Page 1

66 3 0
                                    

Frisson. Les larmes roulants sur mes joues me réchauffent petit à petit, douces, elles laissent sur leur passage une fine traînée humide.

J'ai froid. Assise par terre, devant une porte de garage. Les passants marchent, ils se font nombreux, parfois ils m'accordent un regard de pitié. Je ne ressens aucune crainte. Je suis en sécurité ici, personne ne peut m'enfoncer plus que je ne le suis déjà. J'ai marché des heures dans ce but. Trouver un village et m'asseoir quelque part. Je n'ai pas pensé à la suite. Je regarde le sol en observant avec attention les pieds des personnes, un pas souvent assuré ils marchent vers un but précis. Peu sortent dans la rue sans aucun but. Cependant, ceux-là on les reconnait, une démarche lente et appliquée des yeux se faufilant dans chaque détail minime. Des pieds s'arrêtent devant moi, je lève doucement mes yeux, surprise. Un jean bleu, un sweat maladroit et un regard. Un regard dénué de pitié, de la curiosité et de la surprise plutôt. C'est toi.

Tu restes planté là à me regarder durant cinq bonnes minutes. Aucun des passants ne s'est arrêté pour moi avant toi, là maintenant.

Je n'ai pas le temps pour ça, pas le temps de t'expliquer laisse-moi pleurer, crier, profiter de ma solitude destructrice, mais pas moins nécessaire. Suite à cela tu fais quelques pas derrière moi. Je me retourne curieuse et te vois entrer par cette porte de garage qui donne, je le découvre à cet instant, sur un appartement. Mince, tu habites là. Tu entres et ressors presque instantanément, tu t'approches et me couvres d'une couverture épaisse et douce, une espèce de polaire marron. Ne me touches pas. Tu as hésité, avant de me soulever. Le plaid entre ma peau et la tienne me détend, tout va bien, tu ne me touches pas, tout va bien. Je suis exténuée et tu es un corps chaud, alors je me laisse aller et m'en vais doucement dans le monde des rêves.

Quand j'ai ouvert les yeux, tu étais là de dos concentré un pinceau à la main et une toile déjà légèrement souillée. Je t'observe, tu te sens observé n'est-ce pas ? J'attends le moment où tu vas te tourner et me voir. pour l'instant tu es concentré. Mes larmes ont cessée de couler et je suis dans ton lit, chaud. Mon téléphone est sous l'oreiller, je l'attrape, l'éteint et le fais glisser sous le lit, dans un petit bruit sourd. Je ne veux plus le voir. Mon regard se pose sur ma main, l'anneau à mon annulaire, je l'enlève rapidement et le dépose au même endroit que mon téléphone.

Quand nos regards se croisent tu souris. Pourquoi tu souris ? Quelle heure est-il ?

"Je vais aller me coucher. Je dormirai sur le canapé. Rendors toi... "

La douceur émanant de ta voix est touchante et curieusement je me sens en sécurité chez un homme que je n'ai pourtant jamais vu.

Le soleil m'agresse la peau, curieux. Je n'avais remarqué aucune fenêtre dans cette chambre. Il faut croire qu'il y en a une. Je reprends peu à peu possession et conscience de moi et de mon environnement. Il n'y a pas un bruit. Et j'ouvre enfin les yeux sur cette pièce, je me lève doucement de cette longue nuit et je me mets à balader de pièce en pièce. Du marron aux murs, des meubles sombres et chaleureux, du bois. Tout est rangé, comme si tu savais que j'allais apparaître, en as-tu rêvé ? Mais toi, tu n'es pas là. Une feuille est posée sur la table au centre de la salle à manger. La première fois que je vois ton écriture, maladroite, on dirait pourtant que tu t'y es appliqué. ''Je reviens du travail vers 16h, fais comme chez toi. Prends le double des clés.''. Rien ne t'étonnes ? Tu trouves vraiment cette situation normale ? Si c'est bon pour toi... ça l'est pour moi !

Ton appartement est orné d'objets, des objets qui te sont chers j'imagine, car ils sont bien entretenus sans aucune trace de poussière. Je les touche, les observe, je suis certaine que tu en caches d'autres mais j'ai trop de respect pour fouiller davantage.

J'ai trouvé la salle de bain et machinalement comme si j'ai toujours habité ici je me déshabille et file sous la douche. Un jet d'eau chaude, bouillante pour certain, je ferme les yeux. Les parcelles de douleurs parcourant mon corps se détendent et je les oublie un instant.

Les vêtements que je passe sur ma peau sont les tiens, je trouve cela ironique, comme si mon identité quittait mon âme pour se réinventer. Je n'ai jamais aimé les vêtements larges, il y a un début à tout. Ton odeur m'entoure, tu mets du parfum, un parfum aux notes intenses et qui est pourtant parfaitement subtil, j'aime bien.

Je sors dans ce village qui m'est inconnu après avoir refermé ta porte. Il y a moins de monde qu'hier certainement car nous sommes le matin. Quel jour sommes-nous ? Je marche et me laisse porter par l'âme du lieu. Un vieux village qui a du vécu et qui est pourtant assez actif, il y a une belle énergie et je m'y sens bien. J'ai peur de te croiser, j'en ai envie aussi, je crois. Tu habites en plein centre-ville, beaucoup de commerces en tous genres, mais moi je cherche une librairie. Ce qui attire mon œil et perturbe ma recherche, est ce café. Un café tout ce qu'il y a de banal avec des tables sur la terrasse des personnes dégustant un croissant tout en observant la terrasse d'en face en ce demandant s'ils ont fait le bon choix. Non, ce qui a retenu mon attention c'est son nom, « Le condé ». Modiano, fait se dérouler tout un roman dans un bar du même nom. Est-ce voulu ? Où est-ce un lien fortuit ? Il faut que j'y entre.

J'ai comme l'impression d'être dans un film, je pénètre dans le bâtiment, à l'intérieur tout est très clair et épuré, contraste avec la façade, un vieux bâtiment sombre et plutôt délabrée. Une odeur de chocolat embaume la pièce. J'observe les couleurs pastels, douces et agréables. J'ai envie de rester. Je commande alors un thé et je m'assoie sur une table dans un coin. Cet endroit va être mon endroit. J'aime assez l'idée de t'acheter un cadeau. Tu as été si doux avec moi.

Je n'ai porté aucune attention à la musique basse qui peuple l'établissement, une musique d'ambiance avec un petit effet vieilli sans paroles, c'est très agréable. Un vinyle ! Voilà ce que je vais t'acheter, j'ai remarqué dans l'exploration de ton appartement un lecteur ainsi que pleins de vinyles. Je vais compléter ta collection avec un groupe que j'aime bien. Très facile de trouver une boutique de vinyles ici, même pas besoin de téléphone. Tant mieux, j'ai viré le mien sous le lit dans l'optique de ne plus jamais le récupérer. J'espère que tu ne fais pas le ménage trop souvent. S'il te plaît conserve mon secret au chaud.

Le soleil se voile, mais je n'ai aucune idée de l'heure, en revanche ce que j'observe c'est la lumière dans ton appartement. Tu es là.

Subitement, tu es làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant