Soleil levant

Veilleurs

...

« Milo ! »

Je sursaute quand j'entends une voix sèche tonner mon nom derrière moi. Je fais volte-face pour voir mon interlocuteur. Il se tient dans mon dos, adossé nonchalamment à un muret, un sourire mystérieux sur les lèvres et les yeux dorés pétillant de malice. « Le patron veut te voir gamin... » m'informe-t-il.

- Arrête de m'appeler gamin Zeph... on a presque le même âge... » je grommelle.

- Peut-être mais j'ai quand même quasiment deux ans de plus, ce qui fait que tu me dois le respect et tu n'as rien à dire sur les petits noms dont je t'affuble. » il rigole « Bon tu me suis ?

- C'est pour quel sujet ?

- Tu verras bien... »

Je suis assez surpris que le patron envois Zeph me chercher, d'ordinaire il ne prend pas la peine de venir me quérir et préfère me donner les informations lorsque je vais le voir de moi-même.

Je hausse les épaules, résigné, et il me fait signe de le suivre. J'abandonne à regret le quai presque désert de l'île ou je faisais ma balade matinale pour le suivre dans les ruelles.

Pendant quinze minutes on marche sans échanger un mot du trajet, puis au détour d'une rue bruyante on s'engouffre dans une maison.

Des tissus opaques sont tirés devant les fenêtres et une ambiance tamisée règne à l'intérieur. Au centre de la pièce trois hommes sont attablés autour d'une large table en bois massif et sont en pleine partie de carte, l'un abat ses cartes sur le plateau avec un sourire vainqueur et ses compagnons se mettent à protester. Ils nous ont remarqué mais ne nous prêtent pas attention. Zeph passe devant eux en leur adressant un signe de tête puis ouvre la porte du fond qui donne sur une petite pièce avec pour seul mobilier un vieux lit, une armoire imposante et un tapis de jonc de mer. J'entre et je referme la porte derrière moi. Mon compagnon glisse habilement ses doigts derrière le meuble et pousse un pan du mur. Un grincement métallique s'élève et le mur se met à pivoter laissant apercevoir des escaliers éclairés par des torches menant dans un sous-sol.

Zeph se retourne et me fait une courbette exagérée me désignant le passage. « Après vous Monseigneur. » se moque-t-il.

Je lui adresse un geste obscène au passage puis descend les marches deux à deux. Je l'entends refermer la trappe lourdement derrière moi et me suivre. Les escaliers sont sombres et les marches usées par tant de passage, j'avance prudemment et je fais attention ou je pose mes pieds pour ne pas finir les quatre fers en l'air. Ça serait peu glorieux... Surtout avec ce mariole de Zeph sur mes talons. Je pose ma main sur la paroi froide pour garder un repère.

Je débouche sur une vaste pièce éclairée au flambeau avec des alvéoles de chaque cotées ou des caisses et des armes sont entreposées. Une vingtaine de personnes sont présentes et s'affairent toute à des tâches différentes, certains portent des armes, souvent des dagues mais aussi quelques pistolets. Peu d'entre eux tournent la tête sur notre passage et je traverse la pièce avec aisance, habitué à ce lieu. Au fond, dans un recoin illuminé par de nombreuses torches, deux hommes parlent à voix basse, examinant le contenu d'une large caisse en me tournant le dos. L'un est petit, un revolver repose sur sa taille et sa carrure indique qu'il est sportif. L'autre parait immense à côté de son compagnon, il est habillé sobrement et ses muscles saillent sur ses épaules et ses omoplates.

Je m'arrête net à quelques mètres d'eux. Zeph me dépasse et s'éclaircit la voix. « Hum... Patron... J'ai ramené Milo comme vous le souhaitiez. »

Le plus grand des deux se retourne et me sourit, ses yeux d'un bleu acier me dévisagent, amusé. « Merci Zéphyr, tu peux disposer maintenant » déclare-t-il d'une voix profonde. Ce dernier me jette un dernier coup d'œil puis hoche la tête en s'esquivant silencieusement.