Chris

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Si le soleil naissant chasse ses craintes, l'obscurité qui recouvre peu à peu sa chambre la fait trembler.

Ce n'est pas un très grand placard, ni très effrayant, et pourtant, Chris angoisse au point de pâlir. Quand Maman vient l'embrasser le soir, elle se retient de ne pas geindre. Elle risquerait une fessée. Et puis, Maman ne la croit pas.

Elle l'a très bien compris la fois où son placard est resté ouvert toute la nuit. L'entrebâillement obscur semblait l'appeler. Chris a d'abord fermé les yeux, mais le sommeil ne venait pas. Elle a rouvert les paupières, et c'était comme un coup en plein cœur. D'une façon désagréable, la chaire de poule a recouvert son corps. Quelque chose n'allait pas.

C'était un tout petit interstice, à peine de quoi passer un bras, et pourtant, ce soir, dans cette chambre, elle avait l'illusion d'une bouche ouverte sur l'enfer. Comme tous les enfants, Chris a plongé sous sa couette. D'abord, elle s'est sentie en sécurité, pareille à un oisillon dans son nid ou un lapereau pelotonné au fond du terrier. Mais malgré elle, sa cécité a entraîné un usage plus accru de l'ouïe. Chris a entendu.

Des murmures, très faibles, des rires étouffés, des chuchotis, des chuintements, des grincements, des coups, des pas... Une vraie cacophonie distante et redoutable. Chris ne pouvait s'endormir. Elle redoutait que le bruit se rapproche. Parfois, elle en avait presque la sensation. Les battements de son cœur masquaient les bruits du placard et elle trempait ses draps d'une sueur glacée.

Elle songea à bondir de son lit, courir vers la porte et se précipiter dans la chambre de ses parents. Elle n'en aurait pas pour longtemps, cinq secondes à peine. Mais que ferait- elle si, sortie de son cocon, elle se trouvait face à un monstre debout dans sa chambre ? Ou si quelque créature démoniaque l'attrapait au vol pour l'entraîner dans les ténèbres ?

A la pensée d'une de ces innommables choses s'extirpant actuellement du placard, Chris tressaillit. Elle avait tellement peur que ses jambes tremblaient, incontrôlables. Elle sentait le danger partout autour d'elle. Il fallait qu'elle regarde pour s'assurer que c'était une pure invention de son esprit, mais elle exécrait cette idée. Regarder signifiait affronter et elle n'était pas sûre d'en avoir le courage.

Lentement, elle émergea de sa couette. C'était presque une torture. Lentement, elle ouvrit les yeux. Elle manqua s'évanouir de soulagement. La chambre était déserte. Tandis que le cœur de Chris se calmait, la petite fille se demanda si elle se sentait assez brave pour se lever et fermer le placard. L'autre option étant de passer une nuit blanche à surveiller l'ouverture et à tendre l'oreille.

A bout de nerfs, elle sortit une jambe, puis une autre. Ses petits pieds frémirent au contact du sol froid. Le souffle court, Chris contourna son lit et marcha à pas légers vers le meuble redoutable. Les bruits résonnaient encore. Doucement, elle tendit sa menotte pour saisir la poignée.

Les voix se turent, comme en attente. Dans un fracas retentissant Chris claqua la porte, avant de détaler comme si ce contact l'avait brûlée.

A dix ans, Chris a peur du placard. 

Chris a peur du placardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant