Ecume

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L'armurier observe Isak songeur. «Je pense savoir ce qui irait mieux.» Il disparaît derrière la tenture. Je l'entends fouiller bruyamment dans des caisses. Isak me regarde, accoutré d'un plastron d'armure légèrement trop grand pour lui. Je suis assis sur une pile de caisse, celles-ci commencent d'ailleurs à me donner des crampes au postérieur. Je me remue sur mon siège improvisé. Je peste. Impossible de trouver une position adéquate. Mon ami perçoit ma détresse et se moque de moi. «Tu as déjà mal? Je te croyais plus résistant, t'as un fessier de princesse.

-          Ouais c'est le tien qui est résistant, avec tous les coups de pied au cul que tu prends, il doit être calleux.»

Il m'exhibe gracieusement son majeur et je lui réponds par une grimace peu flatteuse. L'armurier revient à ce moment une boite dans les bras et stoppe net notre échange silencieux. Il me regarde avec désapprobation un moment. Oups... Je crois qu'il a vu ma grimace. Je lui adresse un large sourire qui doit sonner un peu faux mais qui lui fait naître des fossettes sur ses joues dévorées par une barbe poivre-sel.

Je ne voudrai pas lui donner une mauvaise impression d'Isak. Surtout que ce dernier s'est mis dans la tête une toute nouvelle lubie, intégrer la garde.

La garde c'est bien grand mot, en plus je ne vois pas du tout à quoi elle sert à part surveiller les ponts et empêcher les altercations. Ça fait bien longtemps qu'il n'y a pas eu de problème sur l'archipel, le dernier vrai incident remonte à plus de cent ans. Des clans s'étaient formés entre les différentes îles et les ponts n'étaient plus ouvert pour une raison assez floue. On n'en parle pas de tout manière, je ne sais pas ce qui s'est vraiment passé mais la garde a résolu le conflit au prix de nombreuses vies humaines. Sur l'île on a tendance à ne pas parler des incidents, c'est mal paraît-il. Je pense que les hauts placés cherchent surtout à bien nous maintenir dans l'ignorance en imposant ce tabou...

Je reporte mon attention sur mon ami. L'armurier vient d'enfiler à Isak un nouveau plastron de cuir avec des plaques métalliques pour renforcer les épaules, le cou et les avant-bras, uniforme typique de la garde. Celui-ci est mieux adapté à sa morphologie. Mon ami se pavane comme un paon faisant rouler ses muscles... si on peut appeler ça des muscles. Je maintiens toujours qu'il est, certes svelte mais qu'il n'a pas la carrure d'un lutteur.

La garde fait rêver surtout les jeunes hommes qui veulent la gloire et la notoriété... et les filles. Je ne demande si ce n'est pas pour cette raison qu'il est si résolu à l'intégrer.

En attendant qu'il s'admire je me trouve une passion soudaine pour fixer le mur en face. Des armes y sont accrochées. Des pistolets finement décorés d'arabesques dorées ou argentées. Je n'aime pas trop ces armes... J'ai un mauvais souvenir d'elles il faut avouer. Je préfère largement les rapières ou les sabres, d'ailleurs je suis plutôt bon escrimeur, en toute modestie. Il nous est coutume d'entraîner les garçons dès dix ans à la pratique de ces armes... Puis après notre majorité on en perd vite généralement l'usage. Quant à moi je m'exerce encore assez régulièrement.

De toute manière l'artillerie est plus en vogue en cette date, on délaisse bien vite les armes blanches pour les revolvers. Il y a eu beaucoup d'incident au départ avec les pistolets, désormais on ne peut plus en posséder. Le Conseil a décidé de réglementer leur possession, excepté pour les gardes il faut désormais posséder un mandat. Pas si efficace que ça en a l'air, vu que de nombreuse d'entre elles sont encore entre les mains de bandes qui sont sans cesse en hostilité.

On trouve une dizaine de cadavres tués par balle par mois dans les rues, victime d'un règlement de compte entre clans, quand les corps ne sont pas jetés aux requins. La garde ferme les yeux sur ces crimes la plupart du temps. Elle fait mine de fouiller un peu mais se donne vite pour vaincue, surtout quand il s'agit du clan le plus puissant des îles, les Veilleurs.

Soleil levantWhere stories live. Discover now