Une lumière éblouissante jaillit devant mes yeux. J'ouvre les paupières lentement avant de les fermer aussitôt. Puis, tentant ma chance, je les ouvre de nouveau. Une guitare Godin qui date au moins des années 70, une affiche collée au plafond des Beatles. Je cligne des yeux avant de poursuivre mon exploration. Un vieux miroir avec des photographies collées dessus ainsi qu'une coiffeuse antique. Des murs aux grandes fenêtres peinturés en noir, lorsque j'avais 13 ans. Un mur recouvert de papier peint. Tout ceci m'est si familier mais si étranger à la fois. Comme si j'étais rendue trop forte pour toute mon existence, comme si j'avais besoin de changer d'air et de fonder mon nid ailleurs.
Sortir du lit un samedi matin est une tâche ardue, surtout lorsque les vacances d'été viennent de commencer. Pendant l'été, certains font des voyages à l'autre bout de la planète, d'autres se trouvent un travail dans un commerce assez sympa. Y en a même qui trouvent le grand amour, au bord de la plage. Depuis que je suis toute petite, tout cela me semble insensé. Pourquoi avoir un but, un avenir tracé devant nous? Selon moi, choisir sa vie au fur et à mesure c'est beaucoup mieux. Mieux que se faire dicter sa conduite, ses moindres gestes par quelqu'un qui veut nous contrôler. Parlant de se faire contrôler...
J'enfile mes pantoufles en laine malgré la chaleur d'été qui se fait sentir de plus en plus à l'extérieur. C'est une habitude et je n'ai pas l'intention de m'en débarrasser. Pour couvrir mon pyjama sur lequel on retrouve des nuages sur la culotte, je mets sur mes épaules un châle léger, pour ne pas succomber à la température étouffante du mois de juin.
Sur le comptoir de la cuisine m'attends un verre de jus d'oranges fraîchement pressées ainsi qu'une note adressée à moi, signée de ma mère :
« Bon matin ma chérie,
Je suis partie au gym et ton père à l'épicerie. Je reviendrai dans environ trois heures, soit vers midi, et ton père sera là vers environ onze heures. À notre retour, il faudrait parler de ce que tu vas faire de ton été, d'accord?
Je t'aime, maman. »
Note qui me donne envie de vomir, oui. Je n'ai pas envie de discuter de cela avec eux, après tout, c'est mon choix. Je crois que je vais aller courir dehors pour une heure ou deux. Je ne veux surtout pas être là à leur retour.
Attrapant le verre de jus d'orange, de justesse d'ailleurs, je remonte les escaliers en sautant quelques marches pour faciliter ma progression vers le deuxième étage. Dans ma chambre, je bois le verre d'un seul trait, m'habille rapidement d'un short noir et d'une camisole rouge, me coiffe les cheveux d'une simple queue de cheval et tire les draps de satin de mon lit.
À l'extérieur de la maison, tout est calme. Pour troubler le silence assez paisible, il y a il y a le ruissellement de la fontaine, placée au centre de notre entrée, et aussi le système d'arrosage que le jardinier a du activer très tôt ce matin.
Sur mon petit lecteur Mp3 que j'utilise seulement pour la course, je choisi un des albums de Marina & The Diamonds, que je fais jouer sans arrêt. Je commence lentement, pour aller un peu plus vite après quelques foulées. C'est important pour moi de me donner à fond, dans tout ce que je fais. Il y a quelques petites exceptions, c'est sûr. Qui ne déteste pas les mathématiques?
Trois maisons plus loin, il y a la petite des Canadell, Naomi, qui joue seule avec le système d'arrosage. Elle doit environ avoir sept ans, a les cheveux blonds et les yeux verts. C'est une petite peste qui aime beaucoup trop la terre et les insectes. Lorsque je la garde chez elle, je me retrouve toujours salie ou couverte d'insectes dégoûtants. Alors, quand les parents de cette princesse arrivent, elle se met à pleurnicher en espagnol. Cette enfant est diabolique et hypocrite.
Je passe devant sa maison rapidement mais, coup de malchance, elle me voit et me fait un grand signe de la main très hypocrite. À son âge, elle est manipulatrice et calculatrice. Future femme d'affaire, je le dit. Escroc, à la limite.
