernière réponse de sa maman.

Huitième c'est bien ! Mais il fallait encore s'améliorer.

Ainsi, il connut pour la première fois ce que perfectionnisme voulait dire, ce mal qui engendre des éternels insatisfaits.

Il vivait dans un doute perpétuel et n'arrivait pas à cerner ses réelles capacités.

< Maintenant >

Mais que restait-il vraiment de sa quête du meilleur, du plus beau, du plus parfait?

Il l'ignorait. Il était amoureux. L'amour promeut l'ignorance, comme on le voyait très souvent dans les films Disney qu'il adorait tant, surtout Blanche-Neige et Cendrillon. Pocahontas l'avait marqué aussi. Des histoires où les héros étaient prêts à se mettre le monde à dos pour aimer et être heureux mais lui, n'en demandait pas.

Tout ce qu'il voulait, c'était la regarder à longueur de journée. Il n'était pas encore assez courageux pour l'aborder, assez charmant pour la séduire, ni même assez bien pour espérer devenir un ami proche.

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