Le front perlant de sueurs, il entendait sa respiration s'estomper au fur et à mesure que l'effort s'intensifiait. Il avait encore pas mal de distance à parcourir, avec ses petites jambes fraîchement mûres et ses yeux en amandes qui refusaient de regarder en arrière.
Guinaw Rail, plutôt chaud ce jour-là, couplait foule marchande et ruelles étroites, de quoi sérieusement compromettre la course pour un individu raisonnable et raisonné. Mais à quoi bon?
On n'attend pas d'un enfant qu'il réfléchisse, surtout à pareils âges.
Qu'ils jouent. Encore. Encore. Encore. Encore.
En jouant, ils diffuseront le bonheur sur le passage.
Les bons adultes se nourrissent de ce bonheur-là.
La première silhouette qu'il aperçut, en bousculant maladroitement passants et marchands, appartenait au petit Lamine. Il avait bifurqué vers la gauche.
Il le traqua, bien déterminé à lui passer devant.
Mais malheureusement, il échoua...
--- Nio ngui Demat ! { Nous repartons ! } le prévint Lamine qui, les pieds déjà ancrés dans la terre, attendait le signal pour prendre son élan.
--- À vos marques ! Prêts !
Baye Cheikh se tenait à côté de son petit frère. Il était plus âgé que Idrissa d'une année et pourtant, celui-ci approchait la taille de sa grande soeur.
--- Partez !
Le signal fut donné. Les mains encore sur genoux, il ne put d'abord que redresser la tête et voir ses deux adversaires qui le distançait dangereusement.
Del Khol ci Kanam...
Fierté de lion. Égo de lion.
Il ne fuirait pas un duel. Toujours regarder de l'avant.
Ne jamais s'arrêter... Surtout pas...
| Wërsekou Naré II |
Del Khol ci kanam...
Il était au bord de la rupture, autant psychologiquement et physiquement. En short et tic-tic, il écrasait le bitume à chaque foulée, des pas lourds qui ne demandaient qu'à s'estomper.
À ses côtés, il n'y avait plus personne. Devant lui encore moins. Les autres candidats l'avaient tellement distancé qu'il eut la désagréable impression d'être seul au monde.
Cette défaite sonnait comme une humiliation.
Il se mit à se questionner pour passer le temps. Pourquoi avait-il bien choisi de participer? Pour accompagner son meilleur ami. Quelques petites provocations à son égard avaient joué aussi.
Il commençait à regretter bien qu'il fut trop tard pour. De toute façon, il lui fallait terminer la course. Cela amoindrirait l'humiliation, pensait-il.
Il espérait secrètement que quelqu'un puisse le féliciter de son abnégation, de sa bonne volonté et de ses efforts.
--- Gawal ! Lou ci dess Beuriwoul ! Hurlait Khadim à son attention.
En levant les yeux du sable, il l'aperçut près de la Croix-Rouge. Gora était là, avec lui. Idy distinguait Mor Diaw des autres participants. Et d'après les légères conversations qu'il entendait, il était le grand vainqueur.
200 mètres... Il lui restait 200 mètres...
Il ralentit volontairement la cadence. En tant que bon dernier, il n'avait pas à se presser.
C'est ce qu'il croyait...
- Wa... Boy Pathé, lane mo la dal ni !
Il entendit quelques rires qu'il pensa d'abord lui être adressés. En tournant brièvement la tête, il vit Pathé, dans un pire état qu'il n'était.
Il en sourit puis, le regard jeta sur la ligne d'arrivée, reprit sa toute première accélération et donna son meilleur sprint.
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--- Mame.... Nieuw na ! {Grand-mère, je suis de retour.}
--- Han... Naka course bi nan? Ma ya dieul premier. {Comment était la course? Est-ce que tu as gagné?}
Elle lui posa cette question alors qu'il se désalterait au robinet. La spontanéité de sa réponse le surprit lui-même.
--- Avant-Naré la dieul ! {J'ai terminé avant-dernier.}
--- Avant-Naré !!!?
La vieille en était très surprise. Assise sur la natte, le doigt sur son chapelet, elle réitèra sa stupéfaction:
--- Avant-Naré !!!? Vraiment?
--- Waw Mame... Avant-Naré la dieul !
Le plus drôle, c'est qu'il en souriait.
Comme un enfant...
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Gaïndé Ndiaye.
Ci Kanam.
Ci Kanam.
Ci Kanam.
Gaïndé Ndiaye.
Ci Kanam.
Ci Kanam.
Ci Kanam.
🦁🦁🦁
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