I : 6ème B, la rentrée

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Quand je suis entrée en sixième, j'eus cet infime espoir que l'acharnement dont j'avais été victime en primaire cessât enfin. J'imaginais naïvement que mes camarades passeraient à autre chose, voire avaient pris en maturité. Pleine d'entrain mais aussi de doutes, j'allai au collège la boule au ventre mais le sourire aux lèvres.

J'avais de nouveaux vêtements et un tas de fournitures neuves prêts à être exploités et que je mourais d'impatience de montrer à mes amies.

En arrivant devant le collège, une vague de stress me submergea, comme si un mur invisible s'était dressé devant moi, m'empêchant d'avancer. Heureusement, ma mère sut faire preuve de réconfort à ce moment-là :

Ça va aller, je viendrai manger avec toi ce midi

Je me sentis tout de suite mieux, j'avais besoin d'un repère et ma mère venait de me l'offrir chaleureusement.

Une fois dans la cour, je n'avais qu'une chose en tête : retrouver Salomé et Ninon, mes deux meilleures amies. Enfin, le terme n'était pas forcément le plus approprié. Salomé et Ninon avaient participé très brièvement à mon harcèlement en primaire, mais je m'étais toujours persuadée qu'elles n'avaient pas eu le choix.

En les retrouvant, je sentis tout mon corps se détendre. 

Pour la répartition des classes, nous étions si angoissées qu'aucune de nous n'osa prononcer un seul mot. Nous étions pendues aux lèvres du proviseur, attendant désespérément d'entendre nos noms au sein d'une seule et même classe. Cette délivrance arriva finalement lorsque la classe de 6ème B fut appelée. J'avais la chance d'être avec Salomé et Ninon. En revanche, je ne connaissais quasiment pas le reste de la classe mais à ce moment-là, peu m'importait, je partis du principe que nous allions être inséparables durant toute notre scolarité.

Je me souviens de ce premier jour un peu particulier. Malgré tous les efforts du monde, je crois que je ne fis pas bonne impression. Lors de la première heure de cours, alors que nous étions avec notre professeur principal, Salomé, Ninon et moi bavardions. J'étais juste derrière elles et j'essayais tant bien que mal de participer à leur conversation, malgré mon emplacement. Alors que j'étais concentrée à leur répondre, je n'avais même pas remarqué qu'elles avaient cessé de bavarder, ricanant discrètement. Ne comprenant pas ce qu'il y avait de si drôle, je relevai la tête pour constater que toute la classe avait les yeux rivés sur moi. De plus, le professeur semblait on ne peut plus contrarié et leva les yeux au ciel avant de m'humilier sans vergogne :

- Vous commencez très mal l'année. 

Ces mots suffirent à faire pouffer de rire toute la classe. Salomé et Ninon ne me soutinrent pas une seconde, riant finalement à gorges déployées avec le petit groupe. Après la récréation, j'eus cours de Technologie pour la première fois. Ne sachant pas comment fonctionnait la répartition des rangs, Salomé, Ninon et moi partîmes avec la mauvaise classe. En arrivant dans la salle, nous constatâmes rapidement notre erreur et filâmes en vitesse. Alors que nous cherchions notre bâtiment à la hâte et montions les escaliers, je perdis l'équilibre avant de m'écraser au sol. En me relevant, je constatai rapidement les regards sur moi à travers les fenêtres et les moqueries à peine dissimulées. Devenant rouge de honte, je partis d'un pas décidé vers le bâtiment pour y entrer le plus rapidement possible. Salomé et Ninon ne prirent pas la peine de me demander comment j'allais ni même de m'aider à me relever, elles devaient rester du côté de la majorité. Une fois de plus, elles rirent aux éclats, alors même que mon genou droit était en sang.

Je commençais à perdre patience. Heureusement, je m'accrochais encore à un dernier espoir : maman.

À la fin du cours, nous rejoignîmes la cantine. Rapidement, ma mère arriva et s'installa à notre table. Constatant que je faisais partie des rares personnes à avoir ramené un de ses parents, je me sentis soudainement mal à l'aise. J'entendis des chuchotements dans mon dos : " C'est sa mère ? ", " Elle a ramené sa mère au collège ? ", " C'est un peu la honte non ? ", " Elle a quel âge ? ". Rapidement, les larmes me montèrent aux yeux mais je gardai au maximum mon sang-froid. Je ne voulais surtout pas que ma mère se pose des questions et s'inquiète.

Une fois dans la cour après le repas, Salomé, Ninon et moi étions assises sur un banc. Rapidement, le sujet de ma mère à notre table le midi même refit surface :

- Pourquoi ta mère est venue manger avec nous ce midi ? Tout le monde nous regardait, c'était gênant, dit Ninon. 

- Je ne vois pas en quoi, on avait le droit de manger avec un de nos parents ce midi

- Mais t'as bien vu que t'étais presque la seule à avoir fait ça ! Ramène toute ta famille la prochaine fois ! rétorqua Salomé.

À ce moment-là, je baissai les armes, j'étais épuisée par cette journée et je commençai à imaginer mon année scolaire comme un véritable calvaire. Heureusement, la journée se termina tôt. Je rejoignis mon bus à toute vitesse, j'avais profondément envie de rentrer chez moi. Après avoir mis mes écouteurs, je me laissai transporter par une douce mélodie, priant pour que cette journée cauchemardesque ne devienne plus qu'un mauvais souvenir.

Harcèlement scolaire : Témoignage (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant