I - 21.12.92

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Je vais mettre des numéros à ces "chapitres". Je vais mettre des dates, peut-être, mais elles seront celles de mes jours d'écriture, pas celles du déroulement des événements. Pourquoi j'ai mis ma date de naissance alors ? Aucune idée, vraiment. C'est le jour qui marque ma naissance et le début de tout ce merdier. Quel symbole heureux.

Je tiens à te dire que je risque de raconter des trucs pour y revenir plus tard, quand ma tête tournera de trop et que j'aurais envie de coucher les mots. J'essaierais peut-être de t'expliquer où se passe quoi, mais honnêtement, même dans ma tête c'est confus. Y'a des choses que j'ai oublié, probablement consciemment, tu sais, comme quand on a un traumatisme qu'on refoule ? Ben c'est un peu le même tableau.

Je sais pas trop par où commencer en fait. J'me dis que ce serait mieux si je te racontais mon enfance, mais ça risque de te faire avoir pitié. Remarque, tu vas avoir pitié dans tous les cas, peut-être même que tu me mépriseras. Et putain, t'auras bien raison.

Honnêtement, j'écris pour écrire ce soir, je n'ai pas envie de raconter quelque chose de spécial à vrai dire. Le psy me dit qu'il faut prendre l'habitude de ces choses-là et après, que ça vient tout seul, comme une sorte de drogue. Il a utilisé l'allusion des gens qui font du sport et ne peuvent se retenir d'aller courir parce qu'ils sont en manque d'endorphine. J'ai ricané, parce que je pense pas être en manque d'écrire.

Enfin je te dis ça, mais je suis en train de pavaler comme si je jactais joyeusement avec une nouvelle rencontre ou un ami. Plutôt un ami ouais, parce que faut dire que j'ai du mal à rencontrer des gens. J'ai du mal à m'accrocher à eux et à rebondir, j'pense que j'en ai pas particulièrement envie non plus, avec une pathologie comme la mienne, chaque nouvelle relation est une lame potentielle.

Tiens, partons là-dessus. Le titre de ce journal est pas anodin hein. Je suis pas un de ces gamins en pleine adolescence qui sont malheureux parce que leur crush se retourne pas sur eux. À ton avis, si je vais chez le psy, c'est bien pour une raison, non ? Bon c'est vrai qu'on a pas besoin d'une raison à la base, mais j'en ai une : TPB ou Trouble de la Personnalité Borderline.
J'ai été diagnostiqué y'a... deux ans maintenant je crois. Je savais qu'il y avait un truc qui allait pas, tu vois ? Parce que je ressens les choses trop fort, trop vite et je peux vriller de l'un à l'autre plus rapidement que tu peux penser à la prochaine insulte que tu vas dire. Enfin bref. Diagnostic posé et depuis, je me retrouve à avoir des séances """régulières""" chez le psy. Les parenthèses, c'est parce que mon rythme de séance est tellement anarchique que c'en est ridicule. Mais c'est ça quand t'es Bordeline, une session d'une heure peut te déglinguer pour un mois complet. Joie.

Maintenant ça va mieux, j'arrive un peu plus à tenir, ça dépend. De plein de choses. Mon environnement, mon état d'esprit, mes fréquentations ou même mon humeur du jour. Et je compte pas les fois où toutes mes mauvaises expériences remontent d'un coup pour me hanter, parce que tu comprends, ce serait trop simple autrement. C'est déjà si facile.

Ouais, tu as déjà dû comprendre que l'ironie et le sarcasme sont mes armes de prédilection. Et autant te dire que tu sera pas déçu du voyage. Ici, je vais pas me casser la tête à mettre les formes à ce que je dis, mais autant de le dire tout de suite : ton avis, tes interprétations, ce que tu penses, ce que tu baves ; j'en ai rien à foutre. Si t'es venu lire, c'est parce que t'étais curieux, que t'as voulu savoir comment c'était dans ma tête et tu vas le savoir : je peux être le pire des connards et en pensée, j'ai aucun filtre. Alors fait pas mine de t'offusquer s'il te plaît, parce que c'est usant, autant pour toi de jouer les faux-culs que pour moi de t'imaginer le faire. On est tous des connards de toute façon, ce qui nous différencie, c'est notre niveau d'honnêteté, ou de méchanceté, selon le point de vue.

Clairement, je vais pas me fouler. J'en ai aucune putain d'envie. Ah ouais. Habitue-toi aux jurons aussi, parce que ça va dépoter. C'est une sorte de ponctuation, tu va vite comprendre comment ça fonctionne, comment je fonctionne.

Bon, j'ai assez parlé pour rien dire, je pense. Je sais pas encore ce que je vais écrire demain et les jours qui suivent, on verra bien. Selon le bordel qu'il y a dans les placards de ma tête.

Ah, et dernier tips. Tu verras vite dans quel état je suis à mon écriture, j'ai pas encore classifié tout ça, mais je penserais à le faire... Un jour.

Ce soir, je suis entre la dépression et l'indifférence. 

Le Journal Public Du BorderlineWhere stories live. Discover now