Chapitre 3.

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Clara se réveilla allongé au milieu de la salle à manger, la joue gauche contre le parquet. Le soleil était haut et tapé fort sur les fenêtres, il faisait bon à l’intérieur. Elle se releva difficilement, son sommeil à même le sol avait engourdi ses membres et n’avait pas été très réparateur. Son regard se porta sur le bouquet que lui avait offert Simon Schmitt, elle s’en approcha et plongea le bout de son nez à l’intérieur d’une des roses. Aucunes effluves forales ne lui parvient, les fleurs n’avaient déjà plus d’odeurs, mais la couleur de leurs pétales était toujours aussi flamboyante.

Clara ne se sentait pas d’attaque pour recommencer à fouiller les pièces de la maison. Ses courbatures lui lançaient du haut des épaules jusqu’entre ses fossettes se trouvant dans le bas de son dos. L’envie lui prit de se prélasser dans un bon bain chaud, de se laisser aller ne serait-ce qu’un peu. Certes, elle n’en avait pas le temps puisque que la maison était gigantesque, mais elle avait compris qu’elle ne tiendrait pas à ce rythme. Il lui fallait absolument un vrai repos.

Le mélange des murs vert d’eau et du carrelage blanc donnait une atmosphère tranquille à la salle de bain. La pièce n’était pas très spacieuse et ne possédait aucune fenêtre permettant à de jeunes regards curieux d’observer la maitresse de maison pendant sa toilette. La seule source de lumière provenait de la lampe accrochée au plafond, un peu jaune et diffuse. Madame Moreau enclencha le robinet de la baignoire et se déshabilla en attendant que celle-ci soit pleine. Ensuite, elle grimpa à l’intérieur de la baignoire et s’immergea jusqu’au menton. Elle ferma ses yeux et plia ses jambes vers sa poitrine.

Sa respiration était calme et les tensions dans ses muscles se calmèrent. Elle adorait prendre des bains, c’était le seul moment de paix qu’elle s’accordait quand son mari était au travail. Christian Moreau était ce qu’on pouvait appeler un narcissique, il avait une trop grande estime de lui-même et pouvait passer des journées entières à s’admirer. Elle le revoyait, à peine vêtu, en train de complimenter son propre reflet devant le grand miroir qu’il avait fait fixer au mur, à côté de la baignoire. Il avait besoin qu’on lui dise à quel point il était exceptionnel, il voulait qu’on le regarde, qu’on l’admire pour sa grandeur. C’est pour cela qu’il aimait Clara, elle lui apportait cette attention qui lui était vital à grand coup de compliment, de faux regards envoutés et de simulations d’extase. De plus, elle était considérée comme une belle femme, ce qui glorifiait encore plus l’image de son compagnon. Elle ne pouvait nier qu’il ressentait de l’amour pour elle, mais pas forcément pour les bonnes raisons si on considère qu’il y en a qu’ils le sont. En vérité, elle n’était pas si malheureuse que ça pendant ses trois années de mariage, c’est juste qu’elle ne pouvait pas faire ce qu’elle souhaitait. Elle avait pour obligation de rester à la maison et de s’occuper comme elle voulait, elle n’avait le droit sortir qu’en la compagnie de Christian Moreau. Ce qui prouvait bien qu’il aimait comme un grand sportif éprouve de la passion envers ses trophées.

Pourtant, il ne lui avait rien laissé, car elle ne ressentait rien pour lui. Sauf cette soi-disant somme d’argent qui a planqué dans la maison, une sorte de sanction pour ne pas avoir réussi à apprécier sa personne. Elle ressentait une sorte de rancœur profonde. Elle avait mis en parenthèse sa vie en espérant pouvoir en profiter un maximum après et ses plans sont jetés à l’eau à cause d’un égoïste. Clara étendit ses jambes sous l’eau et calla sa nuque contre la surface froide de la baignoire. Elle s’était fait couler un bain pour se détendre, pas pour penser à son malheur. Du plat de la main, elle s’amusa à créer des vagues de plus en plus imposantes au fur et à mesure que sa paume frappait le fluide. Elle fit une sorte de bol avec ces mains et laissa des torrents de goutte se faufiler entre ses phalanges. D’un mouvement élégant, elle se retrouva le ventre contre le fond. Sa respiration produisait des petites ondes sur l’eau, la manière dont elles se soulevaient puis retombaient avait quelque chose de reposant.

Pendant que Madame Moreau se prélassait dans son bain, Simon Schmitt tournait en rond devant chez elle en tenant sa mallette de travail. Ces joues étaient teintées de rouges et quelques gouttes de sueurs perlaient le long de ses tempes. Il avait pris la décision d’avouer son amour à Clara et de lui proposer un marché qu’une femme comme elle ne pouvait refuser. Il savait qu’elle venait de perdre son mari et que ce n’était pas correcte de chercher son affection si tôt. Mais il savait aussi qu’elle se trouvait dans une situation financière compliqué, donc elle ne pouvait pas lui donner une réponse négative. C’était mal de faire cela, très mal, mais il ne pouvait plus attendre. Le notaire voulait l’avoir rien que pour lui, qu’elle le regarde avec autant de passion qu’une vierge face à son premier amour. Il s’imaginait déjà des scènes d’amour et de tendresse où sa Clara lui susurrait au creux de l’oreille à quel point il la rendait heureuse. Il se décida enfin à se jeter à l’eau. D’un pas affirmé, il s’approcha de la porte et appuya sur le bouton de la sonnette.

Clara MoreauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant