Ça fait quatre mois, je crois. Je me rappelle plus très bien, j'ai arrêté de compter les heures au bout de deux mois. C'est assez amusant de voir comment les choses peuvent changer en une fraction de secondes, d'une belle nuit à un matin morne, juste quelques heures et puis voilà : la déchéance.
J'ai vraiment eu espoir, tu sais. J'avais vraiment ce sentiment en moi, de bien être, un bonheur pur, presque innocent rien qu'à la vue de tes dents entre tes lèvres qui s'étiraient. J'aurais pu faire beaucoup pour toi, mais tu ne m'en as pas laissé l'occasion une seule fois. Tout ce que tu as pu faire vis à vis de moi et vraisemblablement vis à vis du monde qui t'entoure, c'était sur le moment. Tu fais tout « comme ça », parce que ça te vient à l'esprit et que sur le coup tu réfléchis pas aux conséquences.
À vrai dire, je n'ai pas beaucoup réfléchi non plus quand je suis entré chez toi ni quand j'ai dansé avec toi ni quand je t'ai vue nue sur le canapé contre moi. J'ai vraiment pas réfléchi et j'ai agi sur le moment, à ta manière. Sauf que contrairement à toi, c'était sincère. J'avais réellement envie de me donner à toi, de découvrir ton corps, de me découvrir moi-même à travers toi. J'avais même peint ce moment en bleu roi sur notre portrait en noir et bleu. C'était vraiment magique et je crois que c'est l'élément le plus poignant de notre peinture.
C'est dur. Te voir sourire dans cette salle d'art. Te voir peindre sans jamais savoir ce que tu peins sur ton chevalet. Tu sembles loin, et encore plus aujourd'hui où les rayons de soleil sur ta peau crème te rendent presque angélique.
Mais tu ne l'es pas. J'ai bien fini par comprendre que tu n'es pas la Miria que je vois sur notre tableau. La réalité est bien moins poétique et j'en pleure parfois, et d'autant plus quand je repense à tes baisers.
J'aimerais que tu me parles, maintenant. Regarde-moi Miria, je t'en supplie. Ne fais pas comme si je n'existais pas, ne fais pas comme si j'étais un objet au hasard perdu parmi d'autres objets au hasard. Je suis derrière ce foutu chevalet, tu es derrière ton foutu chevalet, mais on se fait face plus que jamais, il ne manque que tes yeux contre les miens, un baiser tendre de nos iris ternies.
Un battement de cils, un pinceau déposé, un sourire échappé, un soupir, et puis l'œil qui se lève progressivement. Tout ça en une fraction de seconde. Tu me regardes enfin après quatre mois à attendre et ce n'est pas le baiser des iris que j'espérais, mais un no man's land. Un rien, un néant. Un cadavre entre nous, une sorte de fatalité qui fait que j'ai le cœur ensanglanté.
Où est passée ma Bleue ?
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Portrait en noir et bleu
DragosteTout ce qu'il y a à dire, c'est que Samuel aime une fille pour la première fois. [chapitres courts; 700 mots max] [/!\ contient des scènes légèrement osées]